Saluons comme il se doit.
Iä! Iä! Cthulhu fhtagn!
Les fans de Lovecraft reconnaitront évidemment cette incantation/salut qui dans sa version longue est parfois écrite comme tel :
Iä! Iä! Cthulhu fhtagn! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn!
Bref, laissons les connaisseurs dans leur bibliothèque, et saluons la venue de CTHULHU, non sous la forme d’une hideuse créature, mais d’une hydre Thrash à quatre têtes venue des Pays-Bas. C’est en 2018 que ce jeune quatuor de Lelystad a vu le jour, dans le but de présenter sa version d’un Thrash traditionnel, appuyé de quelques principes d’éthique. Cremator of the Sky est donc sa première réalisation, promue par le célèbre cabinet du docteur Vlad Promotion, et autant avouer que ce radicalisme modéré est de fort bon goût, et qu’il s’inscrit en plein dans la vague rétrograde européenne. Sans nommer d’influences, on peut affirmer que les amis hollandais ont retenu de sérieuses leçons de la Bay-Area, mais qu’ils ont aussi suivi l’actualité de leur pays à l’époque, puisque sans aller jusqu’à tenir la comparaison avec le mètre-étalon de PESTILENCE, leur musique possède cette empreinte violente des années 80. A un détail de taille, la voix incroyable de Vidal Wildeboer, qui nous ramène directement à l’élitisme des TOKIK et autres WATCHTOWER, mais aussi à la démence d’un VIO-LENCE. Le timbre du guitariste/chanteur, très haut perché, lui permet de faire flirter l’instrumental avec un Techno-Thrash humble, alors que ses growls convaincants nous projettent vers un Death pas totalement assumé par le reste de l’équipe.
Je parlais d’éthique plus en amont, et il est certain que la démarche des membres de CTHULHU est louable. Refusant tout artifice de studio, réfutant le principe du coupé/collé, conchiant les subterfuges Pro-Tools les plus éprouvés, le quatuor (Vidal Wildeboer: guitare/chant, Joep Smit: guitare, Bastiaan Bijsterbosch: basse et Cliff Trieling: batterie) a décidé d’enregistrer son premier album dans des conditions totalement live sans overdubs, et de la manière la plus naturelle qui soit. Evitant ainsi le statisme des productions les plus léchées, Cremator of the Sky garde donc cette patine agressive et naturelle qu’on retrouvait chez l’EXODUS le plus spontané, ce qu’un morceau de la trempe de « Many to Follow » prouve de son traditionalisme immédiat. Les guitares n’ont donc pas perdu en âpreté, la rythmique sonne comme si l’axe basse/batterie avait été capturé en répétition, et si le chant est mixé légèrement en retrait, la formation dispose d’un équilibrage optimal durant les passages instrumentaux. Le groupe en a d’ailleurs conscience, puisqu’il propose deux pistes sans chant sur ce premier effort, qui tiennent admirablement bien la route sans avoir à singer METALLICA ou DEATH ANGEL.
Nous sommes d’ailleurs accueillis par l’une d’entre elles, avec « Aggressor » qui plante fermement le décor. Sans surprise, CTHULHU joue la carte du formalisme, mixe les influences (un peu de DESTRUCTION, un peu de RIGOR MORTIS, un peu du TOXIK de World Circus, EXODUS, HOLY MOSES etc…) pour régurgiter sa propre version de l’histoire, qui ne la chamboulera pas, mais qui apportera à la mouvance old-school un peu de sincérité. La qualité est donc au rendez-vous, d’autant que les passages et tempi se succèdent à bon rythme, sans que l’inspiration ne donne de signes de faiblesse. Entre pièces concises et percutantes (« Many to Follow »), et longues suites évolutives intelligentes, mais aux chœurs encore un peu timorés (« Remnant of Hate »), Cremator of the Sky survole donc le répertoire eighties d’un Thrash solide et sérieux, et encore assez râpeux pour intéresser les plus belliqueux. Mais on sent que les jeunes musiciens ont le potentiel pour accoucher d’une œuvre personnelle, peut-être en explorant ces capacités techniques leur permettant d’aller défier les cadors techno sur leur propre terrain. La voix surprenante de Vidal Wildeboer sera un atout considérable dans ce cas de figure, le frontman faisant preuve d’une versatilité vocale assez remarquable.
Enregistré et pré-mixé par Adrian Neagoe, puis remixé et masterisé par Guido Aalbers, ce premier album est donc assez accrocheur. On craque pour sa façon de jouer avec les ambiances et de radicaliser le propos quand il le faut (« Deathbelt »), pour ses soli relativement bien amenés, et pour son atmosphère légèrement confinée qui nous donne l’impression de remonter le temps pour mettre la main sur un artefact d’époque. D’ailleurs, l’instrumental final « Cremator of the Sky » et son déluge de sextolets semble tout droit exhumé d’une crypte des années 80, ce qui ne fait qu’accentuer cette sensation. Evidemment, il y a peu de chances que les CTHULHU déclenchent la même ferveur que la créature éponyme, mais avec quelques années d’expérience, il y a fort à parier que les hollandais jouiront d’une solide réputation et d’une fanbase fidèle.
Iä! Iä! Cthulhu fhtagn!
Titres de l’album:
01. Aggressor
02. The Spilling of Life
03. Many to Follow
04. Remnant of Hate
05. Unyielding End
06. Deathbelt
07. Through the Black
08. Cremator of the Sky
Voyage au centre de la scène : Le Metal français des années 80' / Seconde partie
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