Quand on choisit de s’appeler A DEAD POEM, c’est qu’on répond à un besoin de mélancolie, de lancinance, de souvenirs passés, de photos jaunies et de meubles poussiéreux. Comme une vieille bâtisse abandonnée revenant du trépas à la vie, exhibant sa magnificence avec toute la modestie des lieux laissés vacants pendant des décennies. Et à l’écoute de ce premier album, la sensation est saisissante. Les boiseries craquent, l’horloge arrêtée depuis des lustres reprend le cours de son temps, et les vitres laissent passer le soleil comme pour mieux éclairer l’oubli.
Un poème en soi, qui toutefois garde ses rimes intactes pour ne pas dénaturer son propos.
A DEAD POEM, duo originaire de Nova Friburgo n’a donc pas grand-chose à voir avec ces déchets charriés par un underground de plus en plus imbuvable et intraduisible. Non, Marlon Combate (guitare/basse) et Be Misanthropic (chant/guitare/claviers/batterie) se détournent des codes bruitistes en vogue chez les labels les plus noircis, et propose à l’auditeur un voyage intérieur à la recherche d’un amour défunt. Leur musique, libre et affranchie emprunte aux codes du Doom, du gothique, et même au Black Metal ses inclinaisons vocales si particulières. Mais dans les faits, et avec un minimum d’objectivité, il n’est pas ridicule de comparer le duo à des institutions comme MY DYING BRIDE, PARADISE LOST ou KATATONIA.
Mais loin d’une série B pour spectateurs peu exigeants, Abstract Existence se propose d’entrevoir la réalité d’une vie de plus en plus complexe et difficile à affronter. Un sérieux travail a été accompli sur les guitares, qui dévoilent des mélodies hivernales, et qu’une production massive mais claire met particulièrement bien en évidence. Si les riffs se veulent classiques, si les harmonies sont d’usage, c’est justement le dosage qui impressionne, cet élan Doom gothique que beaucoup ne supportent pas, lui préférant les atermoiements de circonstance pendant un deuil prolongé.
Parsemé de petits effets ludiques, mais aussi de reprises monstrueuses, ce premier album est un modèle de professionnalisme. Les compositions ont été triées sur le volet, et si le timing s’étire souvent au-delà des cinq minutes fatidiques, c’est pour mieux exposer des arguments pertinents, et des déviations concrètes.
A DEAD POEM ne cherche aucunement à se distinguer par un caractère imprévisible, mais par une qualité d’interprétation indéniable. Ainsi, la doublette « In Forgotten Dimensions »/« Abstract Existence » pose les bases de la philosophie renfermée, entre rideaux tirés et porte fermée à clé, mais les possibilités restent ouvertes. Une inspiration très 90’s, pour un relooking des traits gothiques que les musiciens adoptaient avec fierté il y a quelques décennies. On pense évidemment à pas mal de choses sorties sur Century Media, sur Peaceville, à CREMATORY, à une version moins tape à l’œil d’ATROCITY, mais surtout, et avant toute chose, à un bal donné en l’horreur de fantômes qui susurrent dans l’ombre un greatest hits des SISTERS OF MERCY et un best-of de THE MISSION.
Agressif dans la forme, abordable dans le fond, Abstract Existence est certes assez conformiste dans ses opinions, mais il campe sur ses deux guitares sans gêne aucune. « Before the Rising Sun » appuie un peu plus l’oppression et la claustrophobie, pour mieux nous coincer entre nos trous de mémoire, quelque part entre l’enfance et la maturité d’un quinquagénaire qui a vécu plus qu’il ne le devrait. Sans être violent, A DEAD POEM est puissant, et ne rechigne pas à laisser la double grosse caisse s’agiter dans l’ombre des persiennes. Par l’embrasure, le duo se livre à un exercice de voyeurisme musical, admirant les courbes dénudées d’une prêtresse tout de noir dévêtue, qui prépare un sabbat pas comme les autres.
« Dressed in Black » est son hymne à la liberté, à l’amour de la mort, des candélabres fatigués et des portraits qui fanent sous la lumière d’un automne précoce. On apprécie cette redondance qui permet à une idée de s’exprimer pleinement, et on déguste ces crises d’intensité qui placent le chant doublé au centre des débats. Le volume est parfois déraisonnable, mais l’effet recherché est maximal : instaurer un malaise sur la frontière séparant le purgatoire des limbes.
Peut-être qu’une transition de cordes eut été choix judicieux. En préférant enfiler les titres sans vraiment les distinguer, A DEAD POEM glisse parfois sur la redite, que des soli à l’économie peinent à éviter. L’alternance des humeurs devient une routine, et instaure une atmosphère de gel temporel qui si elle n’est pas désagréable, reste quand même méchamment cyclique.
« Silent Tears Fall » décide alors de jouer le jeu de la lourdeur extrême pour éviter l’ennui, se permettant même un riff redondant très accrocheur. Dommage que les deux musiciens n’aient pas aéré la pièce avant de la quitter, l’odeur de renfermé gâchant un peu le plaisir. Mais les nostalgiques du Doom gothique des années 90 sauront reconnaître de vrais passionnés qui partagent leur obsession.
La prochaine fois, messieurs, tentez quelques variations. Un brin de fantaisie n’a jamais fait de mal à qui que ce soit.
Titres de l’album:
01. In Forgotten Dimensions
02. Abstract Existence
03. Before the Rising Sun
04. Dressed in Black
05. Obedience
06. Prayers to the Void
07. Silent Tears Fall
Um som genuíno e nostálgico.
Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o álbum que muitos esperaram por décadas para ouvir. Em suma, este álbum colocou o trem de volta nos trilhos. Estou ansioso para ouvir o que vem a seguir.
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