Alors que la planète Metal n’en a plus que pour la révélation EMPIRE STATE BASTARD, dont le premier album est attendu comme le nouveau Messie Grind, le sieur Lombardo continue sa route, entre piges fameuses et petits plaisirs collectifs. L’homme a été vu ou aperçu sur son tabouret au service de SUICIDAL TENDENCIES, TESTAMENT, DEAD CROSS, FANTOMAS, MR BUNGLE, j’en passe et des pas forcément meilleurs, et est devenu en quelques années le mercenaire aux tarifs abordables que certains groupes se paient pour un peu de publicité.
Ou de talent.
De talent oui. Vous avez sans aucun doute déjà vu l’une de ces vidéos, tournées au Brésil ou en Côte d’Ivoire, présentant un percussionniste de fortune frappant sur des bidons et autres ustensiles de cuisine, alignant les figures incroyables et faisant preuve d’un groove démoniaque. Je pense que dans une autre vie, ou dans un autre plan de notre multivers, Dave LOMBARDO aurait été filmé dans ces mêmes conditions, frappant de toutes ses forces sur un machin en plastique blanc sous le regard amusé mais admiratif des passants.
Et certainement pas parce qu’il est cubain. Ou alors, pas que. Car l’ancien batteur fou de SLAYER possède ce groove unique qui a fait de lui un compagnon de route très apprécié, capable de phagocyter n’importe quel style et le faire sien, pour s’adapter à un nouveau contexte artistique. S’il était bien évidemment l’une des pièces maîtresses de SLAYER, s’il était un poumon d’acier pour TESTAMENT, il est devenu un électron libre qu’on s’attend à voir à chaque coin de rue, les baguettes délicatement effilochées et la casquette vissée sur la tête.
Mais désormais, nous savons que Dave n’a guère besoin d’acolytes célèbres pour s’amuser. Alors, en attendant la sortie de ce fameux album de Grind progressif survendu avant même d’avoir été entièrement composé, apprécions cette tranche de vie instrumentale que le batteur poulpe nous propose en guise de hors d’œuvre.
Ou de dessert.
Rites Of Percussion est tout ce que son nom évoque. Des percussions, tribales, rituelles, mais surtout, un album qui nous emmène loin, vers La Havane, à fumer un gros cigare maison tout en apprenant quelques coutumes des autochtones. La frappe de Dave, souple, rapide et inspirée, a donné du fil à retordre à ses suiveurs, et je ne vois guère que Chris Kontos et Igor Cavalera pour pouvoir se réclamer de son héritage. Alors, calmez-vous de suite. Si Lombardo depuis quelques années provoque le chaos pour frapper sa vie sur des toms masochistes, cet album en incartade solo ne répond à aucun critère métallique en vogue. Non, mais pour autant il ne manque ni de puissance, ni de fantaisie, ce qui le rend évidemment indispensable à tous les hagiographes de notre batteur préféré.
Sur ce disque étrange, à l’ambiance lourde et sombre, Dave construit, élabore, triture ses thèmes pour leur faire épouser les bons contours, et nous propose un voyage orbi, un voyage au long-cours qui pourrait être un concert géant donné quelque part entre l’Amérique du Sud et l’Inde. Mais comme le cahier des charges d’Ipecac réclame certaines formules de politesse, Dave a aménagé quelques idées plus confinées, entre pression et oppression, et sa batterie n’a jamais sonné aussi vivante par le passé. Sans doute parce que pour la première fois, l’homme ne se cache pas sous un autre nom.
Entre solo gigantesque d’une quarantaine de minutes, et interprétation Indus des capacités d’un frappeur hors-normes, Dave nous fait le coup de la Bossa Nova déguisée en Free Jazz, du coup fourré tribal sans tatouage à deux balles, mais surtout, du plaisir partagé entre initiés, qui ne crachent pas sur un brin d‘hystérie percussive inspirée.
Inutile d’attendre une quelconque analyse détaillée, tout se trouve dans ces morceaux aussi semblables que différents. S’amusant beaucoup avec les cerclages, avec sa grosse caisse qui rappelle ses années Thrash avec Kerry, Tom et Jeff, multipliant parfois les notes fantômes, mais glorifiant les attaques de biais avec roulements diaboliques et coups de cymbales fermes, Dave donne un petit résumé de son génie sans négliger le concept. Car entendre un batteur - aussi doué soit-il - nous refourguer un numéro de cirque pour impressionner les masses n’a rien de vraiment transcendant.
Ou même d’intéressant.
Dave a tout fait sur ce disque. Il a quand même laissé le mastering à John Golden, mais le reste est en famille, et le résultat est en tout point passionnant. On se croirait vraiment parti pour un périple à l’autre bout du monde, à la découverte d’autres cultures, tout en prenant quelques cours de frappe inventive et musclée. L’atmosphère, moite et étrange, presque chamanique, est parfois allégée par les figures de style du plus américain des cubains, qui s’amuse beaucoup sans en rajouter des caisses.
Rites Of Percussion est donc un album à écouter d’un trait, pour comprendre son but. Mais aussi pour en retenir ses effets les plus évidents, entre euphorie et épiphanie, exploit et partage, ou World Music et Jazz Metal.
Ou autre chose.
Titres de l’album:
01. Initiatory Madness
02. Separation from the Sacred
03. Inner Sanctum
04. Journey of the Host
05. Maunder in Liminality
06. Despojo
07. Interfearium
08. Blood Let
09. Warpath
10. Guerrero
11. Vicissitude
12. Omiero
13. Animismo
Voyage au centre de la scène : Le Metal français des années 80' / Seconde partie
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