Vous allez me dire, « encore la Suède ?? ». Et je répondrai, « et pourquoi pas ? ». Parce qu’après tout, les musiciens suédois, certes omniprésents sur la scène, ont la décence de proposer une musique variée, souvent certes orientée vers l’extrême ou le Vintage, mais toujours de grande qualité. Alors autant apprécier ce qu’ils nous offrent sans se poser de question. Et une fois encore, cette fameuse qualité est au rendez-vous, quoique l’histoire de ce groupe sorte quelque peu de l’ordinaire. NEPTUNE donc, pour une double référence, assez intéressante dans sa dualité. D’abord une figure mythologique, Dieu des eaux vives et des sources, et donc de la vie originelle, assimilé par les romains à Poséidon, et donc transformé en symbole guerrier. Mais aussi une planète, la huitième et dernière du système solaire, ce qui offre donc à nos héros du jour une symbolique assez décalée et étrange, comme incarnation d’un soldat oublié par le temps, un peu éloigné de la chaleur des projecteurs, mais vaillant et revanchard dans l’esprit. Et c’est une métaphore qui sied parfaitement bien à nos suédois quotidiens, qui ont dû se battre contre le temps et l’adversité pour enfin triompher et revenir au premier plan avec ce « premier » album, dont l’accouchement fut des plus improbables et difficiles…Il faut dire qu’en ayant émergé du néant en 1979, ces musiciens auraient pu espérer s’exprimer de façon durable beaucoup plus tôt dans leur vie, et espérer un peu mieux qu’un anonymat forcé les contraignant à se séparer sans avoir gravé quoi que ce soit pour la postérité…Alors NEPTUNE, le Dieu maudit plongé dans des océans d’indifférence et jouant de malchance ? C’est un peu ça, et complètement même, mais son émergence soudaine et imprévisible pourrait bien changer la donne…
Formé donc à l’agonie de 70’s se préparant à un tournant majeur, ce quintette (Roland "Rowland Alex" Alexandersson - basse, Tommy "Tommy Mikk" Mikkonen - batterie, Johnny "Johnny Oyster" Östergren & Anders "Andy Olson" Olsson - guitares et Reine "Ray Alex" Alexandersson - chant) aura dû patienter la bagatelle de quarante ans avant de pouvoir savourer son premier LP. Une jolie preuve d’abnégation pour un parcours ponctué de démos, quatre pour être plus précis, enregistrées entre 1984 et 1987, et faisant preuve d’un léger glissement de style. D’abord entamé comme une quête Heavy Metal pur jus, leur périple a emprunté des détours assez symptomatiques des vogues en cours à l’époque, tâtant même d’un peu de Glam pour se maintenir à flots et garder sa fourche affutée. Et après un très long hiatus les ayant condamné au silence (et à l’implication dans des ensembles extérieurs), un simple coup de fil de High Roller Records a fini par sceller leur destin, et leur permettre de lâcher à la face d’un monde impatient ce premier LP, Land Of Northern, que beaucoup découvriront avec un grand plaisir tant il décrit à merveille l’histoire émaillée d’incidents de ce groupe dissident. Pour autant doit-on s’attendre à une révolution stylistique de la part de ces originaires de Botkyrka ? Non, mais ce qui est intéressant dans leur cas, c’est que bien qu’en tant qu’acteurs de la scène revival actuelle, subtilement nostalgique, ils puissent se considérer non comme des précurseurs, mais comme des activistes crédibles, puisqu’ils ont contribué à l’éveil de la scène scandinave à l’émergence d’un Heavy/Hard assez pointu, et joué avec le cœur.
Premier album donc, mais surtout, collage assez intelligent et hétéroclite de tout ce que NEPTUNE a pu proposer durant ses années d’activité. On retrouve donc au générique de Land of Northern treize morceaux, dont beaucoup proviennent de leurs quatre démos, ce qui confère à cette première fausse sortie un parfum d’éclectisme assez fascinant en soi, couvrant des spectres assez éloignés, mais gardant grâce à une production habile une indéniable cohérence de son et de ton. On se rend compte que le style du groupe a évolué au fil des années, se transformant d’un simple HM exécuté avec passion mais restant délibérément dans le rang, en une sorte d’AOR très travaillé et perméable aux claviers, omniprésents dans la production de l’époque des mid 80’s. C’est ainsi que les deux morceaux de la Démo 1987 tiennent le rôle de chien dans un jeu de quille, avec leurs nappes de synthé assez prononcés, et caractéristiques du son west coast de ces années-là, sans que l’on puisse trouver ça incongru ou même gênant. D’ailleurs, « Hard To Be Right », quoique très éloigné de leurs obsessions habituelles est un excellent morceau, très bien construit, qui rappelle un peu le FOREIGNER le plus mordant, avec cette rythmique si marquée et cette mélodie affirmée. Mais la mélodie a toujours été l’une des composantes majeures de la production des suédois, et un titre aussi épique et romantique que « Land Of Northern », qu’on trouvait déjà sur leur première maquette dans une version légèrement différente et tronquée le prouve en un peu plus de sept minutes. Les suédois avaient donc pas mal de choses à offrir au public Metal, et maudissons la malchance qui les a condamnés à l’ombre…Mais comme le destin est un petit farceur qui aime revenir sur ses propres pas, apprécions aussi la possibilité qui nous est donnée de réhabiliter ce groupe qui pourrait faire figure de proue de cette déferlante nordique de combos nostalgiques d’une époque passée.
Et ils ont les moyens de leurs nouvelles ambitions, puisque malgré son aspect hautement perfectible, ce premier LP pourra s’incarner comme détonateur d’une nouvelle partie de carrière qu’ils ont bien méritée. Et entre le boogie chauffé à blanc de « The Horse », qui faisait lui aussi partie de cette cuvée 84, la transition acoustique délicate de « The Children », hors du temps, ou ce Heavy tempétueux mais délicieux qui permet à « Lovegame » de se livrer à une joute de styles entre Hard et Metal, le choix est vaste et apte à satisfaire le public le plus varié qui soit. Evidemment, tout n’est pas parfait ou pertinent, et les plus pointilleux argueront du fait que le tout sonne particulièrement daté, malgré un lifting opéré, et que l’originalité pointe aux abonnés absent, l’album prenant des airs de best-of de l’époque, sans chercher à transcender les influences ou à s’en écarter. On pense d’ailleurs parfois à une version approximative des magiques SATAN (« Afraid Of The Beast »), ou aux débuts balbutiants de la scène HM française, qui cherchait encore sa propre essence (« Poem », limite à dater au carbone 14, et épique comme une répète un peu léthargique des MANILLA ROAD), alors que le final « Burglary Man », malgré son énergie de tous les diables et ses envolées vocales lyriques, appuie sur les origines des NEPTUNE et reste marqué au fer rouge du glissement opéré entre le Hard Rock purement 70’s et le HM typiquement 80’s. Un peu maladroit, plus passéiste que nostalgique, ce dernier tronçon est plus à prendre comme un témoignage que comme une démonstration actuelle, mais confère à l’album un parfum rétro pas si désagréable que ça. Et puis les musiciens ayant largement mérité de prendre leur revanche, il conviendra de se concentrer sur ce qui répond le plus à vos attentes en occultant le reste. Avec treize morceaux, il y a largement de quoi rassasier un peu tout le monde, ce qui est le but de l’opération je pense.
Reste à savoir si Land Of Northern permettra aux NEPTUNE de s’installer plus durablement et concrètement, ou s’il ne constituera qu’un testament, une épitaphe sur une tombe restée jusqu’à lors anonyme, ou presque. Vous seuls et le groupe pourrez répondre à cette question, mais son existence se valide en tout cas d’elle-même, et nous permet de découvrir que sous cette déferlante de combos bloqués sur un passé glorieux, s’en cachent certains ayant vraiment fait partie de la légende.
Titres de l'album:
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