Run Riot

Outrage

07/03/2020

Universal Music Japon

Un disque bien plus jeune d’esprit et de corps que bien d’autres combos qui ont encore tout à prouver, et ni plus ni moins que l’album Heavy-Thrash de cette année 2017. Sayonara ne fait certainement pas partie du vocabulaire des OUTRAGE. Sauf pour prévenir qu’ils auront tôt fait de revenir histoire d’achever les rares survivants à leur passage avec le sourire…  

C’est sur ces mots que je terminais ma chronique de Raging Out, le précédent album des japonais, et trois ans plus tard, après des écoutes répétées, je confirme mon opinion. Pourtant, au milieu de cette vague nostalgique qui n’a de cesse d’inonder les Bandcamp et autres plateformes, il était difficile de croire que les vétérans d’OUTRAGE avaient justement la rage nécessaire pour se maintenir à flots, eux qui justement voguent depuis le début des années 80 et ne vont pas tarder à accuser les quarante ans de carrière. Pour fêter ça d’ailleurs, et en profiter pour rendre hommage à cette fameuse NWOBHM dont ils ont connu les effets immédiats, les musiciens ont lâché l’année dernière un 7’’ reprenant deux standards, "Axe Crazy" de JAGUAR et "Baphomet" d’ANGEL WITCH, sur un simple qui permettait non seulement de se replonger dans ces années de folle créativité, mais aussi d’avoir des nouvelles un peu plus fraîches des originaires de Nagoya. Ce single laissait aussi augurer d’une suite plus conséquente, et c’est sans surprise que 2020 accueille en fanfare Run Riot, quatorzième album de la formation confidentielle la plus populaire du Japon, qui depuis près de quatre décennies impose sa vision d’un Heavy Metal corsé, épicé de Thrash, sans vraiment déchaîner les passions en dehors de ses contrées. C’est d’ailleurs assez incompréhensible au jugé de la qualité de sa musique que les spécialistes et passionnés ne retiennent que les sempiternels LOUDNESS, EZO, X-JAPAN, et plus confidentiellement GENOCIDE, alors que la discographie d’OUTRAGE contient des pépites du patrimoine métallique mondial. Mais il en va de la reconnaissance comme de l’amour et du hasard, on ne choisit pas toujours les idoles en fonction de leur talent ou de leur stabilité, mais s’il est une chose dont les OUTRAGE peuvent être fiers, c’est d’être encore toujours là dans une configuration quasiment d’origine, et de produire une musique aussi performante.

Mais comme l’objectivité est l’arme indispensable du chroniqueur, je dois admettre à priori que cette chronique ne sera pas aussi dithyrambique que la précédente. Sans reconnaître m’être emballé au sujet de Raging Out, je modèrerai mon euphorie à l’égard de Run Riot, beaucoup plus standard et assez éloigné des meilleures œuvres du quatuor. Toujours mené de front par les mêmes enragés (Yoshihiro Yasui – basse, Shinya Tange – batterie, Yousuke Abe – guitare et Naoki Hashimoto – chant), OUTRAGE a semble-t-il choisi une voie plus facile cette année, nivelant son Heavy Metal pour le rendre plus consensuel, en se permettant des astuces éprouvées qui confinent parfois certains morceaux dans un cadre trop classique. Ainsi, aussi efficace soit « Silver Screen Hero », il n’en reste pas moins un morceau purement Hard-Rock passe-partout, et ses « motherfucker » répétés à l’envie (ou peut-être ai-je mal compris…) finissent par fatiguer, tout comme son riff trop redondant pour convaincre. Heureusement pour nous, le reste du répertoire fait preuve de plus de pertinence, sinon d’audace, et les classiques instantanés ne manquent pas. Ainsi, « Edge of a Blade » nous cueille à froid avec son énergie de tous les diables, après une courte intro mélodique à la METALLICA des grands jours. Dans ces moments de pure démence rythmique, OUTRAGE se pose en synthèse parfaite du Big4 américain, osant les mélodies si chères à Hetfield/Ulrich, les riffs syncopés de Gary Holt, la méchanceté vocale de MEGADETH et la fluidité rythmique d’ANTHRAX, pour un résultat optimum. Toujours à la lisière du Techno-Metal, les japonais en profitent pour rappeler quels grands musiciens ils sont, spécialement Yoshihiro Yasui qui n’hésite jamais à mettre ses graves en avant. Et c’est en écoutant un titre de cette trempe qu’on comprend que nos amis du soleil levant sont bien plus vaillants que les vieilles gloires US, les derniers albums de TESTAMENT et OVERKILL accusant un formalisme épuisant et de trop grandes concessions aux productions modernes aseptisées. Or, le son de Run Riot respire, est rond, ample, mais ne nous pilonne pas de ses fréquences compressées ni de ses guitares surgonflées. On peut donc apprécier le répertoire sans avoir les tympans fatigués au bout d’un quart d’heure, et croyez-moi, lorsqu’on savoure un titre comme « Blood and Scars », très inspiré TANK/MOTORHEAD, le plaisir n’en est que décuplé.

Conscient de ses capacités à haut régime, le groupe décide d’ailleurs de maintenir la cadence en restant Thrash jusqu’au bout du médiator, et lâche un impitoyable « Hot Rod Immunity » qui permet à l’impeccable Yousuke Abe de nous ciseler un solo raffiné, effréné et contrôlé, avec son toucher inimitable. Mais comme je le disais plus en amont, le groupe cède parfois à la facilité d’un pilotage automatique Heavy pas forcément du meilleur ton, avec un « The Way We Are » qui malgré ses chœurs guerriers et son chant mélodique sent un peu le formol et l’arrière-garde du Heavy européen et US. Heureusement, nous sommes une fois de plus sauvés par la basse roulante de Yasui qui loin du bassiste Metal lambda ose les déroulés atypiques, et garantit un moelleux à la rythmique que bien des cadors d’aujourd’hui oublient au vestiaire. Et après cet aparté de deux morceaux trop conventionnels pour vraiment séduire, OUTRAGE reprend sa cadence d’abattage usuelle, osant même se lover au creux d’une relation sino-germanique avec l’épuisant « Cyclops » qui permet quand même une fois encore une intro travaillée et harmonieuse. Pas totalement bourrins, nos amis du matin sont cependant un peu trop complaisants parfois, se vautrant dans le recyclage d’idées pas forcément pertinentes, comme ce clichesque « Machete III » qui se contente de reproduire approximativement les formules d’OVERKILL. De l’instabilité donc dans le déroulé, avec une différence entre le sommet et la base plus prononcée que d’ordinaire, et ce sont les morceaux les plus sauvages qui nous sauvent du naufrage Metal, avec toujours cette folie dans la rythmique qui fait décoller les riffs les plus usuels (« Supernatural Outlaw of the Cosmic Void »).

En version Hard-Rock cool, le quatuor n’est pas des plus crédibles, même si le côté radiophonique et légèrement alternatif de « Science Spirit Hits » peut séduire les fans de Post-Grunge joué lourd et serré. Et après un faux départ bateau et trop mielleux, « Are You Ready » nous offre la digne conclusion, tout en laissant les tympans sur une impression trop mitigée. Loin de la bourrasque que fut Raging Out, Run Riot joue trop sur le traditionalisme et les automatismes, frustrant plus qu’il n’euphorise, sans toutefois sombrer dans la parodie. Une dernière formule que je ne répèterai pas en introduction de ma prochaine chronique, si toutefois le groupe se reprend d’ici là.                           

                                                        

Titres de l’album :

                          01. Edge of a Blade

                          02. Blood and Scars

                          03. Hot Rod Immunity

                          04. The Way We Are

                          05. Silver Screen Hero

                          06. Cyclops

                          07. Machete III

                          08. Supernatural Outlaw of the Cosmic Void

                          09. Science Spirit Hits

                          10. Are You Ready

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par mortne2001 le 01/01/2021 à 18:01
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Avec qui en tête d'affiche? Radiohead ou Oasis? Plus sérieusement, je me de mande encore comment le festival peut afficher complet avec l'affiche qu'ils ont réalisée pour 2025. Comment les fans de metal peuvent encore leur faire confiance ? 

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@DPD : on te vois beaucoup t'attaquer aux groupes de croulants mais on ne te vois jamais la ramener sur tes groupes du moment, ce que tu aimes ou les groupes qu'il faut désormais en lieu et place de ces formations vieillissantes que tu dénonces tant... 

09/07/2025, 06:45

DPD

@Jus de cadavreGenre ils on payés les frais de déplacement et l'hôtel, me fait pas rire, les enfoirés part 2. Au moins le juif Patrick Bruel tiens debout.

09/07/2025, 01:12

LeMoustre

Très bon album avec 3/4 titres vraiment excellent et un bon niveau global.Quelques Slayeries comme sur Trigger Discipline mais rien de méchant. D'autant que le titre Gun Without Groom est vraiment terrible, en effet. Un très bon cru

08/07/2025, 23:59

DPD

Pour moi je vois c'est l'équivalent que de voir 2pac en hologramme (qui était homosexuel), peut-être même pire parce que l'illusion tiens mieux le coup, je reste sur cette position.

08/07/2025, 22:44