Dans le petit monde du Power Metal, il y a les allumés de Tolkien, ceux qui ne jurent que par l’anneau et la terre du Milieu. Il y a ceux qui inventent leurs propres histoires, leurs propres quêtes et qui luttent contre leurs propres dragons. Des musiciens qui voient leur guitare comme une épée sacrée, leur batterie comme l’enclume de Vulcain, et leur carrière comme une lutte permanente contre le mal. Et puis il y a en a d’autres, aux obsessions plus étranges, qui parviennent à se bâtir un petit monde rien qu’à eux, en adaptant des fictions créées de toute pièce…Ainsi, les américains de MASTER SWORD n’ont pas lésiné au moment de choisir leur concept, et ont opté pour la légende de Zelda, ce jeu vidéo qui a fédéré des millions d’adeptes dans le monde, et qui continue aujourd’hui de fasciner petits et grands. Choix étrange que celui d’un jeu vidéo pour planter un décor, un peu comme si les MANOWAR se transposaient dans l’univers des Barbarians ou LUCA TURILLI dans The Witcher, mais qu’importe, aussi excentrique soit l’idée, elle a le mérite d’être originale. Mais tenir un concept est une chose, le mettre en pratique en est une autre. Et dans le cas des MASTER SWORD l’incongruité du thème n’a d’égal que l’efficacité de la créativité. Et les originaires de Washington DC n’ont pas lésiné au moment d’appliquer leurs théories fantasmagoriques, se lançant corps et âme dans une entreprise d’incarnation qui aujourd’hui connaît une sorte de pinacle. Et après la sortie du très remarqué Shadow and Steel en 2018, le quintet propose en 2019 la suite de ses aventures par procuration avec un second long qui ne trahit en rien la qualité du premier. Au menu, beaucoup de passion, du sérieux dans l’application, et surtout, les moyens de ses ambitions puisque cette suite réserve bien des surprises musicales aux fans d’un Power Metal joué aussi épique qu’il puisse l’être…Et c’est un homme totalement hermétique et même allergique au monde de l’Heroic-Fantasy qui vous parle. Mais un homme qui sait faire la part des choses, et distinguer la thématique de sa mise en pratique, et surtout, séparer le bon grain de l’ivraie et reconnaître un excellent groupe ne se cachant pas derrière des gimmicks fumeux et trompeurs sur la marchandise.
MASTER SWORD s’est donc formé un beau jour de 2013, et a d’abord tâté le terrain avec un EP et une poignée de singles. Mais leur objectif était clair dès le départ. Consacrer leur art au monde fabuleux de Zelda, offrant au jeu une illustration personnelle et puissante, mais pas n’importe comment. Il eut été facile de se baser sur le scénario du jeu pour broder des thèmes instrumentaux, mais le choix des américains était plus précis : intégrer la musique même du jeu dans la leur pour brouiller encore plus les frontières, et transformer ses albums en bande-son originale d’aventures fictionnelles. Et c’est certainement ce qui rend leurs albums aussi fascinants, et pas seulement pour les adeptes de la saga virtuelle. En effet, même les néophytes peuvent apprécier cette musique riche, conquérante, bien que les habitués soient plus à même d’en saisir les clins d’œil. Un travail de passionnés et d’initiés donc, qui ne recule devant rien pour convaincre du bien-fondé de sa démarche et surtout, un travail de composition admirable, qui nous permet d’apprécier l’un des concepts les plus viables de ces dix dernières années. Ce qui aurait pu sombrer dans le pathétique achevé et le grotesque consommé s’avère être une épiphanie de violence et de mélodies, le groupe ayant en outre privilégié l’ouverture d’esprit au moment de mettre en place ses éléments. De fait, la musique du groupe est envoutante, plurielle, complexe, évolutive et osons-le mot, progressive. Sans se contenter de brader des riffs déjà faisandés, le quintet (Lily Taylor – chant, Matt Farkas – claviers/guitares, Kojo Kamya – guitare, Shawn Staub – basse et Andy Stark – batterie) nous offre donc avec The Final Door un petit chef d’œuvre dramatique, emphatique, qui n’hésite jamais à trop en faire pour nous entraîner sur la piste de Zelda, et nous faire pénétrer son monde parallèle. Chaque morceau est donc une tranche de vie du personnage mythique, mais surtout, une preuve de l’intelligence artistique du combo. En utilisant tous les codes possibles, de ceux figés du Heavy Metal guerrier jusqu’à ceux du Power Metal belliqueux, en passant par la douceur évolutive du Hard Rock plus nuancé, les américains tissent des atmosphères prenantes, et peaufinent des refrains guerriers, évoquant une multitude d’influences parfaitement digérées.
Mené de voix de fer par la flamboyante Lily Taylor, sorte de croisement vocal entre Tarja et Stacey Savage, MASTER SWORD est un modèle à suivre de groupe épique qui joue des excès d’un style pour les transformer en moments de bravoure ultime. Leur musique est bouillonnante, certes classique dans le fond, mais jouée avec tellement de conviction qu’il est impossible de ne pas se montrer admiratif. Empruntant tout autant au vocable de la NWOBHM qu’au lexique du Heavy US des années mid 80’s (MANILLA ROAD, HEIR APPARENT), s’ancrant dans un passé légendaire tout en surfant sur la vague nostalgique actuelle, The Final Door est quelque part le croisement parfait entre OMEN, LIEGE LORD, FATES WARNING, SAVAGE MASTER, et la jonction la plus équilibrée entre le passé et le présent. Avec une entame de la puissance de « The Final Door », le groupe joue cartes sur table et épées dégainées du fourreau, et nous entraîne dans une folle sarabande de Heavy Metal viril mais mélodique, qui ne tombe jamais dans les travers des excès qu’il suscite. Impeccablement bien joué, étonnamment bien produit pour un DIY, ce deuxième LP est plus qu’une confirmation, il est une réussite éclatante que des soli conquérants et des rythmiques tranchantes mettent en relief de la façon la plus bombastic qui soit. On pardonne tout à ces preux chevaliers, même le fait d’avoir abandonné les citations directes au jeu qu’on trouvait encore sur Shadow and Steel qui s’autorisait à puiser dans la partition (les fans n’ont pas oublié « Hyrule Field », reprise bien sentie), puisque leur musique originale est aujourd’hui ce qu’on peut trouver de plus proche du jeu. Et les démonstrations de force se succèdent, qu’elles soient directes et purement Heavy (« Hero of Time », le genre d’hymne que les cadors ne composent plus depuis longtemps), ou au contraire, savamment progressives et nuancées (« A Bloody History », la perfection absolue dans un créneau qui ne supporte pas la timidité, avec son ambiance brumeuse et ses arrangements précieux sur fond de lourdeur oppressante).
Aussi à l’aise dans l’immédiateté que dans l’approche de biais, les musiciens se permettent même des délires organisés, à l’image de ce monumental « Forgotten in Stone », qui évoque MAIDEN, SABBAT, DIO, et qui pendant huit minutes passe en revue trois décennies de Metal américain ayant toujours admis l’influence européenne en la matière. Il y a du CANDLEMASS la dessous, mais aussi du NIGHTWISH pour le côté contemporain, et surtout, un talent éclatant, et des capacités individuelles notables. Concentrant leurs efforts dans le cadre strict d’une quarantaine de minutes, le timing 80’s par excellence, MASTER SWORD signe un petit miracle de Metal épique, qu’on écoute en rêvant à des mondes mystérieux, l’air convaincu, et la connivence en bandoulière (« The Forsaken Tribe », final parfait en mid qui lâche les riffs les plus velus de cette année 2019 tout en permettant à de l’acoustique ibère d’alléger le tout sans l’édulcorer). Alors, ne vous inquiétez pas, si l’univers de Zelda vous est parfaitement inconnu ou totalement insignifiant, vous pouvez quand même pousser The Final Door. Elle s’ouvrira sur un monde haut en couleurs et transpirant de passion. Et la passion est universelle.
Titres de l'album :
01. Footsteps in the Dark
02. The Final Door
03. Hero of Time
04. Children of Old
05. Enchantress
06. A Bloody History
07. Forgotten in Stone
08. The Forsaken Tribe
Voyage au centre de la scène : Dans le secret des dieux / Interview Sylvain Bégot
Jus de cadavre 01/09/2024
Voyage au centre de la scène : Le Metal français des années 80' / Seconde partie
Jus de cadavre 10/06/2024
Je ne souscris en aucune manière à cette blague de fort mauvais goût sur un sujet aussi tabou et sérieux que les tueurs en série Simony... ... ...
13/09/2024, 08:41
Je confirme : un putain d'album pour un putain de groupe !!
11/09/2024, 20:54
J'aurais adoré, j'aime beaucoup ce fest, mais ça risque d'être chaud cette année hélas...
10/09/2024, 22:39
Bonjour Trooper Je viens de lire ton commentaire Peut-être on se connait puisque je suis un des protagonistes de cet album et donc de Cour Cheverny Dans l'attente
08/09/2024, 22:29
J’étais passé à côté comme un gland et ça fait un bien fou de les retrouver en bonne forme.
08/09/2024, 20:10
J'ai apprécié ce que j'ai écouté. Achat de l'album fait. A voir dans la durée.
08/09/2024, 19:52
Quelle banalité, c'est vraiment du pilotage automatique et peu/pas inspiré.
07/09/2024, 20:42
Bah honnêtement c'est plutôt une réussite.De toute façon pas difficile que de faire mieux que le dernier voir les derniers, j'ai lâché après le troisième
07/09/2024, 17:07
Les deux morceaux en écoute sont plutôt bon et, surtout, le retour du growl, pinaise !!! Événement métal de l'année 2024 , devant Gojira aux JO ! ( Bon, j'espère que ce sera pas seulement sur un morceau....)
07/09/2024, 10:39
je retiens le final du groupe mexicain C.A.R.N.E. ( cli d'oeil à Depraved des débuts?) :-)
06/09/2024, 13:32
Un groupe qui a beaucoup compté pour moi à une époque, une bien triste nouvelle en effet !
05/09/2024, 01:56