Those of the Catacombs

Scolopendra

13/07/2020

Nuclear War Now! Productions

Comme tout fan d’horreur qui se respecte, j’éprouve une énorme fascination pour le cinéma italien. Celui respecté et célébré des maîtres Bava et Argento évidemment, mais aussi celui plus underground et sujet à controverse de Fulci, Bianchi, Mattei, Massacessi, ces esthètes de la série B, C, D et Z qui toute leur vie ont copié inlassablement les réussites américaines. Traités avec mépris par l’intelligentsia de l’industrie, ces habiles faiseurs étaient les couturiers du prêt à porter horrifique, passant sans vergogne mais avec un certain panache du costume trois-pièces zombi à la salopette requin tueur, sans oublier d’assembler quelques pantalons en velours côtelé de rats musqués, des chemises col pelle à tarte de barbares post-apocalypse, et ainsi de suite, jusqu’à l’overdose ou la fin des haricots pour cause de trésorerie défaillante. Je ne recenserai pas ici les œuvres essentielles qui ont rendu ma jeunesse plus légère et excentrique, mais les films de ces réalisateurs que je dévore encore aujourd’hui sont aussi importants pour moi que les travaux les plus honorés de Welles, Carné, Godard, Tarantino ou Coppola. Et depuis très longtemps, le Metal se fascine pour ces pellicules fauchées truffées de morts-vivants joyeux et maquillés à la truelle en carton, de trentenaires girondes aux formes dévoilées généreusement, de bestioles mutantes capables de transcender la chaîne alimentaire en un battement de cils. Et c’est ainsi que des combos comme DEATH SS, NECROPHAGIA, MORTICIAN et beaucoup d’autres se sont ingéniés à piocher dans les coffres des samples et des dialogues pour alimenter leur bestiaire Thrash, Death, Gore et je ne sais quoi d’autre encore. Mais s’il est un groupe contemporain qui a réussi à retranscrire l’ambiance gauche et mortifère de films aussi fondamentaux que L’au-Delà, Frayeurs, Virus Cannibale ou Cannibal Holocaust, c’est bien SCOLOPENDRA.

Pourtant, le groupe n’accuse que deux ans d’existence, et nous offre son premier LP, ce qui reste une remarquable performance. Vendu comme l’attraction du moment par son label Nuclear War Now, SCOLOPENDRA est sans doute ce qui est arrivé de mieux au Blackened Death depuis l’invention du click à vomi en studio, et ce premier LP parvient sans peine à recréer l’essence de la scène bis italienne des années 80 avec une acuité remarquable. Fondé en 2018 à Padoue par deux tarés notoires (Saevum – basse/chœurs, et membre de A:S:, ABHOR, PROFEZIA et Messer Kvasir – guitare/chant et actif au sein de A:S:, ABHOR, MOURNING MIST, PROFEZIA), SCOLOPENDRA n’est rien de moins que l’équivalent sonore du carnage Le Manoir de la Terreur d’Andrea Bianchi, avec ses « zombis tout rongés par le temps », et ses « chiffons qui sentent la mort ». Parvenant à transcender le Death Metal le plus rudimentaire et morbide, les deux italiens se permettent des exactions musicales parfaitement savoureuses, et tout sauf gratuites, qui reposent sur deux principes simples. Ne lâcher que les riffs les plus charnus, et travailler les nappes vocales pour qu’elles prennent l’aspect d’une régurgitation de lombrics par des cadavres ambulants à la démarche pas super assurée. Poussant le concept de l’Horror-Metal dans ses derniers retranchements, le duo sympathique nous offre donc une tranche de série B à l’italienne qui sent bon les personnages sans aucune épaisseur victimes de la fringale de pauvres zombis qui ne demandaient qu’à reposer en pet, et mélange au gré de ses influences DARKTHRONE, DEATH SS, BLACK HOLE, MORTUARY DRAPE, AUTOPSY, CADAVER, NECROPHAGIA, et quelques autres flingués du bulbe qui attendent encore l’apocalypse avec une pelle dans les mains.

Enoncé de telle façon, l’exercice pourrait paraître trop fantasque pour être honnête, et trop paillard pour être digne d’intérêt. Mais l’intelligence des deux compositeurs/interprètes (qui se connaissent depuis longtemps) est d’avoir vraiment travaillé leur répertoire pour ne pas se contenter de tranches de mort trop vite digérées, et d’avoir composé de véritables hymnes à l’horreur la plus fantasque et grotesque, tout en s’acquittant de leur tâche avec sérieux. Pas question ici de riffs réchauffés balancés à la va-vite, pas question d’atmosphère vaguement stressante bricolée au synthé pour pomper les GOBLIN sans en avoir l’air, mais question de vraies chansons, presque progressives dans l’esprit, et aussi caractéristiques du Death des origines que du Black norvégien le plus misanthropique. On sent dès les premières mesures que ce premier album a été pensé de A à la série Z, et à l’écoute de ces chapitres d’horreur dignes de l’école transalpine de l’orée des années 80, on se replonge dans tout un pan de la culture nationale, lorsque le démarcage des œuvres américaines était la tendance à suivre obligatoirement. « Exhumed Corpse Exaltation », plante le décor, qui évoque un vieux manoir perdu dans une lande quelconque, et près d’un vieux cimetière aux pierres décaties et au lierre envahissant. Enorme riff Black/Doom, chant râpeux qui rameute les troupes, percussions lancinantes, on sent bien qu’on n’est pas là pour rigoler et qu’on risque de subir un sort peu enviable. Puis soudainement, le rythme s’accélère, et suggère une fascination pour les premières années Death, avec des allusions au DEATH pré Scream Bloody Gore, mais aussi aux magiques NECROPHAGIA, sans oublier les complaintes nordiques d’IMMORTAL et DARKTHRONE.

C’est d’ailleurs le traitement du chant qui rend ce premier album fondamental, avec ses parties lead typiques du BM des nineties, et ses chœurs à la DEICIDE repris collégialement par une horde de zombis avides de cerveaux d’acteurs pas très inspirés dans leurs attitudes. On comprend que les deux musiciens ont vraiment agencé leur projet pour le rendre viable, et traduction littérale et musicale des meilleurs chapitres de l’histoire de l’horreur italienne, avec ses personnages qui font systématiquement ce qu’il ne faut pas, ses transgressions malsaines, sa fascination pour le mélange sexe/horreur, et son rythme lent qui dégénère soudainement pour proposer une conclusion apocalyptique. SCOLOPENDRA propose donc de longs morceaux variés mais toujours très sombres, et découpe ce Those of the Catacombs comme un DVD chapitré, avec l’impitoyable « First-Class Coffin » plus Black qu’une pose héroïque de Nocturno Culto, et la transition très fine « The Smell of Cadavers » qui dessine des images de long corridor plongé dans la pénombre d’où peuvent émerger les pires menaces. Un premier LP d’une maîtrise incroyable, qui nous permet d’associer à nos films préférés une bande-son digne de ce nom, et qui nous ramène des années en arrière, lorsque nous arpentions – nous autres passionnés – tous les vidéoclubs de la région à la recherche de la bande rare et poussiéreuse susceptible d’animer nos pires cauchemars d’adolescents.       

                       

Titres de l'album :

01. Exhumed Corpse Exaltation

02. First-Class Coffin

03. Tormenting Dying Nuns

04. Zombies Feasting

05. The Smell of Cadavers

06. Priest’s Blood Soup

07. Crypt of Perversion


Bandcamp label album


par mortne2001 le 28/11/2021 à 14:01
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