A force de bidouiller les trucs, de déformer les bitoniaux, d’ouvrir la porte à n’importe qui, les styles se perdent et la lignée menace de s’éteindre. La tradition, ça a du bon, et pas que pour le jambon. Pour le Doom aussi. C’est ce que pensent les bordelais de CARCOLH, qui s’enorgueillissent de pratiquer le Doom à l’ancienne, tel que conçu par BLACK SABBATH et pérennisé par CANDLEMASS, TROUBLE, et j’en passe. Et c’est bien, très bien même. Car le genre a encore des choses à dire, que l’on connaît déjà certes, mais qui rassurent l’oreille aussi efficacement qu’un mot tendre de sa maman.
CARCOLH continue donc de piocher dans le patrimoine, et ajoute une troisième entrée à sa discographie. Après Rising Sons of Saturn (2018) et The Life and Works of Death (2021), voici venu le temps de Twilight Of The Mortal, toujours sur Sleeping Church, et toujours dominé par une lenteur de circonstance.
Sebastien Fanton (chant), Olivier Blanc & Quentin Aberne (guitares), Mathieu Vicens (basse) et Benoît Senon (batterie) ont donc choisi la date de la Saint-Valentin pour revenir sur le devant de la scène, offrant tout un lot de roses fanées à sa fanbase. Avec toujours en exergue ces longs instrumentaux emphatiques, ces riffs qui traînent leur spleen sur l’écran et ces lignes vocales plaintives, ce nouvel album continue le travail entrepris sur les deux disques précédents, et semble même faire mieux et plus propre que jamais. On louera avant toute chose cette production précise et claire qui permet d’apprécier les instruments au plus pur, ce mixage signé Raph Henry, qui ne lèse personne (masterisation au Drudenhaus Studio), et cet emballage graphiquement abstrait peaufiné peinture à l’huile et acrylique par J.R Erebe, et on se plongera dans les cauchemars et les rêves du quintet.
Et cette narration nocturne fait la part belle à un Doom qu’on ressent au plus profond de soi-même. Pas d’exagération, pas de gravité excessive, mais un beau clair/obscur qui permet d’apprécier des compositions évidemment longues, mais riches. D’ailleurs, pour être clair, le groupe a posé en entame un « For Every Second… » qui parvient à recréer les formules magiques du CANDLEMASS des débuts, avec un lyrisme fort à propos. D’ailleurs, saluons la performance très stable de Sebastien Fanton qui apporte un souffle mélodique à l’ensemble sans en gâcher la puissance, grâce à un vibrato juste et à une régularité métronomique.
On retrouve le groupe à son meilleur sur « Ashes Are Falling Down », qui d’un break enrobé et animé nous expose un point de vue Heavy épique du meilleur effet. On sent que les musiciens sont remontés comme jamais, et qu’ils ont conscience des enjeux, le troisième album étant une étape majeure. Mais ces soli brillants, cette énergie qui jamais ne se dément et ce professionnalisme ne confondant pas old-school et recyclage fumeux montrent que les bordelais en ont encore sous les bottes et ne comptent pas mettre de revers leurs convictions.
Du coup, même les néophytes peuvent s’immerger dans cette longue histoire qui cite DEMON, IRON MAIDEN, ST VITUS, et beaucoup d’autres. Les héros d’hier voient leurs louanges chantés par cette nouvelle génération qui n’a de cesse d’admirer leurs tableaux aux patines usées, et qui continue de peindre des paysages désolés, mais qui peuvent apporter un plaisir indéniable à qui sait les observer.
« The Battle Is Lost » termine la première partie avec un mid tempo héroïque, et achève de nous convaincre d’une démarche artistique aussi intègre que crédible. Avec quelques déviations intéressantes et une approche du statisme différente, CARCOLH prêche mais évite le prosélytisme gênant et ennuyeux, sans trahir sa philosophie pour séduire une audience trop large. Ainsi, le fan de Doom y trouvera son compte, tout comme l’auditeur lambda, en recherche sans ornières et capable d’apprécier une litanie bouillonnante.
Mais bien évidemment, et les puristes acquiesceront, le Doom est avant tout une affaire d’insistance et de longs troubles, et ce qu’on cherche sur un tel album, ce sont ces longues suites et complaintes qui en ont fait la noblesse. Nous sommes bien servis, puisque le quintet nous en offre deux, « My Prayers Are for Rain » et le final « Empty Thrones ».
Le premier respecte tous les codes en vigueur, avec cette frappe minimaliste mais explosive, ce riff redondant qui soudain laisse place à un crescendo syncopé de quelques mesures, et ce chant envoutant qui égrène les mythes et les légendes comme un archéologue arpente les tombeaux célèbres. Hypnotique, pénétrant, CARCOLH manie les ficelles avec la dextérité d’un marionnettiste en représentation, mais garde toujours en tête cette musicalité qui empêche l’entreprise de sombrer dans le deuil forcé.
Et après un court intermède instrumental, « Empty Thrones » laisse le cercueil s’enfoncer dans la terre, non sans multiplier les marques de respect et autres énervements rythmiques enlevés. Archétype de la composition épique, ce dernier segment est assurément la marque de fabrique d’un disque qui ne propose rien de neuf, mais qui perpétue une tradition vieille de plus d’un demi-siècle, avec une crédibilité indéniable et une passion irréfutable.
CARCOLH tient donc la barre, et ne la lâche pas. Du Doom, et encore du Doom. Mais qui irait s’en plaindre ?
Titres de l’album:
01. For Every Second…
02. Ashes Are Falling Down
03. The Battle Is Lost
04. My Prayers Are for Rain
05. Twilight of the Mortals
06. Empty Thrones
Merci pour cette magnifique chronique !
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15