L'Or des Fous

Wizard Must Die

15/11/2024

Klonosphere

Je ne le cache pas, c’est très agréable de parler d’un groupe qui fait évoluer son art. Et encore plus de l’écouter évidemment. Un groupe qui ne se contente pas d’une formule toute faite et facile et qu’il recycle d’album en album en espérant nous duper sur ses capacités. Non que je ne sois fan des RAMONES, d’AC/DC ou de MOTORHEAD, mais je concède un sérieux penchant pour les expérimentateurs, les fous, les allumés, les gentils lunaires, les Pierrots en terre, qui dessinent des moutons électriques sur des avions. Et à ce niveau-là, les WIZARD MUST DIE ne sont pas les derniers sur ma liste.

Le sorcier n’est toujours pas mort, heureusement, et le trio continue de le traquer, à travers les prairies, les montagnes, les déserts et les plaines, pour lui faire avouer son secret, qu’ils ont déjà partiellement percé. Ils ont mis le temps, ils nous ont voulu patients, mais nous savions pertinemment que leur chemin allait croiser le nôtre de nouveau, avec la besace remplie de légendes, de contes et autres histoires à dormir debout. Et sans oreiller évidemment.

Enregistré et mixé par Christophe Hogommat, masterisé par Thibault Chaumont au studio Deviant Lab, L'Or des Fous est de ces albums qui fleurissaient dans l’ombre des disquaires spécialisés des années 70. Des albums libres, racontant de vraies histoires, remplis de poésie, de violence, de décadence et d’affranchissement des règles. Des disques soignés par ALICE, AME SON, ANGE, PULSAR, ALPES, et qui embrassaient le Progressif comme un vœu pieux. A la différence près qu’aucun de ces orchestres n’a eu un jour la puissance dévastatrice de WIZARD MUST DIE. Mais leur Stoner à eux était différent, proto évidemment, mais toujours Rock. Et c’est bien la seule chose qui compte. Les trois musiciens nous gratifient d’ailleurs de quelques explications avant de lancer le mange-disques :

Ce nouvel album propose des compositions à tiroir et des riffs puissants, une production entrelacée et des ad-libs enivrants. Les six titres de L’Or des Fous parlent de la volonté d’évolution, des changements nécessaires pour exister et de cette nécessité absolue de nourrir et d’élever le moi profond pour s’éloigner de l’engourdissement mental. L’album entier puise aux racines de cette quête, sous tous ses aspects. Pour symboliser le processus de changement et moduler son discours, WIZARD MUST DIE a en outre choisi d’intégrer de nouveaux instruments (saxophone, mellotron). 

Si certains ont classé ce travail au rayon EP, il va falloir qu’ils revoient leur copie. L’Or des Fous est bel et bien un full-lenght, avec six compositions seulement, mais d’une longueur enviable. Florent Michaud (guitare/chant), Enguerrand Dumas (basse) et Robin Aillaud (batterie, percussions, synthés, programmation) ont bel et bien laissé de côté leurs sonorités les plus Desert Rock pour se rapprocher d’un Progressif Noisy troublant, entre Space Rock des seventies et Alternatif/Sludge des nineties. Un grand écart entre deux décennies éloignées par le temps, mais qui finalement se ressemblent beaucoup. Les mots sont une fois de plus un peu inutiles, tant les chansons développent leur argumentaire avec précision, en prenant le temps justement d’exposer tous les points, sans avoir à se répéter bêtement pour les retardataires. S’il est bien sûr impossible de digérer un tel boulot en une ou deux écoutes, on sent immédiatement qu’un gros effort a été fourni pour brouiller les pistes de genre, quitte à se réinventer pour le plus grand plaisir des fans.

« The Breach » a été lancé en signe avant-coureur, mais aussi efficace soit-il, il n’est guère représentatif de l’empreinte globale. Pour s’immerger dans ce disque, il faut plonger dans les eaux troublées de « The Disappearance of Camille Saint Saëns », énorme suite de plus de onze minutes, qui cite les MELVINS, NEUROSIS, KYUSS, HAWKWIND, avant de tout envoyer balader dans l’espace pour se lover au creux d’un piano hanté. Archétype de la « compo à tiroir » que le groupe chérit tant, ce deuxième morceau est une sorte de climax avant l’heure, alors que ses contemporains n’ont pas grand-chose à lui envier niveau envergure.

Avec une production rêche et agressive, WIZARD MUST DIE reste loin des routes bien tracées, ce qui lui permet d’imposer des plages de quiétude, des instants de mélancolie, entre deux stries déchirantes laissant la guitare abuser de sa propre distorsion, et autorisant la basse et la batterie à jouer avec le volume.

Je pense pouvoir affirmer qu’il y en a pour tout le monde. L’aventure est longue, riche, sinueuse, et concerne tous ceux qui considèrent que l’art doit émouvoir, et emporter loin de la réalité. Celle de L’Or des Fous est abstraite, brumeuse, avec un brouillard nappé qui cache l’horizon, et les lendemains imprévisibles. Florent Michaud assume son statut de frontman avec une belle assurance, sa guitare se montrant aussi à l’aise dans les stridences que sur les accords en son clair, et il reste parfois bien seul sur le devant de la scène (« Close to the Edge », plus Nick Drake que YES).

De leur côté, Enguerrand Dumas et Robin Aillaud savent lâcher la bride pour que l’expression se réduise au minimum. Mais lorsque le duo rythmique frappe, il cogne, il pulvérise et syncope, pour mieux montrer cette facette brutale que le trio assume pleinement.

Impossible de s’ennuyer, les astuces et autres arrangements grouillant comme une fourmilière. « Clouds are Not Spheres » est un petit bijou de groove suintant, clean mais toujours partant, avec cet unisson entre les trois instruments. Si les gros riffs sont toujours là, ils ne s’imposent pas, et ne hurlent que lorsque l’ambiance le réclame.

WIZARD MUST DIE nous a gâtés. Vraiment. L’Or des Fous est tout sauf une monnaie de singe qui ne sait plus faire la grimace. C’est un trésor inestimable qu’on se partage avec plaisir, pour l’amour de l’art et des histoires sans fin.         

        

Titres de l’album :                                              

01. The Breach

02. The Disappearance of Camille Saint Saëns

03. Flight 19

04. Close to the Edge

05. L'Or des Fous

06. Clouds are Not Spheres


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 10/11/2024 à 17:22
90 %    365

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos

Sang Froid + Malefixio

RBD 29/11/2024

Live Report

Metalciné : le Mariage Impossible (Part I)

mortne2001 26/11/2024

La cave

Linea Aspera + Skemer + Carriegoss

RBD 26/11/2024

Live Report

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
CHUCK MAURICE

La gauche LGBT a encore frappé ! 

09/12/2024, 17:04

Ivan Grozny

Voici la source : https://www.effenaar.nl/effenaar-statement-cancellation-impaled-nazarene-eindhoven-metal-meeting

09/12/2024, 16:57

Sheb

Ya Very Special Guest ! Trop bien !

09/12/2024, 16:48

Saul D

C'est Anne Hidalgo qui gère la salle? Ok je sors :-)

09/12/2024, 14:34

RBD

J'avais vu Carcariass en live deux fois il y a fort longtemps, pendant la première époque et donc à l'époque où je lisais plutôt des magazines que d'aller m'aventurer sur l'internet Metal encore balbutiant. C'est un bon souven(...)

09/12/2024, 12:15

Capsf1team

Quelle époque formidable !

09/12/2024, 10:32

Satan

Grotesque décision. La réaction du fest est saine et équilibrée, et remet les choses à leur juste place. Provoquer n'est pas prôner, et la provocation a souvent pour but de faire réagir, ce que les bien-pensants ne comprennent pas et ne compren(...)

09/12/2024, 10:26

Tourista

Si j'ai bien compris il sera encore à pied d'oeuvre en studio.Et c'est le batteur de British Lion qui prend sa place en Live.  C'est pas foufou comme annonce.

08/12/2024, 16:04

Saddam Mustaine

Il reste officiellement membre du groupe pour les albums etc ou c'est un départ officiel et définitif ? 

08/12/2024, 15:12

Oliv

À plus de 70 balais c’est compréhensible. C’est déjà incroyable cette longévité et ils peuvent arrêter maintenant ça ne choquera personne. Merci et bon vent 

07/12/2024, 20:27

Tourista

La vache !  Très curieux de savoir qui prendra son tabouret.    En tout cas, pour avoir rencontr&eac(...)

07/12/2024, 17:46

DEADLYSINS

Hey !! Mais merci pour cette super chronique !!On aurait pas fait mieux !!!

07/12/2024, 16:52

Moshimosher

Bonne petite découverte ! J'aime bien !

07/12/2024, 08:04

cedenazis

humm c'est dla bonne ça !

06/12/2024, 15:04

Humungus

En tournée européenne avec LOUISE en mars 2025... ... ...

06/12/2024, 10:17

Gargan

Couillu de sortir ça en France, je compte les jours avant un strike d'une assoc' ou d'un justicier des RS pour "isme", "apologie de", ou tout autre joyeuseté de la sorte.

05/12/2024, 08:36

senior canardo

ça m'a rappelé un film qui aurait apparaitre ici : get him to the greek ;)

04/12/2024, 09:46

Saul D

Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)

03/12/2024, 13:55

Tourista

C'est un Abaddon de poste caractérisé.

03/12/2024, 12:42

RBD

Bravo pour remettre en lumière un groupe à part et spécialement la partie la plus ancienne de l'histoire de Stille Volk, largement méconnue (j'ai appris des choses). C'est en partie à cause du faible nombre d'interviews qu'ils ont pu fai(...)

02/12/2024, 20:13