White Of The Eye

Clegane

20/05/2022

Almost Famous

Les phrases sibyllines jettent un voile pudique sur la lâcheté de celui qui observe sans rien faire, de celui qui bafoue une cause honorable et de toutes les victimes impuissantes face à la violence aveugle de l’anonyme en dérive. Une image d’Épinal, déchirée.    

Ça n’est pas moi qui le dit, ni un auteur classique, mais bien les musiciens de CLEGANE, qui, immédiatement placent leur album sous des auspices de jugement implacable. On connait bien ces franciliens pour leur amour d’un Doom à connotation Sludge, qu’ils pratiquent depuis six ans, et qu’ils ont largement eu le temps de développer sur scène, ou sur album. Ils en ont d’ailleurs partagé un avec les amis de FATHER MERRIN, que nous connaissons bien sur ce webzine, et l’annonce de la sortie de leur second chapitre avait largement de quoi secouer nos colonnes.

Trois ans après cette ballade en mer qui nous proposait d’inhumer un corps dans l’océan via Funeral at Sea, les trois musiciens reviennent, avec un seul but en tête : ne pas trahir leur philosophie de lourdeur, tout en la faisant progresser à mesure de leur propre avancée. Et c’est ainsi qu’auréolés d’un partenariat avec le label national Almost Famous (qui les soutenait déjà il y a quatre ans), les CLEGANE nous proposent ce White Of The Eye, qui vous regarde dans le blanc des yeux pour vous obliger à fixer la réalité blafarde en face.

Mixé et masterisé par Andrew Guillotin au Hybreed Studio (ARKHON INFAUSTUS, TEMPLE OF BAAL, AOSOTH), White Of The Eye est un constat sans appel, et une déclaration d’amour au Doom le plus fidèle aux enseignements initiaux. Un Doom opaque, sourd, mais incroyablement précis, fertile, comme une terre truffée de cadavres en décomposition qui permet à la nature sauvage de reprendre ses droits. Laurent (basse/chant), Olivier (batterie), et Guillaume (guitare, chœurs) explorent donc ce style beaucoup plus riche que l’on croit, et nous proposent des pistes longues et évolutives, dans la grande tradition, mais des pistes qui sont de véritables chansons, et pas de simples litanies aveuglément vouées au culte de BLACK SABBATH ou CANDLEMASS, histoire d’en rajouter une couche dans la noirceur et l’oppression sensorielle.

On connaît la propension du trio à voir plus loin que le bout de son nez, mais on s’en rend compte officiellement en digérant le monstrueux (dans tous les sens du terme) « White of the Eye », que le groupe partage avec Sam Pillay de POINT MORT. Harmonies acides, rythme évidemment pilonné avec des marteaux à la place des mains, riff monolithique qui ne dévie pas d’un iota pendant de longues minutes, entre Sludge maladif et Post Hardcore larvé, CLEGANE déroule le tapis de son long cheminement vers la perfection, entre nostalgie et résignation.

Doté d’un son puissant et d’une production exemplaire, White Of The Eye fascine et hypnotise l’auditeur, loin des litanies abrutissantes qui sont souvent le lot de ces groupes fixés sur leur accordage en si pour effrayer la plèbe. Ici, la gravité est de circonstance, mais ne bride pas l’imagination. Et si « Fractured », le titre accroche est formel de bout en bout, il n’est qu’une porte d’entrée ouverte sur un monde bien plus complexe, meublé de labyrinthes sans sorties, et de nuits sans fin.

J’ai aimé ce disque, parce qu’il représente le versant intelligent d’un style qui ne m’est pas familier. J’ai aimé ce disque, parce qu’il ne se contente pas de refourguer les trois riffs moisis que nous connaissons par cœur, et qu’il fait partie du haut du cercueil d’un Doom/Sludge vraiment prenant, ancré dans le passé, et pourtant terriblement présent et vivant. Ces quelques notes en son clair, ces coups de baguette discrets sur la ride, ces rondes de basse qui préviennent de l’orage à venir sont autant d’indices sur la faculté d’agencement des franciliens, qui croient fermement en ce qu’ils jouent.

   

« Water & Stones », et son entame à la NEUROSIS, laisse un long prologue planter le décor lugubre, mais étonnamment strié de lumière, et à pas lourds et parcimonieux, nous emmène vers un ailleurs certes sombre, noyé de doutes et de résignation, mais blindé de breaks, de cassures, d’automatismes brisés, et d’envie d’offrir un peu plus qu’une procession funèbre déjà mille fois subie.

D’une cohésion rare et d’une créativité étonnante, White Of The Eye est un regard lucide porté sur un style fermé. Si tous les morceaux s’enchaînent dans une logique imparable, ils ne nous enchaînent pas au radiateur de l’ennui, grâce à un savant jeu de mélodies, de silences, de ruptures anticipées, et de lignes de chant nostalgiques d’années 70 encore très vivaces dans les souvenirs. « Healed in Vain » en clôture, est un modèle d’adieu comme on en fait peu, et nous laisse sur une impression de plénitude dans un monde fou qui ne sait plus où donner de la tête malade.

CLEGANE continue donc son ascension bien raccordé, et incarne cette jeune garde du Doom qui sait offrir, oser, tout en respectant les principes séculaires. Qu’il est bon de souffrir parfois.

 

   

Titres de l’album :

01. Fractured

02. Cara Muerte

03. White of the Eye (ft. Sam Pillay - POINT MORT)

04. Water & Stones

05. Healed in Vain


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par mortne2001 le 21/05/2022 à 16:10
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