Quand on est fan de Death Metal depuis 86/87, il y a des choses qui marquent à vie. Tiens, par exemple, le « Death Metal » grogné par Jeff Becerra, les premiers « Huh » geints par Tom Warrior, les éructations de Chuck Schuldiner sur « Infernal Death », le galimatias de John Tardy sur Slowly We Rot, l’intro en backwards de MORBID ANGEL en entame d’Altars Of Madness, le coup de caisse claire immonde sur « Cromlech » de DARKTHRONE, l’ambiance morbide du premier AUTOPSY, ou ce sinistre « Cancer Fucking Cancer » plombant encore plus l’atmosphère de To The Gory End de CANCER. Des trucs qu’on n’oublie pas, même après une cure de deux ans de BON JOVI ou BRIGHTON ROCK, qui malmènent les rêves au point de les transformer en cauchemars…Alors, amis de la nouvelle vague de Death old-school, vous pouvez toujours aller vous rhabiller et enfiler des costumes de mardi-gras, vous n’arriverez jamais à atteindre l’intensité de ces albums-là, ni trouver des gimmicks aussi mortels, malgré tous vos efforts. Parce que ceux-là étaient là avant vous, et qu’ils ont out dit, tout hurlé, tout joué avant même que vous soyez né. Inutile donc d’espérer rentrer dans la légende qui n’accepte pas n’importe quelle astuce, spécialement lorsque les garants de la dite légende ne raccrochent pas les gants et continuent de manier la pelle pour enterrer bien profond les illusions de l’humanité. Et en parlant de CANCER, les voilà justement qui remettent le couvert, mais pas n’importe comment. Avec le line-up d’origine, celui qui avait transformé To The Gory End en pierre de rosette du Death anglais, tenant la dragée haute à ses adversaires américains persuadés de leur suprématie. Et surtout, animés d’un esprit de revanche sur l’histoire, les ayant condamné au silence en plusieurs occurrences. Et après un hiatus de plus de treize ans, les trois fossoyeurs de joie de vivre nous en reviennent donc avec un sixième LP studio qui va renvoyer la jeune génération dans la fosse commune qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Pensez donc, rien de puis le plutôt moyen Spirit in Flames en 2005, et des espoirs déçus, ceux de retrouver une intensité chancelante depuis Death Shall Rise, le dernier classique publié en 1991.
Mais le trio n’est pas du genre à remiser le liquide d’embaumement dans le placard sans avoir préparé son dernier cadavre. Et aujourd’hui, Ian Buchanan (basse), Carl Stokes (batterie) et John Walker (guitare/chant) reviennent moins exubérants que jamais pour signer dans le grand livre de la mort une nouvelle preuve d’allégeance au Death Metal de leur jeunesse, en nous offrant sur un tapis de viscères encore fumantes ce Shadow Gripped qui les ramène à leurs plus grands méfaits, sans forcer leur talent, mais en retrouvant la recette putride qui avait fait le succès post-mortem de leurs deux premiers LPs. Revenus dans le giron de Peaceville, les trois originaires de Telford ont bien compris qu’un comeback n’avait d’intérêt que s’il retrouvait l’essence mortifère du Death basique des origines. Cette musique si pauvre en espoir et dénuée de lumière dont Chris Reifert avait défini les dogmes avec AUTOPSY, et qui représente une grosse part de l’inspiration de ce CANCER grandissant, s’étendant à tout l’organisme, pour métastaser les cellules de la vague vintage qui n’en finit plus de tenter de trouver le secret de la vie après la mort, sans y parvenir. Mais messieurs, sachez-le, les secrets du monde du silence et de la douleur s’étalent sous vos oreilles, et il suffit d’écouter ce Shadow Gripped pour en comprendre tous les mystères, sans avoir les capacités de les reproduire. Enregistré et mixé aux Foel studios par Simon Efemy (PARADISE LOST, NAPALM DEATH, AMORPHIS), Shadow Gripped célèbre les trente ans du trio de la façon la plus noire qui soit, et donne enfin une altertive valable aux deux premiers pamphlets des anglais, se montrant justement à la hauteur de cette légende underground qui trouve encore des adeptes aujourd’hui. Et ces dix nouveaux morceaux risquent de fédérer bien des médecins légistes, tant ils empestent les fluides coulant sur le sol d’une morgue décrépie, la résignation d’une vie passée à attendre la fin, et la menace d’une maladie opportune vous condamnant à court terme. Car même après ces années de stand-by, CANCER a enfin réussi à retrouver l’allant déprimant de sa jeunesse, et signe un LP digne de ses possibilités, rivalisant même avec les standards élevés de To The Gory End, et battant le pavé des accros de l’AUTOPSY le plus putréfié. Et tout ça est d’une laideur, d’une lourdeur, d’une claustrophobie sans égales, le tout enrobé dans une des plus belles pochettes du genre, signée Matthew Vickerstaff. Alors, heureux ? On le serait à moins…
Heureux surtout de retrouver le trio de départ, qui ne s’était pas réuni depuis 1995 et un Black Faith plutôt fraichement accueilli, en dépit d’une signature sur la major EastWest. Et manifestement, ces retrouvailles se sont formalisées de façon très homogène et classique, les trois musiciens retrouvant enfin le chemin de ce vieux cimetière rural dans lequel les victimes de leur propre maladie sont enterrés par couches, Et développant des litanies ténébreuses, basées sur des riffs morbides et graves, des à-coups rythmiques briseurs de cervicales, et des textes toujours aussi focalisés sur les aspects négatifs d’une vie dominée par la mort…Quel délice d’entendre à nouveau les motifs circulaires giclant de la guitare de John Walker, qui n’a rien perdu de sa voix d’outre-tombe, un peu étouffée et asthmatique, mais décrivant avec acuité l’éternité de néant qui nous attend une fois nos paupières closes. Ses accroches sont toujours aussi infâmes, puissant à la source d’un Death Metal non dénaturé par les années, organique comme des chairs écorchées à vif, et mises en relief par un chant aussi distancié que la voix d’un médecin sans âme vous annonçant votre fin proche. Mais la question qui restait en suspens était celle de la pertinence de la démarche, à l’heure où les nouveaux combos débarquent comme une horde de zombies sur les côtes européennes et américaines, nous refourguant des produits toujours plus compétitifs, mais tellement sous influence qu’on peine à en saisir la substance. Cette problématique est évacuée d’un revers de viscères, dès les effluves de « Down The Steps » répandues dans l’air, le rendant irrespirable. Oui, le CANCER de 2018 est aussi pertinent que celui de 1990, et ses nouvelles injonctions sont fermes, aucun doute là-dessus, et le single sans pitié « Garrotte » de le prouver d’un rythme soutenu et d’un chant régurgité.
Les anglais se permettent même un featuring fameux sur « Ballcutter », au riff gigantesque, en invitant Anders Nyström de BLOODBATH/KATATONIA à grogner de concert sur un refrain mortifère. Et inutile d’essayer de rester de marbre face à ce chorus incroyablement basique mais d’une efficacité redoutable, qui vaut même leçon que ce fameux « Cancer Fucking Cancer » évoqué plus haut. Nous sommes même gratifiés de quelques interventions plus longues que la moyenne, via l’infernal « Half Man, Half Beast », son intro bien glauque et son déroulé résumant trente années de carrière entièrement dédiées à la cause, ou « Crimes So Vile » qui de son titre synthétise bien la vilénie de trois musiciens qui y croient jusqu’au bout. Car sur ce sixième méfait, tout schlingue, tout empeste, tout prend les poumons en traître et tout agresse. Aucun répit, pas de porte de sortie, pas d’illusions perdues, juste un Death Metal parfaitement ignoble, mais paradoxalement entraînant (« Shadow Gripped », des mélodies à l’agonie mais un tempo fluctuant qui fait bouger la tête arrachée sur un corps pourrissant), ne cherchant rien d’autre que la simplicité de jeu, mais se montrant beaucoup plus intelligent qu’un simple alignement de plans en clichés. Et lorsqu’on sombre enfin dans les abysses de l’ignominie sur le final « Disposer », on comprend immédiatement pourquoi le nom de CANCER figure toujours sur la liste des plus grands sadiques de l’histoire. Parce qu’ils en font partie, et que trente ans de méchanceté instrumentale ne les feront pas changer. Au contraire. Et une seule chose à dire au moment de refermer le dossier sanglant de Shadow Gripped.
CANCER fucking CANCER.
Titres de l'album :
01. Down The Steps
02. Garrotte
03. Ballcutter
04. Organ Snatcher
05. The Infocidal
06. Half Man Half Beast
07. Crimes So Vile
08. Thou Shalt Kill
09. Shadow Gripped
10. Disposer
Voyage au centre de la scène : le courrier, quand la Poste était la meilleure amie de l'underground
Jus de cadavre 03/04/2022
Un petit côté Archgoat qui n’est pas dégueu ! Les Estoniens sont forts…
18/05/2022, 20:34
Le groupe s'appelle tout de meme fromage de bite de bouc. L'imagination des groupe de metal m'etonnera toujours
18/05/2022, 19:41
Yes ! Merci pour la découverte ! J'adore ces groupes type War Metal avec des boucs et des cartouchières partout. Là, c'est bourrin et raw comme il faut avec juste la petite dose de maîtrise qui empêche le tout de sombrer dans le n'importe quoi.
18/05/2022, 14:42
@Krohr : pas de soucis L'important est que l'album tue. Une petite tournée Sacrifizer / Bütcher / Hexecut(...)
18/05/2022, 14:33
@KanelsBack : autant pour moi, je suis tombé sur le skeud avec les titres bonus... ce qui fait que ça dépasse le format initial qui est en effet un EP.
17/05/2022, 20:38
Avec un nouvel album il y a trois ans, Opprobrium semblait décidé à repartir. Ce retour inattendu le confirme. S'il pouvait apporter un peu de pêche, c'est tout ce qu'il faudrait.
17/05/2022, 12:45
Merci pour la découverte ! En effet, dans la même veine sanguinolente que Hexecutor ou Bütcher.Je suis allé yeuter leur biographie, pour info : "Le Diamant de Lucifer" sera leur deuxième album, le premier étant "La Mort Triomphante"(...)
17/05/2022, 12:28
Tuerie ! ! ! Bon les mecs ne sont pas des lapins de 6 semaines, mais bordel, quelle maturité pour un premier album ! Un des meilleurs albums de Speed depuis fort longtemps selon moi !
16/05/2022, 08:47
Je continue à prendre des places très à l'avance pour les concerts (ou plus exactement les tournées) que je veux absolument voir. Et avec les reports consécutifs, on arrive à des délais de cabourd ! Et parfois les annulations des uns permetten(...)
15/05/2022, 01:03
C'est un festival de format quasi-familial entre connaisseurs, quelques dizaines de passionnés qui se lâchent ensemble chaque année pour le plaisir des groupes qui participent. Ils sont tellement extrêmes qu'ils ont rarement l'occasion de réunir aut(...)
15/05/2022, 00:50
Plus de concert pour moi, trop cher, plus motivé pour passer une soirée debout dont la moitié à me faire chier devant des premières parties qui ne plaisent pas, le prix des conso, du merch et une prestation pas toujours de qualité quand c'est pas l&a(...)
14/05/2022, 12:35
Les grands méchants metalleux satanistes qui fuient au premier crachat d'un chrétien.
14/05/2022, 12:22
Juste ne pas tomber dans l'excès... Réserver les concerts du mois en cours, un peu plus tôt pour les trucs les plus attendus et pour lesquels on sait que ça sera tendu, ça me paraît raisonnable.Mais toujours courir après l'év&(...)
13/05/2022, 20:36
Je crois par ailleurs que Nougaro avait chanté une ôde à leur sujet, ô Tulus, un truc comme ça.
13/05/2022, 13:14
Escroquerie absolue ou influence parfaitement intégrée ?Franchement, y'a des riffs qui sont quand même très très très proches de certains riffs de Carcass (périodes Necro / Heartwork / Swansong) ! Et la prod est aussi lourde que sur Heartwork, (...)
13/05/2022, 10:04
"Tu ne vas pas avancer 12 places à 40€ et six mois d'avance, avec de toute façon le risque que ça soit quand même annulé"Typiquement mon cas.Avant le Covid, je prenais régulièrement mes places plusieurs mois à(...)
13/05/2022, 06:46