Wraith

Watchcries

27/10/2017

Holy Roar Records

Il faudra qu’un jour je cherche à comprendre pourquoi j’aime tout ce qui est laid, repoussant, délabré et qui sent mauvais. Déjà, petit, j’aimais mettre des pétards dans les bouses de vache pour les voir exploser de merde, et je ramassais les bonbons que je trouvais par terre pour les manger. Devenu grand, je collectionne le glauque, j’affectionne les maisons abandonnées, les vieux cimetières décatis, et les vidéos immondes trouvées un peu partout, là, et ici. Il doit bien y avoir un nom à mettre sur telle pathologie, mais comme j’ai la flemme de consulter à nouveau, je préfère m’y faire et m’accommoder d’une telle déviance. D’autant plus qu’elle se vérifie dans bien des tendances. Tiens, musicalement. J’ai commencé comme tout le monde, via des groupes « acceptables », violents, mais supportables. Et c’est parti en couille via HELLHAMMER, SLAYER, NAPALM DEATH, GORE BEYOND NECROPSY, jusqu’à me faire chroniquer les GNAW THEIR TONGUES, ABRUPTUM, REVENGE et autres délires Goregrind pour tarés du bulbe. Plus c’est lourd, poisseux, méchant, nerveux, plus je suis heureux et j’accorde mes faveurs à des flingués qui n’attendent que ça pour remettre leurs pendules à l’heure. Je réhabilite le bruit en tant que catharsis majeure, et j’anoblis des vieux pourris qui font du boucan leur pain quotidien, tout à l’avenant. C’est ainsi. Tiens, cet après-midi, en tombant sur les anglais de WATCHCRIES, n’importe quel chroniqueur sain d’esprit aurait passé son chemin. Mais pas moi, non seulement je suis resté, mais j’ai écouté. Et pire encore, j’ai apprécié. Vraiment. Et pourtant, qu’est-ce que c’est bruyant et décadent…

Bruyant et décadent certes, mais innovant. Jusqu’à une certaine mesure de mélange qui assure une transition fluide entre des courants extrémistes pas toujours complémentaires. Certes, tout est parti du Doom, du Heavy et du Punk, mais cette mixture de Hardcore, de Sludge, de Black et de Grind à une certaine saveur, de celles qui piquent en bouche et brûlent le palais, tout en incendiant l’estomac, l’endommageant à jamais. Ne connaissant pas ces hurluberlus, j’ai donc fouiné et trouvé, découvert qu’ils avaient déjà publié un premier EP éponyme, et que l’underground ne s’y était pas trompé. Venant de Brighton, ces quatre dévoyés (Nats Spada – chant, Paul Hale – guitare/chant, Steve Barry – basse et Ant Cole – batterie) s’étaient déjà illustrés dans divers combos plus ou moins remarqués (TORPOR, DOPEFIGHT, WAR WOLF et TEEF), mais une fois rassemblés, ont décidé que le plus pouvait le mieux, et ont associé leur talent pour produire une musique tenant plus du cauchemar éveillé que de la symphonie pour âmes illuminées. Pour faire simple et proposer une formule idoine, ces dangereux individus ont tenté la synthèse fatale entre PRIMITIVE MAN, NAILS, CONVERGE, URSUT, ENTOMBED et tout ce qui passait à portée de leurs mains souillées, et y sont parvenu, proposant ainsi l’un des premiers albums les plus malsains et difficilement supportable de la Toussaint. Fête des morts ? Ici, ce sont les vivants qui ont tort, tort de s’accrocher à une vie qui ne vaut pas la peine d’être aimée, et qu’on conchie à grands coups de rythmique vengeresse et de riffs sans paresse. La désillusion leur offre la bonafide dont ils ont besoin pour catapulter leurs idées noires hors du terrain de jeu Metal habituel, qui du coup, se retrouve à partager de la surface avec un Hardcore vraiment relevé, sans tomber dans le piège du Crust à tendance Sludge qu’on attend de pied ferme, la mine un peu désabusée. Non, ici, l’agression change de ton. Elle se débarrasse des scories de facilité, pour aller chercher la mélodie du Post et l’insérer de force dans un cadre Sludgecore, histoire de nous traumatiser encore, et encore, jusqu’à ce que nous rendions les armes.

Le tableau n’est pas brillant, mais la musique l’est. En choisissant de ne s’intéresser qu’aux aspects les plus bruts et brutaux de chaque sous-genre, les anglais forcent leur destin, et frappent dans leurs mains, assez fort pour influer sur des lendemains qu’on pressent encore moins sereins. De là, nous passons du coq à l’âne, avec intelligence et fluidité, sans céder d’un pouce à une intensité que « Ashen » place sous des auspices bien cramés. Intro toute en gravité grondante, et déluge de violence, pour moins de quatre-vingt-dix secondes de mise aux poings histoire de vous en mettre une bonne sur les coins. Mais « Fate Deemed » complique un peu la donne de ses changements de direction, suggérant la puissance d’un Crust un peu pendant pour mieux nous asséner des baffles Grind à l’avenant. Les guitares ridiculisent de leur profondeur tous les riffs de l’école suédoise Death, alors même que Wraith ne joue pas du tout dans la même catégorie. Certes, la froideur est commune, tout comme l’absence de toute empathie, mais en restant sous des lunes Hardcore subtilement noircies d’éclipses Black ou Post-Hardcore, les anglais empruntent un chemin moins creusé, qui nous emmène aux confins d’un univers aux monochromes délavés. On se croirait presque revenu sous l’ère Thatcher, avec crise de colère et prise de pouvoir, pour une réactualisation de la misère sociale en oraison. Chant qui ose les invectives claires, breaks cossus limite Mathcore, et rythmique de la mort, qui vibre au creux de pavillons d’amplis miteux…

Pression, oppression, mais harmonies dans le fond, qui règlent leur compte à un nihilisme qu’on pensait plus qu’évident. Car ces mecs-là sont intelligents, et savent que la brutalité la plus sourde n’est rien sans un calme de surface. Ainsi, « Reawake » propose un second réveil, aux ondulations d’une basse qui secoue les fondations, déjà salement malmenées par un batteur qui ose s’imposer, et jeter des fills en pâture pour ne pas trop se stabiliser. Acmé d’un crossover de cinglés, ce morceau passe par toutes les ambiances, du Sludge crasseux et dégobillé au Crust maladif et incinéré, et nous persuade du bien-fondé d’une démarche indiscutablement énervée. Le climat général est étouffant, et vire parfois au somnambulisme traumatisant, via les redondances cycliques de « Wild Flesh », qui fricote avec un Blackcore aux thématiques pourtant accrocheuses en mid tempo…Le BM est d’ailleurs plus une toile de fond qu’un réel fondement, et « Burial Ground » de le démontrer en associant l’abrasivité d’un Hardcore excité à la rigidité d’un Sludge torturé. Les guitares se bloquent sur des accents de plus en plus effrayants, et alors qu’on se disait justement que le fond du désespoir ne devait plus être très loin, ces malandrins nous opposent une fin de non-recevoir en nous entraînant encore plus bas dans le chagrin. A-coups rythmiques en manchette de lapin, chant qui exhorte encore plus ses invectives malsaines, rythmique qui refuse catégoriquement de se calquer sur un beat régulier, pour une charge maximale (« Undying Solace ») évoquant tout autant les débuts de l’Anarcho-Core de Birmingham que le Crust suédois.

Et histoire de nous la mettre bien profond avant de partir, les WATCHCRIES nous laissent sur une dernière prière Ambient/Doom, aux intonations funèbres et à l’écho mate, mais aux harmonies amères…Je vous le disais donc en préambule, tout ça sent mauvais, est laid, repoussant, à gerber. Et pourtant, on en ressort satisfait de ne pas forcément considérer ça comme notre réalité. Les opposés s’attirent et les extrêmes empirent, pour une démonstration de méchanceté musicale qui laisse effaré. Jusqu’où pourra-t-on aller ? Je n’en sais rien, mais visiblement, il reste encore du chemin. Et si vous y croisez ces anglais, passez le vôtre. Mais gardez leur album sous la main…


Titres de l'album:

  1. Ashen
  2. Fate Deemed
  3. Severing Union
  4. Reawake
  5. Wild Flesh
  6. Burial Ground
  7. Undying Solace
  8. Observance

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 19/11/2017 à 18:04
88 %    923

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report

1984

mortne2001 10/01/2024

From the past
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Simony

C'est justement ce relent de Hardcore qui en fait du Thrashcore en condition live qui m'a dérangé. Le placement du chant fait vraiment moderne, c'est con mais ça m'a un peu rebuté, dommage parce que musicalement c'est vraiment pas mal.

28/03/2024, 16:07

Tourista

L'album de Pâques !  

27/03/2024, 19:56

MorbidOM

Découvert l'an dernier dans un mini festival à Toulon avec Aorlhac en tête d'affiche, j'avais bien accroché et acheté leur cd (le précédent du coup) qui m'avait un peu déçu (difficile de redre justice à une m(...)

27/03/2024, 00:16

Saul D

Ben si Cannibal Corpse est une légende, Immolation aussi, non? Ils avaient tourné ensemble en 1996 ( je les avais vus à la Laiterie, avec Inhumate en première partie...)...

26/03/2024, 13:16

Bulbe

Enorme !

26/03/2024, 08:06

Vivement le prochain Ep. Ça envoie du lourd

Putain c'est vachement bien 

26/03/2024, 00:15

Gargan

Je viens de tomber par hasard sur ce docu à leur sujet, je sais que deux-trois ici pourraient être intéressés : TULUS - 3 DECADES OF UNCOMPROMISING BLACK METAL (FULL DOCUMENTARY) (youtube.com)

25/03/2024, 20:05

Humungus

C'est très loin d'être pourri, mais j'préfère tout de même de loin "Ozzmosis", "Down to earth" ou "Black rain"...

25/03/2024, 09:21

RBD

Tout le mérite en revient à notre hôte, je n'ai influé en rien sur les choix successifs. Autrement dit, cela me convenait aussi.

24/03/2024, 19:53

Buck Dancer

J'aime beaucoup. Parcours sans faute jusqu'au septième morceau. Du death classieux moins extrême que le premier album mais plus varié. Les délires vocaux de Vincent passent aussi très bien (ce qui n'aurait pas été le cas chez Morbid).(...)

24/03/2024, 13:34

Humungus

Je plussoie à mort ta bande son d'after hé hé hé...

23/03/2024, 11:02

Antidebilos suce mon zob

@antidebilos : t'es vexé, sac à foutre.

22/03/2024, 15:49

Oliv

Et le plan r fest ! 

22/03/2024, 15:21

antidebilos

"groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom" : allez, retourne écouter tes groupes de NSBM de fond de toilettes et épargne-nous tes commentaires ridicules

22/03/2024, 09:04

Ivan Grozny

Tournée vue à Paris, merci pour le report.

21/03/2024, 21:01

Orphan

Tres bonne news des le matin. 

21/03/2024, 08:08

LeMoustre

A minima c'est assez inutile, rarement intéressant même si l'idée n'est pas nouvelle. Voivod l'a fait y'a peu, c'est quand même assez anecdotique sur le rendu final. Les morceaux en version d'origine se suffisant a eux mêmes.

20/03/2024, 12:18

Gargan

Ce son de toms n’existe plus depuis schizophrenia

19/03/2024, 22:06

LeMoustre

Il prend corps au fil des écoutes, et s'il paraît moins immédiat que Firepower, il ne me déçoit pas tant les compositions restent solides et dignes du Priest. Pas encore totalement poncé mais j'encourage à y revenir et chaque écoute(...)

19/03/2024, 14:50

LeMoustre

Superbe ce papier avec un chroniqueur qui, ça se sent, a vécu l'époque Roadrunner et sa superbe compilation (a la non moins superbe pochette) Stars on Thrash.Achat obligatoire.P.S : Euh moi une ex m'appelle pour prendre de mes nouvelles et me proposer (...)

19/03/2024, 12:13