Voilà encore une fois le cas d’un groupe totalement atypique, à la carrière riche mais erratique, aux séparations longues, mais à la créativité débordante, et à la catégorisation difficile. Fondé en 1995 du côté de Svendborg, puis délocalisé à Copenhague, les URKRAFT ne sont pas vraiment les musiciens lambda que le fan de Metal a le loisir de croiser tous les jours au détour d’une écoute, et c’est avec un plaisir certain que nous les retrouvons en 2019 après un long hiatus de dix ans consécutif à la parution de leur troisième long, A Scornful Death, en 2008. Comme je le disais, la carrière de URKRAFT n’a pas forcément suivi un schéma classique, puisque le groupe danois a patienté dix ans avant de publier son premier longue-durée, qui lui-même faisait suite à six démos enregistrées entre 1996 et 2003 et chantées…en danois natal. Un choix assez culotté au vu du style pratiqué, lui aussi sujet à caution, puisque le groupe a souvent été rangé dans la catégorie d’un Death Metal mélodique, alors même que son ancrage est beaucoup plus complexe à situer. Certes, ils empruntent des formules inhérentes au style, mais ils vont si loin dans leur exploration qu’il est impossible de les restreindre à cette étiquette. Les fans sauront évidemment de quoi je parle, mais les néophytes ne tarderont pas à s’en faire une idée après avoir écouté Our Treacherous Fathers, à la pochette énigmatique, mais tellement révélatrice des secrets qu’elle cache. Our Treacherous Fathers entérine donc le comeback de la troupe en 2019, et rompt avec onze ans de disette discographique, d’une manière un peu biaisée et linéaire, mais finalement assez logique eu égard au cheminement de ces artistes qui ont toujours refusé la facilité et l’évidence. Mais là encore, le cas de cet album n’est pas sans surprises en termes de délai, puisqu’il est sorti à l’origine en avril 2019 sur le label national Gateway Music, avant de se voir offrir une seconde chance entre les mains de First Force Music, via Moondrop promotion. Moondrop qui d’ailleurs ne se prive pas pour mettre l’accent sur la ressortie de A Scornful Death, ce qui pousse donc à deux le nombre de LP d’URKRAFT promus cette année…Un désir certain de remettre un groupe hors-cadre au centre de la photo, et pour vous, une façon de les découvrir de manière plus intensive, et autant dire qu’ils le méritent.
Et de découvrir un groupe de Death Metal qui n’en est pas vraiment un fondamentalement. Si mes souvenirs sont bons, l’écoute de cet album sera susceptible d’éveiller en vous les mêmes sensations ressenties à l’écoute de Feel Sorry For The Fanatic de MORGOTH dans les années 90, alors même que les allemands avaient un background plus enraciné dans le style que les danois. Et il n’est pas incongru de voir en Our Treacherous Fathers un subtil mélange de cet album et de certaines sonorités froides de KILLING JOKE, le tout agrémenté d’une rigueur rythmique écrasante à la BOLT THROWER…Le point fort de ce LP est donc son originalité, qui évite la redite pénible des tendances old-school mais aussi les systématismes compressés du Death moderne, mais son point faible, puisqu’il y en aura un pour les plus pointus, se cache sous des automatismes de composition qui font que les morceaux sont assez similaires dans leurs structures…Sans connaître les intentions d’origine des danois, et sans avoir vraiment suivi leur parcours pendant ces dix années de silence (qui visiblement ont été assez productives), je pourrais affirmer que cette lancinance dans les itérations était un but avoué, et que l’ensemble était voué à une tentative d’hypnose par la redondance, effet renforcé par une production très homogène et aux graves rebondissant. Le fait d’avoir opté pour un timing plus que raisonnable, surtout après une si longue absence est tout à l’honneur des danois, et nous évite d’avoir à supporter des errances instrumentales interminables, ce que l’ouverture « Place of Coldness » démontre avec sa rythmique posée en mid-tempo, et ses riffs plaqués et déliés. Et si cette introduction vous rebute, si elle vous paraît trop convenue et timorée, abandonnez immédiatement l’écoute de l’album, qui ne vous réservera pas d’autre surprise. A la rigueur, vous pouvez directement faire le grand écart jusqu’au final « Å », superbement mélodique et très empreint d’une mélancolie à la OPETH/KATATONIA/MY DYING BRIDE, et totalement dénué de paroles, ce qui vous épargnera aussi les tonalités que vous pourrez juger trop monocordes de Thomas Strømvig.
Dans les faits, URKRAFT incarne toute la splendeur de la musique nordique dans ce qu’elle a de plus nostalgique. Sous l’épaisse couche de puissance majestueuse se cachent des hivers interminables, une humeur maussade et pourtant perméable à la beauté du monde environnant, et une pudeur d’expression qui nous ramène à la scène Folk locale des années 70 transposée dans un vocabulaire plus puissant et contemporain. Il n’est d’ailleurs pas très étonnant de noter que le groupe, dans toute sa dualité a joué sur des volcans en Islande, avant de tenir compagnie aux barbares de CANNIBAL CORPSE en tournée, ce qui illustre très bien l’écart qui sépare leurs ambitions artistiques et leur efficience musicale. Car si Our Treacherous Fathers n’est pas à proprement parler du Death Metal stricto sensu, il en utilise les codes, ceux américains pour ces rythmiques écrasantes à la double grosse caisse, et celui plus européen, qui insère des mélodies maladives à des structures chaotiques. Les riffs, souvent percussifs et efficaces permettent de lier le tout, et celui de « Primordial Diaspora », catchy en diable s’incrustera dans votre mémoire, prouvant que le quintet (Thomas Birk & Mads Bertram Gath – guitare, Jeppe Tander – basse, Mikael Skou Jørgensen – batterie et Thomas Vejlgaard Strømvig – chant) est aussi capable d’accoucher de thèmes plus fondamentaux pour capter l’attention. Les harmonies, omniprésentes aèrent parfois la moiteur ambiante, permettant un lyrisme patent (« Our Treacherous Fathers », symptomatique de la vague de Death mélodique des années 90, avec ce petit parfum PARADISE LOST de début de carrière), mais le calibrage rythmique, presque Indus dans le fond, rapproche URKRAFT d’une version surpuissante et extrême de KILLING JOKE, celui des années 2010, avec cette même emphase lyrique glacée (« Reap It All »).
Si le chant en anglais a depuis longtemps remplacé l’idiome natal, on en retrouve encore quelques traces, sur « Håbets Tyranni », mais ce qui fascine vraiment sur ce LP, c’est cette capacité à broder sur un thème quasi unique (tous les morceaux répondent aux mêmes critères), pour offrir une progression. Certes, il est difficile de différencier « The Horrors of an Empty Tomb » de « Descended Shadows », si ce n’est en prêtant attention aux chœurs et en admettant des riffs plus accrocheurs, mais l’ensemble dégage la puissance d’un roc cédant petit à petit sous l’érosion du temps. Longue complainte, grave, rauque, Our Treacherous Fathers est un album dont les chapitres sont faciles à digérer et apprécier pris à part, mais dont le concept global demande plus de patience avant de révéler sa richesse. Ce qui est souvent l’apanage des groupes atypiques…
Titres de l’album :
01.Place of Coldness
02.Primordial Diaspora
03.Our Treacherous Fathers
04.Reap It All
05.Håbets Tyranni
06.The Horrors of an Empty Tomb
07.Descended Shadows
08.Crown of Blood
09.Å
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