Get Loud!

Agnostic Front

08/11/2019

Nuclear Blast

1986/2019, trente-trois ans, l’âge du Christ à sa mort. Est-ce pour autant qu’il faut voir en cet anniversaire une prophétie religieuse, alors même que le héros dont nous allons parler à toujours conchié l’abrutissement de masse ? Non bien sûr, par respect, mais aussi par lucidité, puisque les AGNOSTIC FRONT n’ont jamais été des oracles ou des prophètes, mais bien les témoins de leur époque, quelle qu’elle fut. Et aujourd’hui, trente-six ans après leur premier cri, les new-yorkais n’ont pas plus de raisons de se réjouir de leur monde qu’ils n’en avaient back in 83’. Admettons quand même le parallèle, ne serait-ce que sous l’angle graphique, avec le retour à la conception de Sean Taggart, qui ressuscite l’esprit de 86 et les personnages qui écrasaient le monument Cause For Alarm de leur silhouette inquiétante. S’il convient de ne pas être dupe avant d’avoir analysé, le retour fait plaisir. Car la pochette de Get Loud! sent l’affaire de famille à plein nez, et au moins, le souvenir vivace d’une grosse claque NYHC qui à l’époque, en avait laissé plus d’un sur le carreau. Parce que dans les années 80, les FRONT n’admettaient aucun rival sur la scène. Aujourd’hui, ils doivent s’y faire une place et jouer de leur légende, sans oublier les pionniers qu’ils furent en traitant leur son de façon aussi métallique que Hardcore. Pour beaucoup, dont votre serviteur, le diptyque Cause For Alarm/Liberty and Justice For reste l’achèvement des bons Roger et Vinnie. Des albums qui suintaient l’urgence, la colère, la haine des années Reagan qui mit des plombes avant de prononcer le mot SIDA devant des caméras du bout des lèvres, et qui n’augmentait guère que le budget de la défense alors que son peuple avait besoin de soins de santé. Ces années pillées par des yuppies, par Wall Street, par le libéralisme et le capitalisme galopants, les années golden boy, Michael Douglas, et autres rois de blockbusters pour faire rêver la famille de retour dans son pavillon de banlieue. Lui faire oublier qu’au-delà de son gazon d’un vert immaculé, les rues des grandes villes étaient jonchées de sans-abris, de rejetés de la culture du self-made-man. Aujourd’hui, rien n’a changé, ou si peu, mais en pire. Et Miret a de quoi s’en prendre autour de lui, vilipender Trump, souligner les inégalités sans cesse grandissantes, et brailler sa bile face à un public conquis d’avance. Et c’est exactement ce qu’il fait sur ce douzième album studio, qui finalement, ne propose pas grand-chose de neuf. Mais qui a besoin de neuf lorsque la situation ne change pas ? Personne, ce dont nous avons besoin, c’est d’une voix qui s’élève dans la nuit, et qui crie sa révolte.

Produit par Miret lui-même, enregistré, mixé, masterisé par Paul Miner des Buzz Bomb Studios, ami de longue date, Get Loud! semble chercher à mériter son titre à chaque riff, à chaque impulsion, comme si l’époque avait besoin d’un surplus de puissance des rebelles. Il colle à l’éthique, puisqu’il poursuit plus ou moins le travail revanchard entrepris sur Warriors ou My Life My Way, et rien d’inédit n’en ressort. On peut encore anticiper les plans, devancer les chœurs et les rejoindre pile au moment où ils arrivent, mais tout comme les RAMONES ou MOTORHEAD, on adore ces moments de connivence que seule la prévisibilité peut en offrir. Après tout, écouter AGNOSTIC, c’est un peu comme se réunir en famille, pour évoquer les mêmes souvenirs autour d’une table, sauf que dans le cas d’un album des new-yorkais, la table est une tribune, et la parole prise pour dénoncer les inégalités. Mais pas que. Cette tribune sert aussi l’émotion, lorsque les deux partners in crime se souviennent de leurs débuts et de leur vie sur « I Remember », le morceau le plus long et le plus enflammé de l’album. On les imagine se rappeler de la scène des années 80, de leur parcours, qui n’a pas été sans heurts, et terminer la commémoration par une accolade virile qui en dit long sur leur complicité. Miret et Stigma, les street heroes qui en 2019 n’ont pas abandonné le combat, et qui peuvent se targuer de trois décennies de prise en charge des maux d’autrui, et des leurs évidemment, pas des plus tendres et faciles à gérer. Ce nouvel album, est donc une acceptation du présent, mais aussi celle d’un passé glorieux, que la nouvelle génération Core pourra leur envier jusqu’au bout. Il est carré, professionnel, toujours rebelle, mais n’a pas l’aura brutale de ses aînés les plus capés. On l’écoute avec plaisir, mais la comparaison avec Cause for Alarm ne tient pas la route une seconde, pour la simple et bonne raison que tout a déjà été dit plus fort, plus vite, et plus méchamment. Mais pour bien retenir une leçon, il convient de la répéter ad nauseam, et de bien l’intégrer. Ce que Get Loud ! propose en quatorze morceaux et une demi-heure de Hardcore pur qui baigne dans son jus. Certes, tout ceci n’est qu’une redite, une synthèse, une compilation des idées les plus percutantes du combo, mais quel plaisir de retrouver ces crises de pression, ces refrains scandés comme à la parade d’un pit surchauffé, ces soudaines accélérations et ces riffs plein de passion qui nous collent au plafond. Répétitif, le FRONT sera toujours plus convaincant qu’une armée de suiveurs qui reprennent leurs idées en arguant d’une nostalgie justifiée. Justifiée ou pas, cette nostalgie de surface ne pèse pas lourd face aux souvenirs réels de Roger et Vinnie. Et Roger le dit lui-même à mots choisis :

« Quelque chose de vrai. C’est le secret de notre longévité. Les gens nous voient, et voient quelque chose de vrai et de sincère. Et ils veulent en faire partie. Qui veut faire partie d’un truc faux et simulé ? Si tu te sens relié à quelque chose de vrai, tu veux le connaître et en faire partie. »

Il y a d’autres moyens d’entrer dans le monde d’AGNOSTIC FRONT que d’écouter ce dernier album. Se sevrer avec les plus anciens, ou mieux, les voir live, quoique la fatigue commence à se faire sentir pour certains. Mais il constitue une bonne introduction pour les plus jeunes, puisqu’il répète les astuces d’antan avec toujours autant d’implication, et il tente comme il peut de coller à la réalité des faits. Quels faits ? L’assomption que le groupe, et que Miret et Stigma sont bien ces fameux Godfathers of Hardcore que Ian McFarland a décrits et présentés dans son documentaire éponyme, et qu’ils sont toujours capables en 2019/quasi 2020 d’écrire des brûlots aussi immédiats que « Anti Social », démonstration speedcore, « AF Stomp », branlée Heavy Hardcore, ou « In My Blood », trépignade up tempo qui vous décolle les docs et vous fait valser façon Speed Metal des années 80. Le tout est évidemment tronçonné de riffs énervés, de chœurs enragés, mais si tout est déjà assimilé avant d’être écouté, tout sonne vrai. A quoi bon prétendre être autre chose que ce qu’on est, lorsqu’on est déjà un héros pour des centaines de milliers d’anonymes qui se reconnaissent en vous ? Pas mort le FRONT, plus innovant depuis longtemps, mais vrai. Et notre époque de transition vers une fin du monde annoncée a cruellement besoin de gens vrais.  

La liberté et la justice pour tous ? Mon cul oui.      

                          

Titres de l’album :

                             01. Spray Painted Walls

                             02. Anti Social

                             03. Get Loud!

                             04. Conquer And Divide

                             05. I Remember

                             06. Dead Silence

                             07. AF Stomp

                             08. Urban Decay

                             09. Snitches Get Stitches

                             10. Isolated

                             11. In My Blood

                             12. Attention

                             13. Pull The Trigger

                             14. Devastated

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par mortne2001 le 28/11/2019 à 17:24
78 %    1211

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Humungus
membre enregistré
29/11/2019, 07:42:11
"Pas mort le FRONT, plus innovant depuis longtemps, mais vrai"...
Tout est dit.

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