Phil: What would you do if you were stuck in one place, and every day was exactly the same, and nothing that you did mattered?
Ralph: That about sums it up for me.
Harold Ramis m’excusera d’avoir emprunté cette portion de dialogue à son chef d’œuvre Groundhog Day, mais il faut bien avouer que ces mots correspondent bien à ce que nous vivons en ce moment. Sauf que peu d’entre nous sont des présentateurs météo du câble qui finissent leur interminable journée dans les bras d’Andie MacDowell. Certes, lorsque cette chronique sera en ligne, espérons que la situation ait enfin changé et que la vie ait repris son cours, mais quand bien même, je suis certain qu’un nombre assez conséquent d’individus retrouveront leur morne existence pré-virus, avec son cortège de routine usante, de travail ennuyeux, de relations stériles et d’absence totale de surprise. Et bien mes infortunés amis, c’est à vous que ce laïus s’adresse, vous qui comme moi n’avez pas l’existence dont vous avez toujours rêvé, et qui devez vous contenter d’une répétition ad nauseam des mêmes anecdotes et autres repas sans goût. Et du goût justement, les TRICOMA en ont. Eux dont le nom pourrait résulter de la fabrication d’un tricotin par Castorama viennent de Denver, ce qui est toujours gage de bon goût, et proposent une sorte de mixture étrange que la toile aime à décrire comme du Stoner mais qui n’en est pas vraiment. Dans les faits, on ne sait pas vraiment quand ont émergé ces cinglés incapables de se fixer sur un style musical et de s’y tenir. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ils ont publié un premier EP en 2015, inutile Spore Wars, et qu’ils récidivent enfin aujourd’hui avec un long, cet éponyme étrange et bancal et pourtant terriblement attachant. Attachant parce que bricolé, attachant parce que diversifié, attachant parce que décrivant avec acuité les troubles du confinement que nous subissons, et son cortège de frustrations, de colère, de peur, de ressentiment, mais aussi de repli sur soi.
TRICOMA en substance et quelques crans en dessous, pourrait être appréhendé comme une sorte de cousin bâtard des ACID BATH, en version plus crue, bouseuse et primaire. Mais les deux groupes partagent cette vision d’un extrême qui s’assume, tout en refusant les contraintes de genre. Mélangeant au gré de leur inspiration le Stoner, le Hard psyché, le Doom, le Sludge, le Thrash et le Death, les originaires de Denver proposent donc une vision assez glauque et tendue de tous ces courants, les régurgitant dans un même brouet infâme, mais savoureux en oreilles. Joliment emballé dans une superbe pochette de Brad Miller, Tricoma se profile donc comme un virus (désolé pour l’analogie, mais elle est pertinente) qui s’insinue dans votre organisme, vous contaminant sans symptôme direct, mais avec des effets concrets. Le quintet (Riley Rukavina - guitare solo, Tyler Koelmel - guitare rythmique, Will Trafas - batterie, Matthew Ross - basse et Devin Trotter - chant) saute donc du coq à l’âne, nous sert une sorte de ragoût de NOLA réchauffé sur un barbecue vintage, provoque le Stoner pour imposer la mayonnaise Sludge, et nous assomme d’emblée d’un « Furnace », aussi symptomatique de BLACK SABBATH que de DOWN, EYEHATEGOD ou CROWBAR, titillant même une version sudiste des MELVINS avec plus de naïveté que de méchanceté. On est immédiatement surpris du son énorme et compact, qui laisse un duo de guitares exploser en gerbes de flammes, mais aussi par le sens de la percussion du groupe qui tient dans son osmose un atout de taille.
Mais immédiatement, « Grindstone » vient contredire la donne, et se répand en effluves seventies, avec grosse distorsion d’époque, riffs patauds, et ambiance délétère. Le mélange prend, mais surprend du parti-pris d’un chanteur qui n’a pas les hurlements dans sa poche, et qui préfère les cris de belette aux barrissements d’éléphant dépressif. Rien d’étonnant à cela pourtant, puisque Devin Trotter avoue comme influences vocales Jon Nödtveidt de DISSECTION et Randy Blythe de LAMB OF GOD. Un chant Black et Death sur un instrumental old-school de nineties obsédées par les seventies, voilà de quoi déstabiliser, mais le groupe dans ses choix artistiques ne cherche qu’une chose, nous proposer autre chose qu’une simple et lourde litanie. Alors, les allusions au Hard Rock et au Heavy Metal se multiplient, par des chorus de guitare chantonnant et des riffs saccadés (« Permafrost »), les clins d’œil au boogie cradingue de bastringue aussi (« Knife Fight », entêtant comme du ZZ TOP repris par PANTERA et BURZUM), sans oublier les quelques réminiscences Thrash à la ACID BATH via des plans syncopés et des cris stridents (« Smashan »). Ne le cachons pas, cette petite nouveauté a tout d’une grande, et les morceaux se succèdent dans toute leur diversité, sans rogner la cohésion, ni s’éparpiller dans le vide. Et lorsque les cinq musiciens se retrouvent en accord de lourdeur oppressante (« Quandary of Paarthurnax Part II »), la puissance dégagée est au moins égale à des hauts fourneaux tournant à plein régime. On apprécie particulièrement toutes ces allusions à l’extrême condensées dans un seul et unique morceau, et au bout d’une vingtaine de minutes, la séduction malsaine opère à plein rendement.
Acceptant le legs du Blues le plus lourd pour le détourner façon Stoner fleuri, mais un peu putride sur les bords, osant les percussions massives et les crescendos orgasmique, citant HAWKWIND, TROUBLE pour mieux se souvenir de l’importance de DOWN (« Formation Through Destruction »), tout en lâchant un petit quickie pour le plaisir (« Unsanctioned Escape »), TRICOMA n’a cure des codes, et affiche même des ambitions progressives avec le terminal « Hollowed Light ». Les premières notes frappent, et rappellent « Cemetary Gates » ou « This Love », mais l’instinct naturel reprend vite le dessus, et laisse une sensation bizarre de Stoner Death joué avec les tripes. Sacrée baffe dans la tronche donc que ce premier album d’un quintet pas vraiment comme les autres, qui illustre à merveille le climat de paranoïa ambiant, et le mélange des sentiments contraires, et pourtant complémentaires. Une belle surprise, et un disque à découvrir d’urgence, méritant une écoute quotidienne pour comprendre que parfois la vie à beau être répétitive au possible, elle n’en reste pas moins une expérience unique en son genre.
Titres de l’album :
01. Furnace
02. Grindstone
03. Permafrost
04. Knife Fight
05. Smashan
06. Quandary of Paarthurnax Part II
07. Formation Through Destruction
08. Unsanctioned Escape
09. Hollowed Light
Deafheaven > Black Sabbath d'ailleurs, aucune hésitation. quelle chanson de Black Sabbath atteint le niveau d'intensité de Dream House ?
10/07/2025, 21:43
T'aimes ça hein le cuir et le metal salace, je préfère Patrick Sébastien, je le trouve moins pédé. Le petit bonhomme en mousse on s'en rappelle, ça c'est une chanson qu'on oublie pas, comme ce que te chantais ta maman..
10/07/2025, 21:36
@DPD : putain, cette merde de Chat Pile, de la noise bâtarde gay friendly qui pompe Godflesh et Korn. Et dans un autre post, tu parles de Deafheaven. Mais mec, arrête de donner des leçons et va donc faire une Bun Hay Mean.
10/07/2025, 21:20
Et ce qui s'est fait de marquant question death c'était le dernier Dead Congregation et le surprenant Reign Supreme de Dying Fetus. Et qu'on me parle pas de Blood Incantation tout est impeccable, il y a beaucoup de travail derrière, mais aucune symbiose entre les part(...)
10/07/2025, 15:17
L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)
10/07/2025, 15:09
C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)
10/07/2025, 14:34
@GPTQBCOVJe suis horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)
10/07/2025, 14:16
Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)
10/07/2025, 13:47
Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".
10/07/2025, 13:22
Cela m'espante toujours de voir des festivals complets (ou presque) un an à l'avance sans avoir annoncé aucune tête d'affiche.Le public est devenu très friand des gros festivals. Je pense évidemment à toute cette frange de festivalier(...)
10/07/2025, 12:23
Certains commentaires sont à côté de leur pompes, la grande mode du metalcore c'était il y a quoi ? 20 ans ? la bizarrerie c'est que pas mal de ces gens sont passés au black-metal pour une raison que j'ignore ce qui donne toute cette scene en -post(...)
10/07/2025, 12:04
Ce groupe est une pépite. Je reste encore sous le choc de The Crowning Quietus par exemple !
10/07/2025, 08:38
Et oui le Fall of que c'était dingue mais pas de monde pour pouvoir continuer
09/07/2025, 23:09
Je vais au Hellfest l'année prochaine depuis 2010 et je sais pertinemment que le métal extrême n'y a plus trop sa place et dieu sait que j'adore le black et le death mais je suis fan de musique et musicien avant tout et j'aime aussi cette diversité. (...)
09/07/2025, 23:07
Cette année, j'ai fait le Anthems of Steel et le Courts of Chaos. A l'automne, ce sera probablement le Muscadeath. Les festivals, ce n'est pas ce qui manque. D'ailleurs, plus ils sont passionnants dans la programmation, moins la fréquentation est importante. Biza(...)
09/07/2025, 21:39