Pour toute chronique qui se respecte, on écoute l’album. Une fois, deux fois, dix fois, pour s’en imprégner, et pouvoir en parler en toute objectivité, avec un minimum de recul. Puis, on le laisse de côté, et on y revient quelques temps plus tard. Si l’impression reste la même, bingo. Si l’exaltation laisse place à l’inattention, boum. Deux choix, qui définissent un jugement sans partage. Ce matin, j’ai encore mis cette méthode à exécution, en découvrant le nouveau long des lyonnais de BTK (BIND TORTURE KILL). La première écoute a été très douloureuse. La seconde aussi. La quinzième, après un break de quelques heures, traumatique. Il devenait donc évident que Sauvagerie était l’album de Chaotic Core de cet automne, sans contestation possible.
Je connais bien ces trois-là. Ils m’avaient déjà malmené sur Condamné, et violé mentalement sur Viscères. Je n’attendais donc aucune empathie particulière de leur part, mais je ne craignais pas non plus de nouveaux sévices encore plus vicieux. Et pourtant. C’est exactement ce qui s’est passé.
Benjamin Garçon (batterie), Yann Alexandre (guitare) et Olivier Alexandre (chant) ont décidé il y a peu de durcir leur son, qu’ils trouvaient encore un peu trop accessible. Pour ce faire, direction la Suède virtuelle et l’acquisition d’une bonne pédale HM-2. Quoi de plus efficace pour fricoter avec le Death local, et durcir un fond déjà très véhément dans le ton ? Ainsi, Sauvagerie ne cite pas OTH mais bien les artisans responsables de la rigidité cadavérique d’un style né dans les années 80, et qui depuis a été copié, des milliers de fois, sans que le froid originel ne soit imité à la perfection. Encore moins dilué dans un autre style. Et lorsque le Hardcore se met à la colle avec l’extrême Metal, ça donne quelque chose d’horrible et attirant à la fois.
Sauvagerie.
Enregistré par Kris Banel au Warmaudio (Décines), masterisé par Nick Zampiello au New Alliance East Mastering (Boston, USA), ce troisième album catapulte les BTK sur le devant du devant de la scène. On imagine l’impact de ces neuf nouveaux morceaux sur une petite scène, de la taille de La Maroquinerie par exemple, mais surtout, leur puissance développée au moment de l’enregistrement. Et immédiatement, dès que « Déchiqueté » vous explose les oreilles, une drôle d’image vient à l’esprit. Celle de CONVERGE fomentant un coup pendable avec DISMEMBER. L’image vous titille ? C’est normal, c’est voulu.
Mais ce Hardcore teigneux joué avec l’énergie du Death Metal est une révélation en soi. Loin du Death old-school juste assez râpeux pour concerner les fans de CANDIRIA, Sauvagerie s’ingénie à imbriquer les idées les plus agressives, les plans les plus lourds et les concepts les plus concentrés pour accélérer nos battements cardiaques et nous donner la sensation d’un arrêt soudain des fonctions vitales.
En envisageant le truc comme un Jane Doe réactualisé par ENTOMBED A.D., il est tout à fait possible de trembler en pensant aux conséquences auditives en conditions live. La rythmique à bride abattue, les hurlements rauques et secs, les riffs qui puisent à Stockholm ce qu’ils arrosent à Lyon, tout contribue à instaurer un climat oppressif, entre totalitarisme musical et dictature mentale. Sans aucune pitié, mais sans complaisance ou facilité, BTK salue son modèle meurtrier en mettant ses crimes en sons. Des sons bruts, blancs, qui rebondissent sur les barreaux d’une prison d’infortune, entre les douches et le parloir.
Franchement déprimant, mais lucide.
Mieux vaut abandonner toute catégorisation sous peine de passer à côté d’une expression libre. Si le trio reste fidèle à son éthique bordélique, il élargit ses horizons pour donner des leçons de méchanceté à la concurrence. Qui est certainement encore groggy de ce coup de poing gigantesque. Un coup de poing qui s’éternise sur « En Tombe » (ENTOMBED ?), qui fait abondamment saigner du nez avec cette basse qui prévient tout amortissement, et qui transforme les jambes en guimauve sur le ring de la vie.
« Lapidée » vole comme une pierre à la face d’une pauvre condamnée injustement, « Brûlé Vif » incendie et dévore les chairs avec l’appétit des radiations de Tchernobyl, « Cul de Jatte » vous coince dans une caisse à roulettes pour aller faire la manche du côté de la gare de Lyon.
Autant d’images qui viennent en tête et refusent d’en partir. C’est relativement atroce, c’est totalement féroce, et surtout, ça monte d’un cran dans les débats sur l’importance de la culture Noise dans notre société en déliquescence.
J’ai une sale odeur de moisi dans les naseaux. Une odeur fétide de cave mal isolée et dont les canalisations bavent jour et nuit. Et je vois cette pauvre victime enchaînée. Qui me supplie du regard. Mais je ne peux rien faire, je ne suis qu’une illusion dans un tableau sale et perturbant. Il va falloir qu’elle se débrouille seule. BTK n’est pas du genre à négliger les détails afin de prévenir toute tentative d’évasion.
Titres de l’album :
01. Déchiqueté
02. Bandaison
03. Cadavres
04. Sauvagerie
05. Fétide
06. En Tombe
07. Lapidée
08. Brûlé Vif
09. Cul de Jatte
Je l'ai ai vu au Sylak (01) cet été, ils ont mis le feu à la soirée du vendredi soir.
Incontestable...
J'avais vu Carcariass en live deux fois il y a fort longtemps, pendant la première époque et donc à l'époque où je lisais plutôt des magazines que d'aller m'aventurer sur l'internet Metal encore balbutiant. C'est un bon souven(...)
09/12/2024, 12:15
Grotesque décision. La réaction du fest est saine et équilibrée, et remet les choses à leur juste place. Provoquer n'est pas prôner, et la provocation a souvent pour but de faire réagir, ce que les bien-pensants ne comprennent pas et ne compren(...)
09/12/2024, 10:26
Si j'ai bien compris il sera encore à pied d'oeuvre en studio.Et c'est le batteur de British Lion qui prend sa place en Live. C'est pas foufou comme annonce.
08/12/2024, 16:04
Il reste officiellement membre du groupe pour les albums etc ou c'est un départ officiel et définitif ?
08/12/2024, 15:12
À plus de 70 balais c’est compréhensible. C’est déjà incroyable cette longévité et ils peuvent arrêter maintenant ça ne choquera personne. Merci et bon vent
07/12/2024, 20:27
La vache ! Très curieux de savoir qui prendra son tabouret. En tout cas, pour avoir rencontr&eac(...)
07/12/2024, 17:46
Hey !! Mais merci pour cette super chronique !!On aurait pas fait mieux !!!
07/12/2024, 16:52
Couillu de sortir ça en France, je compte les jours avant un strike d'une assoc' ou d'un justicier des RS pour "isme", "apologie de", ou tout autre joyeuseté de la sorte.
05/12/2024, 08:36
ça m'a rappelé un film qui aurait apparaitre ici : get him to the greek ;)
04/12/2024, 09:46
Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)
03/12/2024, 13:55
Bravo pour remettre en lumière un groupe à part et spécialement la partie la plus ancienne de l'histoire de Stille Volk, largement méconnue (j'ai appris des choses). C'est en partie à cause du faible nombre d'interviews qu'ils ont pu fai(...)
02/12/2024, 20:13