Trente ans d’existence pour seulement six LP. On ne peut pas dire que les américains de CIANIDE soient du genre prolifique ou encombrant. C’est d’ailleurs l’un des arguments promotionnels de leur label, qui pointe le fait que le groupe n’a jamais recherché la quantité, mais bien la qualité. Tout ça est bien joli, mais lorsqu’on est fan, on attend un peu plus de son groupe fétiche qu’une apparition tous les sept ou huit ans, et c’est pourtant le laps de temps qui sépare ce nouvel EP du précédent LP, Gods of Death, publié en 2011. Depuis, rien ou pas grand-chose, un simple split avec les affamés nécrophiles de NEKROFILTH, et c’est tout. Alors les CIANIDE, inspiration en berne, hibernation prolongée, ou attente du moment pertinent pour émerger de votre caverne perdue au fin fond de l’Illinois ? On ne connaîtra jamais la réponse à l’énigme, alors autant prendre cet EP pour ce qu’il est. Une nouvelle tranche de mort old-school, qui n’a absolument pas tenu compte de l’évolution du genre, et qui continue de considérer les méthodes d’embaumement des années 80 comme le nec plus ultra des préparatifs mortuaires. Toujours aussi véhément, le power-trio (Mike Perun – chant/basse, Scott Carroll – guitares et Andy Kuizin – batterie, soit un line-up inchangé depuis plus de vingt ans) revient donc nous conter fleurette fanée sur fond d’exactions Death du plus bel effet, continuant d’accentuer sa rigor mortis de quelques inflexions Doom du plus bel effet pour se poser en garant de la légende ; ce qu’il est à n’en point manquer. De fait, aucune surprise à attendre d’un format court qui ne fait que reprendre des méthodes éprouvées, et aucun changement dans la continuité, la mort n’étant qu’un processus inamovible qui n’a guère besoin d’être enjolivé par des fioritures. Production toujours aussi craspec, mais instruments discernables, les CIANIDE soulignent encore leur allégeance à la vieille école, et préfèrent leur Death putride, mais compréhensible. C’est ainsi que les sempiternelles influences (plutôt des contemporains d’ailleurs) remontent à la surface des marais, pour empester l’air ambiant de leurs effluves nauséabonds.
En gros, ça pue, mais ça pue bon. Nous retrouvons donc ce Death joué médium en termes de vitesse, mais aussi lourd qu’un cadavre à sortir de la flotte après y avoir stagné des semaines. Après plus de trente ans de carrière, il ne fallait pas attendre du trio qu’il se remette en cause, mais plutôt en selle, un silence de huit ans ne se comblant pas par un simple « fuck you ! » balancé comme une bravade. Par extension, Unhumanized fait tout ce qu’il peut pour honorer son titre et la réputation de ses concepteurs, et nous propose un instantané 2019 de la douleur auditive et de la pesanteur rythmique. Toujours aussi adeptes d’une cadence maîtrisée, les trois américains rendent hommage au style de leur pays, citent AUTOPSY, MASTER, mais aussi l’Europe de BOLT THROWER, pour une longue litanie de cinq morceaux et vingt-cinq minutes de gravité instrumentale. On comprend vite ce qui nous attend en écoutant « Serpent's Wake », trait d’union avec un passé glorieux, et réminiscence d’albums phare comme The Dying Truth ou Divide and Conquer. Certes, le tout est d’un classicisme désarmant, on pourrait presque anticiper les plans de quelques secondes, mais le tout est aussi efficace qu’un coup de pelle qui bouche définitivement une tombe de fortune creusée dans une forêt glauque et abandonnée. Riffs circulaires, batterie qui concasse, chant graveleux qui égrène ses litanies de mort, beat qui imite Crust pour mieux enterrer Death, et atmosphère qui sent bon les bas-fonds de Chicago, la ville du crime organisée. Loin d’avoir été enregistré dans les égouts, Unhumanized est aussi clair que son propos musical n’est sombre, mais on est tout de même heureux de retrouver le groupe en étant de disgrâce, avec toujours cette solide dose de groove qui allège un peu l’oppression ambiante, et qui sonne même joyeux en certaines occasions (« Traitors », le meilleur raccourci entre ENTOMBED et BOLT THROWER disponible sur le marché).
Traditionalisme, efficacité, les valeurs n’ont pas changé. Mais sous de fausses apparences simplistes, le trio nous trousse encore des morceaux évolutifs, qui prennent leur temps sans gaspiller leurs forces. CIANIDE frappe toujours aussi fort et toujours aussi bien, comme le confirme le long mais éprouvant « Unhumanized » et ses six minutes de savoir-faire Doom/Death. Gras, pesant, suintant, le Death des originaires de l’Illinois se montre toujours aussi chauffé, attendrissant la viande avant de la trancher, et nous offrant de longs passages à la machette lourds comme un orage qui gronde. Rois du dépeçage propre et net, les musiciens connaissent depuis longtemps les meilleures astuces, et alternent la violence sourde et la brutalité sans bourdes, pour nous offrir une nouvelle pelletée d’hymnes. Ces nouveaux hymnes ont d’ailleurs le cachet 80’s/90’s le plus fameux, comme le démontre l’intro sale et purulente de « Shadow of the Claw », manifeste Doom/Death qui schlingue la putréfaction et les morceaux de barbaque infestés de mouches. C’est lent, processionnel, ça prend aux tripes et ça rentre dans les narines, mais c’est jouissif comme une exécution sommaire à la Texas Chainsaw Massacre, avec crocs de boucher qui semblent sortir du casque pour vous écorcher les tympans. Alors certes, j’en conviens, tout ceci est éminemment conventionnel, ne prend aucun risque, respecte tous les dogmes, mais le tout est emballé dans un paquet cadeau dégoulinant de sang, et le résultat traîne en bouche comme un vieux bout de cuisse avarié. Huit ans, un EP, c’est évidemment un peu court, mais il ne serait pas étonnant que la bande nous en revienne avec un format plus long pour continuer de nous torturer les oreilles avec un plaisir sadique. Plaisir partagé évidemment, puisque lorsqu’il s’agit de Death de cette qualité, nous sommes tous volontiers masochistes.
Titres de l'album :
01. Serpent's Wake
02. Unhumanized
03. The Weapon of Curse
04. Traitors
05. Shadow of the Claw
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