Anti

White Void

12/03/2021

Nuclear Blast

Lorsque vous laissez des musiciens tranquilles quelques instants, ils n’en font qu’à leur tête, et à peine avez-vous le temps de tourner la vôtre qu’ils se présentent avec un side-project censé servir d’exutoire à leur débordement créatif. C’est en tout cas ce qui s’est passé dans le cas de Lars Are Nedland, qui s’est soudainement dit que ses deux groupes principaux n’étaient pas suffisants à étancher sa soif d’inédit. C’est ainsi que l’homme s’est entiché d’une nouvelle direction, et de nouveaux partenaires, à l’univers suffisamment éloigné du sien pour apporter de l’eau différente à son moulin qui turbine comme un réacteur nucléaire. Déjà très actif au sein de la légende BORKNAGAR et du mythe SOLEFALD, Lars a composé quelques morceaux ne rentrant dans aucun moukle standard, histoire de proposer à ses fans un projet frais et dispo, WHITE VOID. Mais qu’est-ce donc que ce WHITE VOID ? Thématiquement, la clé vous en est fournie par la bio du label :

« WHITE VOID, c’est l’absence de direction et de sens à la vie. C’est la description d’un fondamental décalage entre la recherche de sens par l’individu et l’absence de logique de l’univers »

Vu comme ça, l’affaire a l’air plutôt complexe, mais elle l’est encore plus lorsqu’on l’aborde sous son aspect artistique le plus premier. Entouré de complices venus de scènes bien écartées de la sienne, Lars a donc laissé cours à son inspiration pour pondre un nouveau répertoire aussi attaché aux sonorités avant-gardistes des années 70, qu’à l’efficacité tubesque des années 80, recouvrant le tout d’une patine Dark-Wave assez intrigante histoire de corser le tout. Il faut dire qu’on retrouve dans son groupe des gens assez intéressants, ayant largement prouvé leurs qualités sur leur chemin respectif. A la batterie, Lars a installé Tobias Solbakk, frappeur d’INSAHN. A la guitare, il a intronisé le roi du Blues Eivind Marum, et il a confié la basse à l’expérimenté Vegard Kummen, plutôt porté sur l’électronique. De quoi déclencher des étincelles, et surtout, d’obtenir le résultat escompté : une musique ne ressemblant à aucune autre, et exhalant d’un parfum nordique très prononcé.

De fait, Anti risque de vous surprendre, mais dans le bon sens, pour peu que vous ayez l’esprit ouvert. Cet album, le premier du concept, ouvre donc des portes et suit des pistes personnelles, des pistes foulées par les pèlerins du Folk, marchées par les fans de Rock un peu Bat des années 80, et vénéré par les amateurs de mélodies typiquement norvégiennes. A l’image d’un VIRUS ayant croisé le chemin des PSYCHEDELIC FURS et de SUN KIL MOON, WHITE VOID prône le changement, l’ouverture, et la déclassification des influences. Mené de front par le chanteur Lars, le groupe oppose une homogénéité presque surnaturelle aux questions éventuelles posées par l’auditeur, et nous sert sur un plateau des compositions ciselées, mais suffisamment stratifiées pour donner du fil à retorde aux analystes de tout poil. Mais l’homme est intelligent, et avec pour base la composition et l’écriture de tous les morceaux, il n’est pas du genre à se faire surprendre, et a placé en ouverture l’un des titres les plus évidents de son nouveau répertoire. « Do. Not. Sleep. », en avertissement de veille forcée pour altérer les sens fonctionne comme si Athens s’était délocalisé comme par miracle du côté d’Oslo, et nous propose une sorte de proto-Power Pop hallucinante de grâce et séduisante de légèreté.

La rythmique est pourtant puissante, et le propos ferme. Les nombreuses mélodies héritées de la New-Wave mais aussi de la Folk nordique permettent de faire le lien avec le passif de BORKNAGAR, sans oser la violence malgré des riffs lâchés par Eivind Marum avec fermeté.

Et une fois n’est pas coutume, Nuclear Blast nous avertit avec beaucoup de lucidité, nous prévenant du caractère peu formel de l’entreprise. « There is No Freedom but the End » continue donc sur la même lancée en assombrissant un peu le contexte, mais une fois encore, la beauté formelle d’un refrain nous condamne immédiatement à l’addiction, la voix de Lars se voulant aussi émouvante que théâtrale. Semblant raconter d’anciennes légendes avec ferveur, le vocaliste s’en donne à cœur joie, mais ne tombe pas dans la démonstration. Très influencé par la vague Gothic Rock des eighties, et des groupes comme les SISTERS OF MERCY ou même les waveux de THE JESUS AND MARY CHAIN, Anti est au contraire tout et rien à la fois, comme une sublime anecdote racontée dans l’alcôve du secret. Mais le concept n’est pas élitiste, bien au contraire, son désir est de rassembler les publics pour leur faire partager une expérience unique, entre Hard Rock pas vraiment assumé et musique Folk débarrassée de ses atours les plus lourds et encombrants.

Pourtant, Lars n’a admis aucune concession. Ecrit sur une période de deux ans, enregistré dans différents studios selon les intervenants, et bénéficiant d’un mixage et d’un mastering signés par Øystein G. Brun au Crosound Studio, produit par le même Øystein et Lars lui-même, Anti est une ode à la liberté de création, et à ce choix qu’ont tous les musiciens de montrer une autre facette d’eux-mêmes en dehors de leur groupe habituel.  

De fait, loin d’un caprice, WHITE VOID est un groupe tout à fait valide, au propos certes un peu abscons parfois, mais à la beauté intrinsèque. Entre ces lignes de basse serpentines, une guitare qui réconcilie toutes les formes de Rock et de Pop sans tomber dans le piège du Blues électrique, et une batterie efficace mais volubile, Anti ose donc les déroulés les plus ambitieux, « The Fucking Violence of Love » et l’antinomie de son titre prouvant que rien n’est impossible pour peu que l’on assume son caractère. Aussi sombre qu’il n’est dansant, aussi pessimiste dans ses titres qu’il n’est optimiste de ses mélodies, ce premier témoignage de WHITE VOID a un caractère précieux qui le sépare du reste de la production, et ne séduira qu’un public dont les limites en s’arrêtent pas aux frontières du Hard-Rock.          

   

                                                                                              

Titres de l’album:

01. Do. Not. Sleep.

02. There is No Freedom but the End

03. Where You Go, You'll Bring Nothing

04. The Shovel and the Cross

05. This Apocalypse is for You

06. All Chains Rust, all Men Die

07. The Fucking Violence of Love

08. The Air was Thick with Smoke


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par mortne2001 le 09/03/2021 à 15:07
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