The Impassable Horizon

Fractal Universe

18/06/2021

Metal Blade

Qu’attend-on d’un excellent album de Death progressif ? De la polyrythmie ? Des mélodies sous-jacentes qui servent d’arrangements cosmiques à la PESTILENCE ? Des prestations individuelles extraordinaires menant à une cohésion collective redoutable ? Des changements de signature fréquents ? De l’inédit, de l’imprévisible ? Une manière parfaite d’insérer des plans jazzy à une atmosphère globale envoutante ? De l’élitisme abordable pour ne pas sombrer dans la démonstration stérile ? Tout ça, et quelque chose d’unique en sus : une réelle identité qui permet de se démarquer des dix ou vingt groupes du haut du panier qui ont déjà plus ou moins tout dit dans le genre. Les nancéens de FRACTAL UNIVERSE font-ils donc partie de la haute société brutale et ciselée, alors qu’ils abordent le virage très dangereux de leur troisième album ? Après écoute de ce monumental The Impassable Horizon, la réponse est un immense « oui » hurlé du haut d’une montagne pour que l’écho propage la bonne parole dans le monde entier. On savait ces musiciens capables de dépasser l’excellence pour approcher la perfection sans se bruler les ailes comme Icare, mais The Impassable Horizon dépasse justement l’horizon qui servait de ligne de démarcation entre notre monde et…l’autre.

Les premières idées pour ce nouvel album ont commencé à fuser alors que Rhizomes of Insanity n’était même pas encore sorti, ce qui en dit long sur la créativité du leader Vince Wilquin. Capable de composer une suite symphonique en se basant sur une rythmique ou une ébauche de mélodie, le compositeur laisse aller son instinct et ne force pas l’équation pour qu’elle devienne insoluble. Les parties de batterie qu’il ébauche pour son complice Clément Denys, complexes évidemment, restent abordables et musicales selon le percussionniste qui reconnaît le talent de son guitariste/chanteur. Mais la force intrinsèque du quatuor est sa lucidité, et cette façon d’assumer le fait qu’ils n’inventeront jamais rien, et qu’ils recycleront des idées déjà largement répandues. A eux de les accommoder à leur sauce et de les faire sonner plus ou moins inédites - du moins personnelles - pour éviter l’embarras du plagiat, toujours encombrant dans le genre.

Concept album comme on n’en attend pas moins d’un groupe pareil, The Impassable Horizon passe en revue toutes les composantes musicales pour coller à son thème humaniste mais aussi philosophique. Quel est le lien qui unit les humains avec la mort ? Vaste question à laquelle la religion, la philosophie et la science ont tenté de répondre, mais qui trouve ici un éclairage nouveau, et artistique.

L’album tire partiellement son inspiration du concept de Heidegger, « être au-delà de la mort ». Le philosophe pense que la problématique réside dans la fausseté de la question initiale, « Qui y-a-t-il après la mort », qui doit être substituée par la bonne question, « Que signifie pour nous le fait d’être conscient de nos propres limites, et comment fait-on face à cette réalité, de façon consciente et inconsciente ? ». The Impassable Horizon traite de cette dualité, et la résume en quelques mots. 

 

Un concept global, déjà largement abordé, mais qui traité à travers le prisme d’un Death progressif et éminemment technique prend un nouvel éclairage, plus moderne, et surtout, plus nuancé qu’une question lapidaire appelant une multitude de réponses. Techniquement, le groupe n’a pas durci le ton, et ses parties restent toujours humainement abordables, bien que parfois terriblement ambitieuses. Entre les soli de saxo, gimmick indispensable, et les épaisses couches de chœurs, ce troisième chapitre de la saga FRACTAL UNIVERSE fait largement honneur aux deux premiers, ne serait-ce qu’en termes de son, qui de sa clarté permet aux passages les plus denses de sonner précis et détaillés. Le single choisi pour illustrer la démarche, « A Clockwork Expectation » (et proposé en fin d’album en version radio edit) lâche l’une des pièces du puzzle, sans révéler le motif global. On ressent ces percussions d’intro comme des appels tribaux à nos racines, on accepte ces riffs aussi saccadés que mélodiques, toujours en contretemps, mais clairs pour qui a l’oreille rompue à l’exercice. On savoure ces mélodies à la CYNIC qui offrent une perspective cosmique à la théorie de l’afterlife, mais on retrouve évidemment la patte d’ALKALOID, le tout dans un refus des conventions binaires qui n’est pas sans rappeler l’anti-Rock de MAGMA.

Témoignage de la soif des musiciens d’aller toujours plus loin sans perdre leur but immédiat de vue, ce nouvel album fait la part belle aux contrastes et aux oppositions, et pas seulement dans la voix de Vince Wilquin. Les parties de guitares, parfois subtiles, de temps à autres sombres et menaçantes nous offrent un panel d’émotions qu’on ouvre en éventail comme le nuancier d’une vie et de sa confrontation à l’inéluctable fin qui nous attend : joie teintée d’inquiétude, peur nuancée d’espoir. « Falls of the Earth » résume parfaitement cette opposition permanente entre croyance d’un ailleurs et lucidité d’une fin brutale, même si d’autres segments illustrent eux aussi le combat opposant les deux écoles de pensée à leur manière. Brutalement et viscéralement pour « Withering Snowdrops », longuement et progressivement pour le superbe final « Godless Machinists ».

On pense parfois à une fusion entre l’OPETH des débuts et son alter ego contemporain, le tout supervisé par THE ARCHITECTS, mais l’équilibre entre les parties, la multiplicité des climats, et cet enregistrement at home qui flirte avec la perfection (seules les parties de batterie ont été frappées au Boundless Production Studio, le studio pro du groupe) font que ce troisième album est une nouvelle étape franchie avec brio par le groupe, qui parvient à se renouveler sans se trahir ni travestir la paraphrase.

Brillant, dense, riche, coloré, nuancé, contrasté, The Impassable Horizon nous propose de réfléchir à notre propre condition, en bombardant nos sens de thèmes musicaux variés. Et en écoutant cet album, on se rend compte que l’impartialité le domine, puisque les réponses aux questions posées restent multiples et différentes. Et qu’il y ait un ailleurs ou pas, que notre âme survive ou pas, le présent est encore assez fascinant entre les mains de FRACTAL UNIVERSE pour qu’on élude la question.

   

                                                                                                                                                                                                    

Titres de l’album:

01. Autopoiesis

02. A Clockwork Expectation

03. Interfering Spherical Scenes

04. Symmetrical Masquerade

05. Falls of the Earth

06. Withering Snowdrops

07. Black Sails of Melancholia

08. A Cosmological Arch

09. Epitaph

10. Godless Machinists

11. Flashes of Potentialities (Acoustic)

12. A Clockwork Expectation (Radio Edit)


Site officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 10/07/2021 à 18:27
88 %    974

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20

Humungus

Ouhlala miam miam !!! !!!! !!!

19/04/2024, 10:35

Tourista

Désolé, c'est bien SODOM et non....   Putain de correcteur !  

19/04/2024, 07:52

Tourista

On s'en cogne.   Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)

19/04/2024, 07:52

Arioch91

J'aime bien ! Ajouté à ma shopping list.

18/04/2024, 19:48

Saul D

" Marianne" c'est pour miss Schiappa? ok je sors :-)

18/04/2024, 17:12

Gargan

Y'a du riff polonais.

17/04/2024, 08:12

grinder92

Pas de groupes irlandais alors ! 

16/04/2024, 11:24