Killing For Culture - Tome 2

David Kerekes/David Slater

Camion Noir

Dans ce deuxième tome, augmentation conséquente de la version d’origine de Killing For Culture, les deux auteurs poursuivent leur travail d’investigation, et abandonnent peu ou prou les prémices du snuff pour s’intéresser de près à ses manifestations/déviations les plus contemporaines. C’est ainsi que l’ouvrage bascule de la pellicule granuleuse au digital pixélisé, pour nous raconter des histoires bien plus effrayantes et surtout…réelles. Là où le Tome 1 se concentrait surtout sur la transposition de la mort sur film, avec pour base de travail l’énorme scandale suscité par le navet intersidéral Snuff, cette seconde partie abandonne le ton distancié et l’humour à froid généré par les canulars publicitaires et les rumeurs promotionnelles, pour adopter une plume beaucoup plus lucide et tragique. Beaucoup moins conséquent que son aîné, Killing For Culture - Tome 2 n’en est pas moins aussi dense et fouillé, présentant les mêmes défauts que son grand frère. Une abondance d’informations, pas toujours faciles à assimiler, et présentées dans un ordre certes logique, mais qui peut parfois paraître aléatoire. Ainsi, les auteurs n’hésitent pas à revenir dans le giron d’Alan Shackleton pour expliquer les tenants et aboutissant de la propagande morbide moderne, ce qui pourra encore sembler redondant au lecteur.

Mais cette fois-ci, le lecteur passera des rumeurs et bruits de couloirs aux faits, et pas les plus agréables. Le point fort et choc de ce second volume est évidemment les « vrais snuffs », tels qu’on peut les voir sur Internet depuis des années, entre la propagande de l’Etat Islamique et les exactions d’individus peu recommandables tel que Luka Rocco Magnotta. Les maniaques et accros aux forums/sites explicites seront donc ravis de retrouver traces de leurs héros les plus chers, et de se replonger dans les affres d’affaires tragiques comme les exécutions d’otages européens et américains, et les témoignages filmés de psychopathes aspirant à une célébrité facile et macabre. Toujours aussi bien documenté, Killing For Culture transpose la fameuse réplique finale de Snuff à sa littérature. Alors que le pseudo réalisateur de Snuff s’inquiétait lors d’un fade-out de s’avoir si son caméraman avait tout filmé, les deux auteurs décrivent tout, n’oublient aucun détail, et nous plongent dans l’horreur de notre époque moderne d’un voyeurisme consumériste, avide d’atrocités en tout genre, satisfaisant ainsi l’appétit d’abomination des lecteurs les plus sadiques des pupilles.


La thématique du livre permettant tous les excès - se justifiant d’une volonté d’aller jusqu’au bout du mythe - la lecture s’en trouve parfois difficile, tant les évènements et tortures les plus concrets étant documentés jusqu’à l’overdose. Ainsi, aucune étape de l’immonde 1 Lunatic 1 Ice Pick ne vous échappera, ni la folie des tueurs sinistres de Dnepropetrovsk. On peut légitimement se poser la question de cette accumulation de détails sordides, qui donneront évidemment envie à certains de pousser leurs recherches sur la toile (pour peu qu’ils aient échappé à cette folie en temps réel), et les esprits les plus prudes pointeront du doigt les deux auteurs pour une incitation plus ou moins directe à la débauche. Mais ne soyons pas dupes, la lecture d’un tel ouvrage est réservée à un lectorat avisé, qui connaît déjà la problématique pour l’avoir abordée en amont. Il est alors inutile d’accuser les auteurs d’indécence, puisqu’ils ne font que répondre à un besoin, celui de savoir la vérité, de la même façon que la chaîne Youtube Seeking Truth démontait les mythes urbains en abordant les sujets les plus sensibles de front. On peut d’ailleurs s’étonner de ne pas retrouver dans l’ouvrage des histoires aussi effrayantes que celle de Peter Scully et son mythique Daisy's Destruction’s, ou la thématique absconse des Red Rooms qui hante le Darknet depuis des années. Mais si l’exhaustivité est ici sans doute une raison de choix subjectif, vous trouverez de quoi satisfaire vos instincts les plus sombres en parcourant les quatre-cent-soixante-six pages de l’ouvrage.

 Le style est une fois encore très informatif, mais sans cette distanciation ironique qui caractérisait le premier tome. Il faut évidemment replacer les choses dans leur contexte, puisque le premier tome ne se concentrait que sur les Mondo, les films déviants mais bien fictionnels, tandis que ce tome deux se focalise sur des évènements bien tangibles que les médias ont relayés à grand renfort d’avertissements hypocrites. Il devient donc évident que David Kerekes et David Slater ne pouvaient employer le même style au risque de paraître aussi déplacés que les utilisateurs de BestGore commentant leurs vidéos favorites. Et si le premier volet était souvent léger et amusant, tel n’est pas le cas ici.

Mais que peut-il y avoir de drôle à regarder la vidéo d’un psychopathe en manque de reconnaissance virtuelle massacrer le corps déjà mort d’un pauvre innocent à coups de pic à glace et de couteaux, de voir trois adolescents torturer et assassiner un pauvre passant au cutter, ou des fanatiques religieux décapiter des otages pour imposer leur doctrine au monde entier via les réseaux Internet ? Toutefois, ne vous inquiétez pas, tout l’ouvrage n’est pas consacré à ces horreurs que les plus téméraires ont vues à l’époque sur le Net, et une large partie est aussi consacrée aux prémices de cette époque numérique. Vous prendrez ainsi connaissance des premières affaires de suicide online, à la télévision, d’hommes politiques (R. Budd Dwyer, accusé de fraude) et de la journaliste Christine Chubbuck. Ces vidéos, en version intégrales ou tronquées ont refait surface lorsque Internet est devenu une arme de diffusion massive, mais aussi tragiques soient-elles, elles n’en restent pas moins « acceptables », puisque accidentelles. D’autres faits divers plus fâcheux vous attendent au détour des pages, avec le traitement des « couples tueurs », dont Paul Bernardo et Karla Homolka, ou Fred et Rosemary West, dont les biographies macabres ont été abondement documentées dans des ouvrages ou des documentaires filmés. Le livre en profite aussi pour démonter au cric les scandales de « massacres satanistes », crainte en vogue dans les années 80 et propagée par des groupuscules religieux et politiques aux motivations douteuses.

Comme vous le constatez, Killing For Culture - Tome 2 ne fait pas dans la dentelle, et va jusqu’au bout des choses, explorant toutes les pistes en se basant sur le sens initial du terme snuff, tel qu’il fut popularisé dans les années 70. Si de nombreuses vidéos depuis cette époque ont graphiquement illustré la mort volontaire en vidéo, aucun n’a réellement été tourné à des fins artistiques ou mercantiles, et tous les exemples cités ne servent qu’à élaborer la théorie suivante : si le snuff est autre chose qu’un mythe, et que de telles horreurs existent vraiment et sont commercialisés, alors personne n’en a encore apporté la preuve, malgré des réseaux démantelés/affaires résolues (dont le réseau pédopornographique russe qui fit les choux gras de la BBC, et l’implication de Jimmy Saville dans de nombreux viols d’enfants d’orphelinats anglais). Je ne détaillerai pas ici le contenu exhaustif de ce second tome vous laissant au plaisir de sa découverte. Etant moi-même fasciné par le sujet, je n’aurai qu’un seul conseil à vous donner : pour avoir vu toutes les vidéos abordées dans ce volume, je vous conjure de ne pas en faire de même. Leur vision laisse des traces indélébiles dans la mémoire, ainsi que des séquelles assez problématiques. Non que je sois un déséquilibré, mais comme tout être humain, j’ai voulu à un instant T repousser mes limites et observer l’inobservable, comme on ralentit pour regarder un accident de la route.

La question restant en suspens après la lecture de ces deux tomes reste toutefois la même qu’avant leur prise de connaissance : le snuff existe-t-il ? Si l’on en croit les auteurs, et les preuves (non) apportées, la réponse est négative. Personne n’est à ce jour capable de présenter une vidéo dans laquelle une victime est abusée et assassinée, tournée à des fins mercantiles, et vendue dans des réseaux souterrains. De ce pont de vue factuel, on peut donc résolument affirmer que le snuff tel que les autorités et le FBI le définissent n’existe pas. Mais dans un monde où n’importe quel quidam s’arroge le droit de tuer pour un regard de travers, une somme dérisoire, ou juste pour le plaisir, qui peut encore croire que ce genre de produit susceptible de générer des millions de dollars n’est qu’un fantasme de journaliste en mal de scoop ?     

      

 (Traduit de l’anglais par Angélique Merklen et Maxim Dubreuil)

par mortne2001 le 23/02/2021 à 19:34
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