Le troisième album d’un groupe étant toujours une étape majeure sur son parcours, on est en droit d’attendre un petit plus, des tentatives, une déviation, une digression, du moins une preuve de culot, et des perspectives éventuelles quant à un avenir non plus adulte, mais différent. Cela dit, ce postulat reste très générique, l’approche artistique relevant d’une démarche personnelle, et non du respect d’un schéma édicté par une expérience quelconque. Sous ce point de vue-là, le retour des canadiens de BAPTISTS fera exception à la règle, sans vraiment bousculer les codes, puisque quatre ans après leur derniers discours, ces musiciens de l’extrême n’ont pas vraiment changé leur vocable. Ils assurent donc la continuité, ce qui rassurera les nostalgiques de Bushcraft et Bloodmines et tous ceux que le changement effraient, qui comblera d’aise leurs fans les plus hardcore, mais cette attitude décevra quelque peu les plus exigeants et pointilleux, qui espéraient sans doute autre chose qu’un troisième chapitre faisant le lien sans offrir de réelle cassure. Non que le contenu de ce terrifiant et terrassant Beacon of Faith soit contestable, ce qui est impossible dans le cas des canadiens, mais il se contente de répéter des leçons déjà apprises par cœur depuis leur création, se bornant parfois à rompre les habitudes Crust pour s’aventurer sur un terrain Rock Noisy plus mouvant et dissonant. Ce qui ne les empêche nullement de garder le soutien indéfectible de leur label Southern Lord, qui croit toujours dur comme fer en les qualités de ses poulains, avec raison, puisque les treize morceaux de cette nouvelle livraison sont tout à fait à la hauteur des standards du genre.
Et c’est justement sur ce point que le bât blesse. Comme l’ont très justement souligné plusieurs collègues rédacteurs sur la toile, on est toujours en droit d’attendre des gens surdoués des dépassements de soi, des sensations d’exception, alors, lorsque ces mêmes attentes ne sont pas comblées, les reproches ont tendance à se vouloir plus durs qu’une réalité de faits. Produit par l’increvable Kurt Ballou et mixé par l’insomniaque Brad Boatright, le tandem de l’extrême, Beacon of Faith est une grosse claque de Crust/D-Beat/Noisy Core en règle, qui emprunte à quelques références sa pugnacité et sa puissance, des immanquables CONVERGE aux infâmes TRAP THEM, en passant par CANDIRIA et une grosse poignée d’autres influences, dont BOTCH ou CURSED évidemment. Il assure dans les grandes largeurs, mais est-ce vraiment étonnant quand on connaît le pédigrée des musiciens impliqués ? Pas vraiment, et sans avoir valeur d’épiphanie, ce troisième LP n’en reste pas moins d’une intensité rare, et d’une variété assez louable. En sinuant constamment entre les cassures de rythme du Chaotic Core et les embardées furieuses du Crust, les BAPTISTS nous en donnent pour notre argent, et provoquent, stimulent, sans choquer certes, et en laissant traîner quelques regrets, mais en prenant bien soin de ne pas se laisser distancier par la concurrence, de plus en plus rude. Sonnant parfois comme l’union contre nature des BREACH et d’AGNOSTIC FRONT (« Indigo Child »), restant dans des limites temporelles très compactes et fermées (la plupart des morceaux restent sous la barre des deux minutes, à quelques exceptions près), et suivant une trajectoire linéaire très logique depuis leur naissance (les premiers titres pourraient indifféremment provenir des deux premiers LP, voire du EP introductif), la troupe menée de voix de papier de verre par Andrew Drury et de cadence d’enfer par le tentaculaire et extraverti Nick Yacyshyn profite toujours des acquis techniques indéniables de ses individualités pour séduire, et s’en sort évidemment haut la main eut égard à l’implication totale des membres en question.
Car avec ce chanteur, et ce batteur, les titres les plus classiques se voient comme d’habitude transcendés. Transcendés par une frappe gigantesque, évolutive, sinueuse et pourtant percussive, et par des textes vomissant leur bile d’une voix presque détachée dans l’exhortation. Alors, certes, sur la moitié du métrage, le groupe se borne à faire ce qu’il sait faire le mieux, et reste intéressant dans son déroulé, mais ce sont évidemment les titres les moins « connotés » qui fonctionnent le mieux, à l’instar du traumatique et glauque « Eulogy Temple », sorte de cauchemar commun aux BOTCH et UNSANE, lourd comme une chape de plomb d’idées noires, et sombre comme des ténèbres opacifiant un avenir déjà bien obscurci. Arpèges maladifs et superposés, rythmique éléphantesque dominée par une basse oppressante, lenteur de propos, dissonance de fond, pour une longue litanie qui permet d’enrayer un peu la mécanique bien huilée de la première partie d’effort. Mais cette même première partie cache aussi des choses moins prévisibles, comme ce sourd « Capsule », cyanosé, apoplectique, qui profite d’un riff d’intro Stoner d’outre-tombe pour se répandre en vilénie musicale. Catapulté par un boulot de dingue de Nick Yacyshyn, ce titre est assez symptomatique de la démarche de biais des canadiens, qui n’ont de cesse de confronter l’épaisseur et la vélocité, et qui prennent un malin plaisir à dévier leur optique pour lui faire épouser des aspects clairement psychotiques.
Niveau déviances justement, notons quelques digressions presque Rock qui offrent des motifs assez catchy, dans l’esprit d’un CONVERGE ludique, mais toujours aussi agressif (« Victim Service », du Hardcore classique joué par des musiciens trop malins pour se contenter d’une haine syndicale), et qui se superposent à des moments de furie pure (« Beacon of Faith », un SLAYER revenu des enfers et bien décidé à provoquer les URSUT sur leur propre terrain) de façon tout à fait cohérente. Du feedback en veux-tu en voilà pour amplifier le chaos déchaîné par des classiques de violence instantanés (« Carbide », plus fort, plus assourdissant et c’est le coma assuré), et un final en pointillés, instrumental, qui une fois encore joue avec le Sludge pour titiller le Chaotic Core (« Nostrovia », un son de percussion à rendre fou un amateur de secousses sismiques), pour un résultat très concret, qui frustrera autant qu’il ne rassurera. C’est toujours un beau compliment d’être plus exigeant avec les meilleurs, mais il faudra bien qu’un jour les BAPTISTS confirment les pronostics et se présentent comme les leaders qu’ils ont largement les moyens d’être. Mais en attendant ce sursaut de fierté qui ne viendra peut-être jamais, Beacon of Faith reste un album de très haute volée, qui confirme que les canadiens peuvent s’absenter pendant des années sans rien perdre de leur sagacité.
Titres de l'album:
1.Worse Than Hate
2.Absolved of Life / Spent Cells
3.Beacon of Faith
4.Gift Taker
5.Capsule
6.Outbreeding
7.Vicarious Trauma
8.Victim Service
9.Indigo Child
10.Eulogy Template
11.Bevel Down
12.Carbide
13.Nostrovia
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