Mirrorcell

Greg Puciato

17/06/2022

Federal Prisoner

Suite au split de DILLINGER ESCAPE PLAN, on plaçait tous nos billes sur le noir de Ben Weinman, le guitariste fantasque et compositeur imprévisible, mais force est de reconnaître que le temps nous a fait perdre nos paris. L’un des membres les plus productifs de l’institution Mathcore aura finalement été son chanteur, Greg PUCIATO, ce grand mec musclé capable de hurler comme un beau diable et gesticuler comme un derviche tourneur. On l’imaginait mal en animal leader, mais ses multiples projets et collaborations en ont fait l’un des acteurs les plus prolifiques de l’ex-quintet dézingué qui transformait n’importe quelle FNAC du monde entier en champ de bataille.     

Greg PUCIATO, c’est évidemment l’unité disparate KILLER BE KILLED, mais aussi THE BLACK QUEEN, SPYLACOPA, ERROR, et aussi une petite collaboration avec l’ALICE IN CHAINS Jerry Cantrell, pour son album estampillé 2021, Brighten. Et visiblement, ce partenariat a laissé des traces dans la mémoire créative de Greg, qui nous ressort aujourd’hui sa propre version de l’histoire Grunge, celle tellement mal racontée par les médias, mais vécue par les fans comme une catharsis de l’hédonisme forcené des eighties.

Mais attention : Mirrorcell est tout sauf une resucée 2K des instincts nostalgiques nineties, même si l’inspiration semble venir de loin, et parfois des égouts de Seattle. Deux ans après un premier album solo qui avait surpris tout le monde, même sa fanbase, Greg se concentre sur ce que son cœur a à dire, et sur ce que sa gorge exhorte de plus urgent. Une fois encore, le bonhomme se montre sous un jour versatile, et domine l’instrumentation jusqu’à la limite de la batterie, tenue fermement en baguettes par Chris Hornbrook, l’habitué des fûts. Chris n’est pas le seul invité sur cet album, puisque Reba Meyers de CODE ORANGE est venue donner de la voix, et apporter un texte que Greg avait trop de mal à pondre.

Ce titre, c’est le miraculeux « Lowered (feat. Reba Meyers) », entre Postgaze éthéré et alternatif musclé, et la complémentarité des deux voix est tout simplement magique, loin d’un gimmick de VIP incrusté dans les crédits pour faire joli. On sent du CURE, du R.E.M moderne et amplifié, pas mal de Modern Metal bien dans ses bottes, et surtout - comme sur le reste de l’album - une liberté de ton qui est devenue la trademark de ce chanteur au timbre incroyable, aussi à l’aise dans les cris que dans le feulement mélodique.

Greg, une fois encore, ne s’est imposé aucune limite, n’a installé aucune barrière pour se protéger, et ose l’électronique, le Kraut masqué, le Hardcore domestiqué, et même quelques traces de New-Wave, de Gothique parcimonieux. Et l’écart stylistique entre le lapidaire/fulgurant « In This Hell You Find Yourself », instrumental Noisy d’entame aussi crispant qu’un ad lib de SONIC YOUTH et le dansant mais inquiétant « We » est à peu près aussi grand que celui séparant le premier album du DEP de son dernier.

Versatile et inspiré, Greg donne de la voix, mais aussi du droit. Ce droit de composer des morceaux qui lui ressemblent, parfois choc et limite Sludge, parfois chic et réminiscent de décades antérieures, et pourtant le tout sonne frais, adapté à son époque, et truffé de petites idées toutes plus formidables les unes que les autres. Il est donc toujours aussi vain de vouloir classer le chanteur américain dans une cave à température ambiante, et il est recommandé de laisser ces chansons respirer comme un grand cru avant service.

Le goût en oreilles est donc épais, liquoreux même parfois, ou au contraire, léger comme un Bordeaux jeune qui révèle ses fragrances en une épiphanie de goûts. Entre la fermeté d’une goulée Heavy (« No More Lives To Go », la plus proche du répertoire DEP, avec toutefois la nuance de taille d’un solo simple et mélodique), et la coulée Sludge/Trip-Hop trafiquée (« I, Eclipse »), Greg PUCIATO déroule sa carte et nous laisse choisir entre toutes ces cuvées, pour mieux nous enivrer d’une liberté de ton digne des plus grands cépages.

En neuf morceaux, il prolonge le travail déjà entrepris sur son album précédent, mais lui offre un frère au caractère différent. Là est la force de ce musicien qui refuse de se répéter et de balbutier des suites prévisibles, sans pour autant renier sa personnalité. Après tout, on ne sort pas de l’école DILLINGER sans garder dans un coin de sa mémoire ce louvoiement entre les genres, et finalement, Mirrorcell, en cellule miroir, est peut-être plus le plus bel hommage rendu à son ancien groupe qu’une assertion en solitaire définitive.

Passionnant et surprenant de bout en bout, addictif, Mirrorcell est un miroir sans tain derrière lequel le maestro nous observe pour jauger nos réactions. Il aime nos grimaces d’effort lorsque nous découvrons le ouaté « Rainbows Underground », hommage au magicien d’Oz avec guitares évoquant le Post-Punk de l’orée des eighties, et il adore notre réaction de surprise face au final gargantuesque de « All Waves to Nothing », complexe comme un délire organique de Weinman, et pourtant épilogue évident d’une œuvre complète.

Le talent de Greg n’est plus à prouver depuis longtemps, ses incartades en solo datant de la période d’activité de DILLINGER. Mais malgré les attentes, malgré les standards de jugement élevés, le chanteur/auteur/compositeur parvient toujours à nous prendre à revers, tant son inspiration semble intarissable. Aussi nineties qu’il peut être eighties, aussi à l’aise dans ce nouveau siècle aux dizaines par 2 que dans un passé plus ou moins proche, Greg PUCIATO pond un album fascinant, qui ne révèle ses détails qu’après de nombreuses et longues écoutes, qui mènent toutes à une seule conclusion :

DILLINGER ESCAPE PLAN était une osmose de talents incroyables, et non un leadership individuel.     

        

        

Titres de l’album :

01. In This Hell You Find Yourself

02. Reality Spiral

03. No More Lives To Go

04. Never Wanted That

05. Lowered (feat. Reba Meyers)

06. We

07. I, Eclipse

08. Rainbows Underground

09. All Waves to Nothing


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par mortne2001 le 29/06/2022 à 16:36
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