Il n’y a guère que les groupes de Doom ou de Black pour faire passer un album de plus de quarante minutes pour un EP. Mais Ayloss a sans doute ses raisons pour baptiser ainsi ce 11 Days, qui de ses quatre compositions fait honneur à la discographie du grec. SPECTRAL LORE est depuis de longues années l’une des forces les plus vives de la scène BM grecque, et ce nouveau chapitre de la saga, bien qu’anecdotique dans les faits de l’actualité, revêt une importance assez flagrante une fois son concept dévoilé. Car oui, le Black Metal est aussi investi éthiquement et humainement qu’il n’a longtemps été satanique et blasphémateur, et Ayloss vous propose en 2023 de vous attarder sur une catastrophe humanitaire tragique, celle des migrants.
Ayloss donne des chiffres, et ils font froid dans le dos. Car plus de 25954 personnes (chiffre communiqué par le Missing Migrants Project) se sont noyées en tentant de fuir leur pays entre 2014 et 2022, ce qui nous fait une triste moyenne de 3244 victimes par an, génocide indirect qui se place sur le podium des catastrophes les plus meurtrières de notre siècle.
Mais alors, quel lien entre cet EP et cette constatation affolante ? La musique, celle qu’Ayloss a composée pour illustrer le chemin fictif d’un migrant affrontant les mers pour rejoindre des côtes plus accueillantes. Mais ce voyage, loin d’être commun, se voit aussi perturbé par des éléments surnaturels et mystiques, pour adopter les courbes d’un style musical utilisé à dessein.
11 Days évoque donc de son titre la durée de ce voyage de tous les dangers, et se fait l’écho de l’attitude déplorable du gouvernement italien, qui a récemment balayé la honte d’un naufrage près de ses terres en arguant du fait qu’il ne faut pas quitter son pays dans n’importe quelles conditions. Cette saillie rapidement reprise par les médias internationaux a achevé de jeter un opprobre mérité sur la droite radicale européenne, et SPECTRAL LORE prend donc le contrepied de cette politique nationaliste en réclamant l’ouverture des frontières et le droit d’asile pour tous.
Intention louable d’autant qu’elle s’accompagne d’un reversement des bénéfices de la vente de cet EP à des organisations de défense des migrants et réfugiés. Ayloss va donc jusqu’au bout de son propos, et s’est fendu pour l’occasion de quatre titres d’une qualité exceptionnelle, entre Ambient, Black atmosphérique, et Post-Black progressif.
Quarante minutes de dangers, de découvertes néfastes, et d’un destin qui ne tient à la vie que par un fil très fin. On se laisse donc embarquer dans cette bande-originale catastrophe qui pourrait bien être adaptée en film tant les images sonores qu’elle génère titillent l’imagination. On se met alors dans la peau de pauvres gens fuyant le régime répressif ou économiquement exsangue de leur pays, pour rejoindre l’Europe de l’Ouest, et plus précisément la France, l’Allemagne, la Belgique ou l’Angleterre.
Pour dessiner les contours de cette aventure, SPECTRAL LORE utilise donc tous les codes inhérents au Black expérimental qu’il affectionne tant. Les séquences se suivent donc dans un tourbillon logique, entre plages mélodiques et apaisées lorsque la mer est d’huile, et accélérations brutales et bruitistes lorsque le danger pointe le bout de son nez. Nous sommes donc constamment balancés par cette houle musicale, qui ne nous laisse aucun répit, et qui nous permet d‘entrevoir l’épreuve que doivent traverser ces milliers de désespérés, jamais certains d’atteindre leur but encore en vie.
Thématiquement et artistiquement, 11 Days est donc d’importance. Il se veut témoignage d’une époque trouble où les régimes se succèdent et se renversent sous l’œil bienveillant des grandes nations, toujours promptes à mettre en place un dictateur ou à en destituer un autre. Les conflits actuels, nombreux, les catastrophes climatiques, le peu d’espoir que laisse un avenir chancelant permettent donc aux artistes de puiser au fond d’eux-mêmes l’inspiration pour brosser un tableau fidèle de la situation, quitte à nous déprimer.
Mais il en va de la vérité comme d’un virus létal. Il convient de l’affronter pour ne pas se cacher la tête dans le sable en attendant un supposé miracle qui n’interviendra jamais. Et SPECTRAL LORE l’a parfaitement compris, et décrit les faits sans les enjoliver ni les rendre plus laids. 11 Days est donc symptomatique de la démarche créative d’Ayloss, mais reste une œuvre à part dans sa production très riche.
Penser à soi, c’est penser aux autres. La misanthropie n’est plus d’actualité, et même le Black Metal s’en est rendu compte. C’est dire l’urgence de la situation.
Titres de l’album:
01. Moloch
02. Fortitude/Sunrise
03. Adro Onzi
04. Tremor/Kalunga Line
Voyage au centre de la scène : interview de Jasper Ruijtenbeek (The Ritual Productions)
Jus de cadavre 07/05/2023
Élue pochette de l'année. Et musicalement c'est pas dégueu. Faut que j'écoute ça attentivement.
29/05/2023, 16:54
Ça sentirait pas un peu la pochette faite par IA ça ?. Midjourney sera bientôt le "cover artist" le plus productif sur Metal archives...
26/05/2023, 20:56
Le premier album a énormément tourné chez moi, gros Hardcore à bagarre avec riffs à la Slayer mais toujours avec une ambiance... jouasse ! Genre, du HxC en chemise Hawaïenne.Mais là je dois dire que le titre Good Good Things m'a fait dr&o(...)
25/05/2023, 18:25
RIPC'est quand même le second du line originel qui passe l'arme à gauche....
25/05/2023, 15:17
Grosse perte, voilà un Monsieur dont la contribution à la scène Rock en général est largement inconnue.Un grand merci pour avoir permi tant de chose et montrer non pas une mais plusieurs voies possibles pour s'exprimer dans la musique.
25/05/2023, 08:37
MARDUK a communiqué depuis en disant que ce n'était là que l'une des nombreuses fois où il est apparu totalement ivre sur scène (il aurait par exemple fait un streap tease sur scène...) et que c'était une condition de départ p(...)
25/05/2023, 08:35
Du calme les excités antitout, vous disiez pareil de slayer, jouer avec l'interdit c'est tout à fait l'esprit adolescent du metal
24/05/2023, 21:49
Le clip - aussi moche soit il - est déjà bien plus intéressant que 99% des clips métal réalisé en usine désaffecté avec ces sicos mode playback.
24/05/2023, 16:39
L'intelligence artificielle n'est pas - par définition - l'intelligence. Un bon monde d'assistés qui se prépare.Le clip n'est pas si mal malgré tout.
24/05/2023, 15:10
Juste au moment où je me mets à apprécier de nouveau pleinement Type-O après une parenthèse de presque vingt-cinq ans... Comme quoi il reste toujours un public pour les grands groupes même après leur disparition active.
24/05/2023, 13:44