Attention, voilà du lourd. Dieu m’est témoin que le Death progressif à tendance à me porter sur les nerfs, spécialement lorsqu’il ressemble à une démo vantant les possibilités de Pro-Tools et des guitares à dix cordes. Las, la technique prend souvent le pas sur l’efficacité dans le style, et il m’est difficile de m’identifier à une crise d’ego de musiciens qui n’en peuvent plus de vouloir prouver qu’ils sont les plus rapides et les plus méchants. Mais lorsque le genre parvient à s’extraire de sa propre condition en impasse, et proposer de véritables morceaux solides et construits, je m’enthousiasme, et je partage. Le cas des allemands de BRUTAL KRAUT est donc éminemment intéressant, puisque ce quatuor propose avec son premier long éponyme une belle montée en puissance, en convergence de plusieurs mouvements, et aussi empreint de Heavy classique que de Death typique. Fondé en 2012 par les frères Rouven (guitare/chant) et Marlin Constantin (batterie), le groupe a d’abord pris le temps de roder son répertoire en sortant une démo en 2014, avant d’investir le studio Pivo de Berlin l’année suivante pour fixer son premier EP, 3 Pieces. Il leur aura donc fallu trois ans supplémentaires pour pouvoir enfin nous narrer leurs vues sur la brutalité contemporaine via ce Brutal Kraut, produit, mixé et masterisé par Ulf Scheel. Et force est de reconnaître que cette maturation leur a permis d’affiner leur optique, qui trouve aujourd’hui une plénitude dans la puissance et l’efficience, en noyant la mélodie dans une grosse dose de brutalité compacte, qui ne cherche pas à repousser les frontières de la technique, mais bien à les utiliser pour parvenir à ses fins.
Encadrés de la rythmique à cordes composée des frères Lukas (guitare) et Henry Ludwig (basse), les frangins Constantin admettent leurs influences, et suggèrent une fascination pour CREMATORY, GOJIRA (fratrie Death oblige…), mais aussi LAMB OF GOD ou DEFEATED SANITY dans une moindre mesure. Dans les faits, il est beaucoup plus difficile de labéliser leur musique qui échappe à toutes les étiquettes, et qui peut tout autant suggérer une union logique entre un Thrash saccadé et un Death concentré, qu’un Death tempéré d’un Heavy Metal très chargé, aux harmonies souvent prononcées, mais aux riffs méchamment corsés. Et à vrai dire, on se moque complètement de savoir dans quelle case les ranger, puisque de titre en titre, le quatuor allemand nous démontre toutes ses qualités, d’interprétation et de composition, et signe huit chansons aussi solides que performantes, et aussi décoiffantes que catchy. Adeptes de la rythmique au cordeau, les originaires d’Oranienburg ne se perdent pas bêtement en route en cumulant les plans, et préfèrent se concentrer sur une poignée d’idées faussement simples mais viables, à l’image de la construction en gigogne de l’impressionnant « Face To Face » qui cumule les figures imposées pour lâcher à intervalles réguliers des licks énormes qui vous collent au sol. En restant toujours focalisés sur une durée raisonnable, les musiciens captent et gardent notre attention en éveil, même si on a souvent le sentiment que leurs titres sont assemblés de multiples thématiques complémentaires. Le terme « progressif » prend alors tout son sens, et domine le démonstratif, en incarnant une digression sur un plan de base, qui se trouve déformé, magnifié, et transformé en un laps de temps très court, pour nous emmener dans diverses directions, avant de nous ramener à la maison.
Et les minutes passent, sans que la lassitude ne pointe le bout de son ennui. Le paroxysme étant atteint lors d’un phénoménal « Criminal », qui du haut de ses presque quatre-cent-quatre-vingt secondes nous tient en haleine de son tempo martial et de ses guitares au millimètre. Chant grave mais scandé avec fermeté, section rythmique à l’affût, et soli trapus, la recette est appliquée avec sérieux, mais dégage un délicieux parfum de rigueur. C’est coupé avec précision, mais suffisamment sauvage pour ne pas paraître trop scolaire, et l’ombre de SLAYER reprenant du SOILWORK à son compte plane bas au-dessus des riffs, sombres, épais, mais restant suffisamment lestes pour s’envoler. Et dès l’entame ultra efficace de « Layers of Mind », on comprend que nous avons affaire à un challenger sérieux au titre d’élève Death appliqué du mois, qui sans chercher à devenir le premier de la classe, se montre assidu et participatif. Accélérations qui tombent pile, double grosse caisse analogique qui dynamise, mélodies éparses qui relancent les débats, tout est là, et bien plus encore, puisque l’album dégage un parfum Heavy très prononcé qui permettra aux plus timorés de s’intéresser à cette cavalcade sans peur d’être trop bousculés. Et chaque morceau s’avère être parfait dans sa catégorie, qui reste encore à définir. La redondance du thème de « Release » nous relie tout autant aux années 90 suédoises qu’aux années 2000 germaines, entre précision à l’allemande et brutalité scandinave, et si « Manic » ose le riff rebondissant, c’est pour mieux nous oppresser de son faux surplace.
« Breaker » tente même le coup du résumé de fin de carrière d’un CARCASS à cheval entre Heartwork et Swansong, citant quand même les AT THE GATES dans le texte, tandis que « Facades » concentre les meilleurs moments de SOILWORK dans une petite boite sculptée par les LAMB OF GOD, accélérations modérées comprises. C’est à ce moment-là que les BRUTAL KRAUT sonnent proches d’un Thrash moderne d’excellente facture, sans pour autant trahir leur ADN Death à l’usure. Et « Legends Never Die » achève le tableau en se concentrant sur un Heavy Death qui nous ballade une fois de plus entre les styles, compactant ses harmonies dans de soudaines crises de furie, pour mieux nous laisser le souvenir impérissable d’un groupe aussi inventif que percussif. Il est d’autant plus dommage que le quatuor ait opté pour une pochette plus symptomatique d’une démo de Thrash pour emballer son premier jet, qui aurait sans doute mérité un artwork plus intrigant et travaillé. Mais musicalement parlant, ce Brutal Kraut est une sacrée carte de visite qui va ouvrir bien des portes, et qui risque d’entrainer les BRUTAL KRAUT sur des pistes toujours plus fascinantes. Death, violent, Heavy, mélodique, Thrash, cathartique, toutes les composantes sont réunies pour que le succès enfin leur sourie, et autant dire que si le Death progressif se focalisait un peu plus souvent sur ses propres qualités plutôt que sur celles des musiciens censés l’incarner, il ressemblerait à ce LP qui risque de convertir bien des âmes réfractaires. Dont la mienne, s’entend.
Titres de l'album:
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25
Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..
06/07/2025, 14:20
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01
Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)
02/07/2025, 15:38
@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.
02/07/2025, 12:25
@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)
02/07/2025, 08:50