To Those We've Bid Farewell

The Foundation

11/12/2020

Autoproduction

Terminons cette sinistre année 2020 avant que 2021 ne commence à déverser son fiel sur nous. Si humainement, cette année bientôt morte aura été une catastrophe d’ampleur internationale, et surtout, sectorielle, laissant les petits commerces exsangues, elle aura surtout été mortifère pour le monde de la culture qui a vu ses lieux vivants devoir garder portes closes, laissant les musiciens sur le carreau, les danseurs dans leur salle de répétition, les techniciens seuls avec leur matos, et les groupes confinés chez eux, ne trouvant d’exutoire qu’en enregistrant de nouveaux albums plus tôt que prévu. Certes, tout ceci a tourné à l’avantage des auditeurs, qui ont pu se repaître de nouveautés à longueur de semaine, mais quid de l’avenir de cette musique en live, en supposant que 2021 laisse les groupes défendre leur abondant répertoire sur scène ? Bref, et pour faire simple et populiste, c’est la merde, et 2020 s’achève comme elle n’avait pas commencé, sans concerts, mais avec un maximum de nouveautés à se mettre sur le bout des tympans. Et aujourd’hui, ce sont les Etats-Unis qui sont à l’honneur via deux de leurs représentants des plus ambitieux, qui nous proposent leur deuxième album en quatre ans, sans que l’on sache vraiment d’où ils sortent.

THE FOUNDATION est un concept bicéphale complexe, mis au monde par deux collaborateurs et musiciens émérites. Formé par Andy Lenoce et Connor Occhialini qui s’occupent de tout, bien que visiblement, le premier se charge du plus gros du travail. On retrouve ainsi Andy à tous les postes clé de ce projet, l’homme endossant les rôles de guitariste, de chanteur, de bassiste, de programmateur rythmique mais aussi de compositeur, laissant au pauvre Connor le soin de plaquer un seul riff de tout l’album. Entre les deux, une petite participation, celle de Michael Lenoce, dont la voix est samplée sur le morceau « Hallowed », et autant dire que To Those We've Bid Farewell est l’affaire d’un seul homme qui en a profité pour aborder un thème qui lui est cher, celui du deuil et de la perte d’être aimés. Au départ, To Those We've Bid Farewell était uniquement dédié à son père, Qu’Andy a perdu depuis de longues années, mais le créateur a décidé d’élargir la thématique de son œuvre à tous ceux que la mort a fauchés ces derniers temps, conférant ainsi à ce second LP une patine nostalgique et subtilement sombre, bien que la musique proposée soit souvent lumineuse et porteuse d’espoir.

Si thématiquement, cet album est donc à ranger aux côtés d’un Tonight’s The Night de Neil YOUNG, musicalement, l’affaire est plus complexe. On comprend vite qu’Andy a placé son travail sous l’égide d’un Metal Progressif touffu et dense, mais là encore, la classification en interne n’est pas des plus simples. Le désir de ne pas singer les valeurs les plus sûres du créneau l’ont amené à fricoter avec le Death, le Thrash, mais aussi l’évolutif plus classique des KING CRIMSON et autres PERIPHERY, sans que les deux groupes ne soient ouvertement cités. Et si l’affaire n’est pas des plus primordiales au niveau du contenu, elle reste un dossier à charge intéressant à verser au cas du progressif moderne métallique à souhait, qui envisage la composition comme l’assemblage de styles disparates s’assemblant parfaitement.

Et Andy tient à être très clair par rapport à son travail. Il l’annonce sans ambages sur le Bandcamp de son « groupe », et affirme que tout, du Metal classique au Death Metal a été employé pour qu’il parvienne à ses fins, et qu’il est inutile d’attendre de sa part quelque chose de similaire à chaque fois. Et autant dire que ces paroles ne sont pas vaines, tant cet album réserve de nombreuses surprises, sinuant entre les humeurs, et passant d’une tristesse palpable à une colère ouverte, sans aucune transition. Andy n’hésite pas à se vautrer dans la violence la plus lourde du Doom pour succéder à un passage aux claviers assez éthéré, sans que la cohésion d’ensemble n’en pâtisse. C’est ce qu’on découvre sur le sublime « An Ocean of Fire », un titre qu’OPETH et KATATONIA auraient pu signer à plusieurs mains, mais que les fans de Progressif plus classique ne claquent pas déjà la porte : THE FOUNDATION n’est pas que brutalité et virage forcés, et la plupart des morceaux gardent une ligne conductrice évidente et mélodique que les esthètes et autres puristes sauront louer. Ainsi, le premier véritable titre, « Isolated in Time » place les billes et les jalons, et nous offre le spectacle auditif d’un Metal vraiment bouillonnant et créatif, unissant les optiques de DREAM THEATER et Steven Wilson, bien que l’ensemble soit beaucoup moins ciselé que les sculptures de ce dernier.

Efficace et enthousiasmant à défaut d’être culotté, le Metal proposé par Andy tient la route, se montre parfois un peu redondant, mais regorge d’interventions en solo brillantes, et de passages clairement accrocheurs. On pourrait même envisager ce second LP comme une vulgarisation du progressif moderne, pour que les masses se sentant exclues du spectacle habituel puissent le suivre en toute compréhension.

Loin des tourbillons habituellement créés par le Progressif le plus échevelé, To Those We've Bid Farewell prend le temps d’imposer ses idées, qui sont claires, mais ne se perd pas dans de longs dédales instrumentaux masturbatoires qui gâchent souvent l’écoute. L’utilisation de l’électronique permet une emprise gardée sur les tendances de son époque, le clavier sonne suffisamment analogique pour qu’on adhère, et la voix d’Andy est claire, puissante, mais peut aussi se montrer féroce et grave. Le musicien propose d’ailleurs des chapitres courts et plus concentrés, qui sont remplis de plans à reprendre en détail, mais c’est évidemment le diptyque final « Epitaph » qui attire l’oreille. Dernier mouvement étudié en deux parties, cet épilogue est de toute beauté, et concentre en un peu plus de douze minutes toutes les composantes du concept, utilisant même la violence du Black sympho pour planter un décorum imposant.

A l’aise dans son monde, Andy fait donc son deuil à sa manière, et partage avec nous le ressentiment d’avoir perdu un ou plusieurs êtres chers. Une belle façon d’évacuer la rancœur et de partager la tristesse, sans la rendre contagieuse, mais en impliquant l’auditeur au premier degré.    

 

            

Titres de l’album:

01. Mass

02. Isolated in Time

03. Call Without Response

04. Hallowed

05. An Ocean of Fire

06. Empty No More (Epitaph Mvt. I)

07. Lost to Words (Epitaph Mvt. II)


Bandcamp officiel


par mortne2001 le 14/07/2022 à 14:49
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