Comme tout fan d’horreur qui se respecte, j’éprouve une énorme fascination pour le cinéma italien. Celui respecté et célébré des maîtres Bava et Argento évidemment, mais aussi celui plus underground et sujet à controverse de Fulci, Bianchi, Mattei, Massacessi, ces esthètes de la série B, C, D et Z qui toute leur vie ont copié inlassablement les réussites américaines. Traités avec mépris par l’intelligentsia de l’industrie, ces habiles faiseurs étaient les couturiers du prêt à porter horrifique, passant sans vergogne mais avec un certain panache du costume trois-pièces zombi à la salopette requin tueur, sans oublier d’assembler quelques pantalons en velours côtelé de rats musqués, des chemises col pelle à tarte de barbares post-apocalypse, et ainsi de suite, jusqu’à l’overdose ou la fin des haricots pour cause de trésorerie défaillante. Je ne recenserai pas ici les œuvres essentielles qui ont rendu ma jeunesse plus légère et excentrique, mais les films de ces réalisateurs que je dévore encore aujourd’hui sont aussi importants pour moi que les travaux les plus honorés de Welles, Carné, Godard, Tarantino ou Coppola. Et depuis très longtemps, le Metal se fascine pour ces pellicules fauchées truffées de morts-vivants joyeux et maquillés à la truelle en carton, de trentenaires girondes aux formes dévoilées généreusement, de bestioles mutantes capables de transcender la chaîne alimentaire en un battement de cils. Et c’est ainsi que des combos comme DEATH SS, NECROPHAGIA, MORTICIAN et beaucoup d’autres se sont ingéniés à piocher dans les coffres des samples et des dialogues pour alimenter leur bestiaire Thrash, Death, Gore et je ne sais quoi d’autre encore. Mais s’il est un groupe contemporain qui a réussi à retranscrire l’ambiance gauche et mortifère de films aussi fondamentaux que L’au-Delà, Frayeurs, Virus Cannibale ou Cannibal Holocaust, c’est bien SCOLOPENDRA.
Pourtant, le groupe n’accuse que deux ans d’existence, et nous offre son premier LP, ce qui reste une remarquable performance. Vendu comme l’attraction du moment par son label Nuclear War Now, SCOLOPENDRA est sans doute ce qui est arrivé de mieux au Blackened Death depuis l’invention du click à vomi en studio, et ce premier LP parvient sans peine à recréer l’essence de la scène bis italienne des années 80 avec une acuité remarquable. Fondé en 2018 à Padoue par deux tarés notoires (Saevum – basse/chœurs, et membre de A:S:, ABHOR, PROFEZIA et Messer Kvasir – guitare/chant et actif au sein de A:S:, ABHOR, MOURNING MIST, PROFEZIA), SCOLOPENDRA n’est rien de moins que l’équivalent sonore du carnage Le Manoir de la Terreur d’Andrea Bianchi, avec ses « zombis tout rongés par le temps », et ses « chiffons qui sentent la mort ». Parvenant à transcender le Death Metal le plus rudimentaire et morbide, les deux italiens se permettent des exactions musicales parfaitement savoureuses, et tout sauf gratuites, qui reposent sur deux principes simples. Ne lâcher que les riffs les plus charnus, et travailler les nappes vocales pour qu’elles prennent l’aspect d’une régurgitation de lombrics par des cadavres ambulants à la démarche pas super assurée. Poussant le concept de l’Horror-Metal dans ses derniers retranchements, le duo sympathique nous offre donc une tranche de série B à l’italienne qui sent bon les personnages sans aucune épaisseur victimes de la fringale de pauvres zombis qui ne demandaient qu’à reposer en pet, et mélange au gré de ses influences DARKTHRONE, DEATH SS, BLACK HOLE, MORTUARY DRAPE, AUTOPSY, CADAVER, NECROPHAGIA, et quelques autres flingués du bulbe qui attendent encore l’apocalypse avec une pelle dans les mains.
Enoncé de telle façon, l’exercice pourrait paraître trop fantasque pour être honnête, et trop paillard pour être digne d’intérêt. Mais l’intelligence des deux compositeurs/interprètes (qui se connaissent depuis longtemps) est d’avoir vraiment travaillé leur répertoire pour ne pas se contenter de tranches de mort trop vite digérées, et d’avoir composé de véritables hymnes à l’horreur la plus fantasque et grotesque, tout en s’acquittant de leur tâche avec sérieux. Pas question ici de riffs réchauffés balancés à la va-vite, pas question d’atmosphère vaguement stressante bricolée au synthé pour pomper les GOBLIN sans en avoir l’air, mais question de vraies chansons, presque progressives dans l’esprit, et aussi caractéristiques du Death des origines que du Black norvégien le plus misanthropique. On sent dès les premières mesures que ce premier album a été pensé de A à la série Z, et à l’écoute de ces chapitres d’horreur dignes de l’école transalpine de l’orée des années 80, on se replonge dans tout un pan de la culture nationale, lorsque le démarcage des œuvres américaines était la tendance à suivre obligatoirement. « Exhumed Corpse Exaltation », plante le décor, qui évoque un vieux manoir perdu dans une lande quelconque, et près d’un vieux cimetière aux pierres décaties et au lierre envahissant. Enorme riff Black/Doom, chant râpeux qui rameute les troupes, percussions lancinantes, on sent bien qu’on n’est pas là pour rigoler et qu’on risque de subir un sort peu enviable. Puis soudainement, le rythme s’accélère, et suggère une fascination pour les premières années Death, avec des allusions au DEATH pré Scream Bloody Gore, mais aussi aux magiques NECROPHAGIA, sans oublier les complaintes nordiques d’IMMORTAL et DARKTHRONE.
C’est d’ailleurs le traitement du chant qui rend ce premier album fondamental, avec ses parties lead typiques du BM des nineties, et ses chœurs à la DEICIDE repris collégialement par une horde de zombis avides de cerveaux d’acteurs pas très inspirés dans leurs attitudes. On comprend que les deux musiciens ont vraiment agencé leur projet pour le rendre viable, et traduction littérale et musicale des meilleurs chapitres de l’histoire de l’horreur italienne, avec ses personnages qui font systématiquement ce qu’il ne faut pas, ses transgressions malsaines, sa fascination pour le mélange sexe/horreur, et son rythme lent qui dégénère soudainement pour proposer une conclusion apocalyptique. SCOLOPENDRA propose donc de longs morceaux variés mais toujours très sombres, et découpe ce Those of the Catacombs comme un DVD chapitré, avec l’impitoyable « First-Class Coffin » plus Black qu’une pose héroïque de Nocturno Culto, et la transition très fine « The Smell of Cadavers » qui dessine des images de long corridor plongé dans la pénombre d’où peuvent émerger les pires menaces. Un premier LP d’une maîtrise incroyable, qui nous permet d’associer à nos films préférés une bande-son digne de ce nom, et qui nous ramène des années en arrière, lorsque nous arpentions – nous autres passionnés – tous les vidéoclubs de la région à la recherche de la bande rare et poussiéreuse susceptible d’animer nos pires cauchemars d’adolescents.
Titres de l'album :
01. Exhumed Corpse Exaltation
02. First-Class Coffin
03. Tormenting Dying Nuns
04. Zombies Feasting
05. The Smell of Cadavers
06. Priest’s Blood Soup
07. Crypt of Perversion
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01
Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)
02/07/2025, 15:38
@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.
02/07/2025, 12:25
@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)
02/07/2025, 08:50
Pas trop mal dans l'idée.Vocalement on s'y tromperait aussi.A voir sur tout l'album, le précédent, mis à part l'opener, m'avait bien déçu
01/07/2025, 15:38
ça tartine ! bien cool cool cette grosse basse @niquetoncul oui ça doit te changer de Jinjer
01/07/2025, 14:19