Dividen Para Gobernar

Primero Muerto

28/12/2017

Autoproduction

En lisant la bio de ces charmants chiliens, je me rends compte que l’opiniâtreté paie. Si certains se laissent abattre par les aléas du destin, qui s’échine souvent à mettre des bâtons dans les roues de mobylette, d’autres au contraire gardent la tête haute et le regard enflammé, certains qu’à un moment donné, la chance soufflera de leur côté pour leur permettre de se faire connaître à une plus grande échelle que celle disposée à l’arrière d’un bar de quartier. Jugez du peu. Ces originaires de Santiago du Chili ont commencé leur carrière en 2008, et ont dû patienter presque dix ans pour pouvoir sortir leur premier album, alors même que leur line-up paraissait solide dès les origines, ainsi que leur style. Mais si le service militaire a fait des ravages chez bon nombre de combos il y a quelques décennies, il semblerait que la poisse et le mauvais hasard l’aient remplacé avec les mêmes contraintes…En plus de neuf ans, le groupe n’a pas été capable de garder une formation stable, voyant ses musiciens ouvrir et claquer la porte avec une régularité effarante, les écartant de fait du chemin des studios pour enfin graver une œuvre qui n’aura pas été de tout repos. Mais ces constantes fluctuations de personnel ont permis au moins aux PRIMERO MUERTO de trouver leur style, moins générique que ce que leurs aspirations initiales ne laissaient entrevoir, et glisser d’un Metal assez passe partout vers un Speed plutôt teigneux, avant de s’abandonner à un Thrash au groove contagieux. Et c’est sous cette forme que nous les retrouvons aujourd’hui, même si l’héritage du passé a laissé quelques traces en s’incrustant dans le filigrane de compositions moins linéaires que celles de bon nombre de leurs collègues.

Alors, le résultat de ce long passage au purgatoire de l’anonymat ? Un Thrash intelligent, joué tout sauf à l’avenant, qui percute de ses breaks intelligents et de sa hargne patente. Et ça valait largement le coup d’attendre pour en arriver là, même si le groupe commençait à en être un peu las.

Quintette puissant et efficace (Johny Reyes - batterie, Brian Rhamer - basse/chœurs, Emerson Ordenes - chant, Cristian Toro et Simon Nahuelan - guitares), PRIMERO MUERTO nous narre donc ses vues sur le Thrash moderne via ce Dividen Para Gobernar, aux inspirations sociales et à la haine internationale. En laissant le cours des choses influer sur leurs préoccupations, les chiliens se sont donc orientés vers des problématiques génériques et humanistes, rejoignant donc les rangs des plus grands dénonciateurs d’inégalités. Si les dictateurs politiques et les contrôleurs de pensée appliquent donc ce principe séculaire de diviser pour mieux régner, les chiliens eux préfèrent fédérer, en appliquant à la lettre les enseignements du Thrash de la Bay Area, qu’ils diluent dans quelques principes Hardcore purement sud-américains et ibères en général, tutoyant donc de près une sorte de Crossover global convaincant et modulant. Inutile donc de vous attendre à l’énième attaque Thrash linéaire du mois, puisque le quintette n’a pas choisi la voie de la facilité brutale, en mâtinant ses grognements de prouesses rythmiques tout à fait convaincantes. Si l’on pense inévitablement à une multitude de références que je ne nommerai pas pour la centième fois, leur personnalité transpire de morceaux qui expirent d’une méchanceté à la SLAYER pour mieux nous amadouer d’une fluidité à la MUNICIPAL WASTE, le côté rigolard toxique en moins. Ici, on fait son boulot sérieusement pour procurer le maximum de plaisir, sans travailler par-dessous la jambe en se voulant trop léger pour impressionner. Et un morceau aussi fondamentalement fatal que « Venganza » le prouve sans ambages, en multipliant les diversions et changements d’horizon, sans le sacrifier à la concision. Et c’est justement cette créativité dans l’homogénéité qui fascine, les plans s’enfilant avec une facilité déconcertante, laissant les solistes intervenir à loisir sans empiéter sur le terrain de leurs alliés. Agrémenté de quelques samples bien choisi, ce premier album est empreint d’une fabuleuse maturité, et justifie de sa qualité les dix années passées à errer en attendant que l’heure soit venue de démontrer ses qualités.

Et « Organizacion Criminal » en intro est la plus belle démonstration dont le quintette pourrait rêver, avec son festival de riffs en saccades, smooth et tranchants comme une attaque des DEATH ANGEL. On se laisse porter par cette bascule permanente entre Thrash classique et Groove moins typique, sans que les fondamentaux ne soient altérés. De la modernité dans le classicisme, tel est le leitmotiv de cette horde de barbares aussi intelligents que talentueux, tous d’un niveau plus que respectable, ce qui leur permet d’agrémenter leurs titres de petites idées simples mais bien trouvées. Des chœurs purement Hardcore viennent encore dynamiser l’ensemble, qui prend des allures de festival d’aisance, et « Manipulacion Noticiera », le troisième morceau, nous convainc de sa rythmique échevelée de la pertinence des motifs accélérés, qui restent toutefois dans des balises mesurées. Hargneux, le groupe l’est, tout autant que courageux, mais leur mesure dans la déchirure permet un confort d’écoute ne trahissant jamais un extrémisme déplacé, un peu comme si les OVERKILL dansaient la gigue de la révolte en compagnie des ANTHRAX pour une danse endiablée n’oubliant pas les slogans au vestiaire (« Pan Y Circo »).

Les minutes passent mais jamais l’intérêt ne trépasse, puisqu’outre une paire de guitaristes très inspirés, le quintette peut s’appuyer sur un bassiste complètement possédé, qui fait claquer et rouler sa basse comme ses yeux devant l’espoir qui trépasse (« Sentencia », au phrasé heurté malmené), et sur un batteur qui ne rechigne pas à cogner, tout en laissant ses baguettes méchamment percuter (« Intolerancia », encore un truc que Scott et Charlie n’auraient pas renié). Le chant d’Emerson, très râpeux, grave et nerveux, se veut plutôt monocorde mais se laisse heureusement amadouer par des chœurs bien enrobés, et lorsque les cinq musiciens remisent leur mesure dans leurs chaussures, l’ambition crève le plafond d’un Thrash presque progressif en constante évolution (« Contrataque », sept minutes de démonstration qui laissent les oreilles en coton), pour se hisser à la hauteur d’un TESTAMENT de milieu de carrière, sans en singer le mauvais caractère. Difficile en tout cas de ne pas craquer pour ce Thrash rondement mené, qui profite de petites pirouettes rythmiques pour s’immiscer dans la mémoire collective, et d’une multiplication des plans comme Jésus multipliait les pains pour les affamés. On pourrait d’ailleurs parler de résurrection à propos des PRIMERO MUERTO, qui s’ils n’ont jamais trépassé, sont longtemps restés dans un coma provoqué. Saluons-donc leur retour dans le monde des vivants, en écoutant ce Dividen Para Gobernar qui gouverne en s’imposant, et non en divisant.   


Titres de l'album:

  1. 1977
  2. Organizacion Criminal
  3. Manipulacion Noticiera
  4. Fuerza Constante
  5. Venganza
  6. Pan Y Circo
  7. Sentencia
  8. Intolerancia
  9. Dia a Dia
  10. Contrataque

Site officiel


par mortne2001 le 12/01/2018 à 17:42
80 %    1083

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos

Sang Froid + Malefixio

RBD 29/11/2024

Live Report

Metalciné : le Mariage Impossible (Part I)

mortne2001 26/11/2024

La cave

Linea Aspera + Skemer + Carriegoss

RBD 26/11/2024

Live Report

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Father Merrin + A Very Sad Story 13/12 : Bar Au Temps Perdu, Bar-le-duc (55)
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
DPD

Non mais même si tu veux faire dans le hip-hop dark (et noisy de préférence), tu as des tas de types qui ont plus leur place. Mais dans le cas présent oui ils sont à la maison, il faudrait arrêter de relayer les annonces de ce festival sur tout site sp&eacu(...)

10/12/2024, 17:13

Saddam Mustaine

Eminem l'année prochaine à ce rythme mdr

10/12/2024, 16:51

Saddam Mustaine

Cypress Hill ils ont fait des feat avec des groupes de Metal et aussi un projet avec Morello de RATM...Mais sinon c'est du Hip Hop

10/12/2024, 16:50

Capsf1team

Par contre Cypress Hill je veux bien une explication, car encore Muse on peut trouver une filiation lointaine, mais n'étant pas du tout fan de ce style, là je sèche... 

10/12/2024, 16:33

DPD

Oui ils ont effectivement toute leur place ici.

10/12/2024, 15:33

Saul D

"Cypress Hill", pardon...

10/12/2024, 15:23

Saul D

Alors là, comme dirait Jacko " eat apples!" Chichi, ça m'en touche une sans bouger l'autre :-) je n'aurai aucun mais alors aucun regret par rapport à l'affiche...cela dit content pour Hexecutor, Cuypress Hill ou Béton Armé par exemp(...)

10/12/2024, 15:22

Gargan

Metal et écologie... mouais.  L'écologie dont on parle systématiquement n'en est généralement pas, il s'agit pour l'essentiel d'un mélange hétéroclite de taxes supplémentaires déconnectées, (...)

10/12/2024, 13:34

DPD

Pour la scène et tout, non c'était pas un tremplin pour de groupes plus extrêmes, c'était déjà une situation à chier.

10/12/2024, 13:24

DPD

Oui enfin c'est depuis des années, mais on dit pas assez que votre ticket soutiens Linkin Park et compagnie avant tout, même quand il y avait plus d'extrême et qu'il y avait encore une prétention de jouer sur les deux tableaux, nos gars touchent les miette(...)

10/12/2024, 13:23

RBD

Voir des têtes d'affiche Rock ne me surprend pas. Il y a une baisse de popularité du Metal et du Rock ces dernières années, et les grandes têtes d'affiche historiques du Metal prennent progressivement leur retraite, le temps faisant son oeuvre. Un rappro(...)

10/12/2024, 13:13

Moshimosher

Effetivement...Voici le texte de la chanson :Why should we tolerate pansy faggot shitNot even in an animal world male sucks male dickCrawl back under the rock you faggots came fromThis is real fucking world, fuck your inferior rights!Zero tolerance, no fuckin(...)

10/12/2024, 12:08

Humungus

Fait chier quand même merde !J'avais ma place pour juillet afin de faire voir à ma môme de 9 ans ce monument qu'est MAIDEN.Manquerait plus qu'il y en ait d'autres qui se désistent bordel... ... ...

10/12/2024, 11:11

Humungus

J'suis pas sûr que ce soit du 2ème degré concernant cette chanson... ... ...

10/12/2024, 11:08

CHUCK MAURICE

Mosh, si tu lis le lien posté par Grozny tu verras que la décision de les virer est intervenue suite à des discussions avec la communauté LGBT locale qui ne comprend apparemment pas le 2ème degré.  A quand du black metal labelisé "LGBT fr(...)

10/12/2024, 11:05

DPD

Bref ce n'est plus un festival de metal mais de rock alternatif, il est plus que temps de fermer le ban.

10/12/2024, 09:53

Namless

Si certains déçus se séparent de leur Pass, je suis intéressé. Merci beaucoup !

10/12/2024, 09:36

Orphan

Go MOTOCULTOR pour moi cette année - dont l'affiche est bien plus alléchante (même sur le plan de la diversité musicale) 

10/12/2024, 08:42

Capsf1team

Le métal extrême ? La réponse est sous nos yeux, avec l'Altar et la Temple reléguées en dernière position... 

10/12/2024, 07:53

Buck Dancer

La Valley est plutôt réussie pour les fans du genre, mais où est passé le metal extrême ?! Dans trois ans faudra penser à changer nom du festival en Rockfest. Ça paraît improbable mais Acid Bath en very spécial gue(...)

10/12/2024, 01:49