D’emblée, un groupe de Saint-Pétersbourg qui choisit de s’aligner sur un Death Grind empreint d’influences extraterrestres comme le Slamminggutturalbrutaldeathcore ou l’Electro-house à tout pour me plaire, en admettant que l’humour de situation ne dissimule pas une pauvreté de ton. On le sait pertinemment, la gaudriole est souvent le paravent idéal cachant un manque d’inspiration, mais lorsque la cocasserie se décuple d’un potentiel musical certain, l’épiphanie n’est jamais très loin…Fondé en 2001 en tant que one-man-band, ZOEBEAST est au fil des années et de l’expérience devenu un véritable groupe, mené en trio (ZDRCSD - basse/chant, ENOT - guitare et Proffessor - batterie), qui s’est permis de parsemer son histoire de quelques réalisations notables. On compte donc les petits bouts de pain sur le chemin nous ramenant à leur grotte, disséminés sous la forme de trois démos initiales (Incarnated Dreams en 2003, Full Of Life en 2006 et Unexpected Youth Pathology en 2007), d’un premier longue-durée assez remarqué (Vengeance Z-Squad en 2009), d’un second en 2013 (Gore Dancefloor), et de quelques petits trucs depuis, en format très court, avant de revenir enfin en 2018 version éponyme, histoire de bien affirmer leur identité. Quelle est-elle ? Celle d’une assemblée de joyeux drilles qui ne confondent pas pantalonnade échevelée pour crétins décérébrés et biberonnés à la bière bon marché et boutade bruitiste qui avance les arguments de son mauvais goût. Car ici, le mauvais goût du bon goût est un concept élevé au rang de dogme inaltérable, et Zoebeast de nous prouver qu’en fédération de Russie, on sait aussi bien rigoler que picoler, et manier son instrument autrement que pour aller pisser.
Se revendiquant d’influences aussi homogènes que disparates (NAPALM DEATH, BIRDFLESH, S.O.B.), les trois bargeots font donc un barouf d’enfer, mais n’oublient pas le second degré au passage. Celui-ci s’articule autour d’intermèdes assez plaisants, Punk la plupart du temps, mais aussi joyeusement WTF (« Station », et son intro digne de Teletubbies surgonflés au soda et aux programmes débiles), parfois subtilement rock n’roll (« Incredible Chilean Adventure », qui démontre que les trois oiseaux savent aussi se débrouiller une fois le courant branché), ou Heavy Gore dans la grande tradition du genre (« Disco At The Village », final qui laisse la bouche ouverte et qui évoque avec parcimonie furieuse les IWRESTLEDABEARONCE ou nos CinC nationaux), mais aussi d’un corps de travail articulé autour d’un Death paillard, gentiment Grind par moment, mais se reposant la plupart du temps sur des attaques de riffs en masse propulsés par une basse qui jamais ne trépasse. De la gravité donc dans la légèreté, et une façon de concevoir l’extrême par le bout le plus fun de la lorgnette. Ici, on est Gore parce qu’on adore, on fout le bordel comme on sort les poubelles, mais on joue, et on ne se contente pas de substituer aux chansons de vagues pochades pour allumés un peu bourrés. D’ailleurs, quand la machine se met en route, elle broie tout sur son passage, mais donne quand même méchamment envie de danser et de headbanguer, en lâchant des thèmes faciles à mémoriser, qui se transforment évidemment souvent en délire organisé (« Ordinary Issue », son lick gluant comme un chewing-gum entre les dents, et son chant dédoublé gentiment porcin mais pas méchant).
Pas forcément indispensable dans le fond, mais délirant dans la forme, suffisamment pour sourire en grimaçant, et pour tout détruire en s’amusant. La référence des BIRDFLESH est sans doute la plus pertinente, même si les amis russes se servent de leur propre scène pour avancer. C’est souvent redondant, parfois répétitif, mais toujours séduisant, comme un comique de répétition qui tire plus sur la blague cradingue que sur le boulevard et l’amant mort dans le placard. Et comme en plus, les morceaux sont assez courts pour ne pas devenir lourds, on se prend au jeu, et on attend le prochain gag entre deux riffs vicieux (« Last Package ») et deux clins d’œil libidineux (« Captain Tutune »). Les allusions sont parfois finaudes, et les français que nous sommes peuvent se sentir concernés par quelques réminiscences de leur passé (« Jaques Chirac Ugaren on Musique »), tout en moshant comme des damnés sur des passages violemment accrocheurs et exposés (« Andreika », sorte de Crossover entre le Folklore local et le Crust/Thrash global). Inutile donc de sortir les balalaïkas pour tenter de séduire les babouchkas, ici, on galope, on dérate et on cavale comme une antilope (« Electric »), sans s’appesantir sur une romance quelconque qui ne procurera de toute façon aucun plaisir. C’est méchant sans être vraiment bête, mais c’est assez stupid n’Death pour sniffer les fonds de pantalon, tout en gardant parfois prise avec la réalité exigeante d’un extrême qui réclame quand même sa dime de dépendance (« Harvesters Of Souls », le plus long du lot, qui cumule assez d’idées pour qu’on respecte ces idiots). En gros, une jolie leçon de Death n’Grind léger mais séduisant, grossier mais avenant, malpoli mais attendrissant, pour une cure d’exotisme brûlant venant d’un pays au climat glaçant. Rigolo et futile, et donc indispensable et volubile.
Titres de l’album:
1. Ordinary Issue
2. Spice
3. Incredible Chilean Adventure
4. Last Package
5. Captain Tutune
6. A Ghost
7. Station
8. Andreika
9. Electric
10. Harvesters of Souls
11. Dr. Foodfuck
12. Jaques Chirac Ugaren on Musique
13. Rubbing Corpse I Feel No Fear
14. Disco at the Village
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