D’ordinaire, le 25 décembre, on dispose sur la table des mets, de la décoration. Un chapon, une dinde aux marrons, du champagne, du mousseux, des toasts aux œufs d’esturgeon, du saumon, du foie gras, des guirlandes, de petites bougies, enfin, des trucs mignons, jolis, et/ou bons. Les polonais de DIRA MORTIS ont une conception très différente des fêtes de la nativité, et plaquent sur la table leur troisième album, Ancient Breath of Forgotten Misanthropy, en guise de non cadeau. Et ne vous attendez pas à les voir débarquer déguisés en Père Noël, ça n’est pas leur genre. Non, ils débarquent chez vous l’air patibulaire, la mine renfrognée, le regard perçant, sûrs de leur mauvais coup, mais ils peuvent avoir la morgue de leur défiance envers les conventions, puisque leur nouvel album est un concentré de haine pure, diluée dans une humeur plus morbide que les pensées solitaire de Dead dix minutes avant de se tirer une balle dans le cigare. Et ils assument leurs positions, puisque le nom de DIRA MORTIS est l’un des plus respectés de l’underground polonais, cet underground qui se repaît de sonorités froides et de violence instrumentale implacable.
Fondé en 1998 à Gorlice, le quatuor ne compte plus aujourd’hui dans ses rangs qu’un seul des membres fondateurs, le guitariste Leszek Makowiecki qui mène sa barque d’un manche de fer. A ses côtés, on retrouve les deux fidèles Mścisław, bassiste de 2009 à 2017, puis passé à la seconde guitare, et Vizun, vissé à sa batterie depuis onze ans, mais ce troisième album permet la présentation officielle du nouveau grogneur en chef Kuba Brewczyński, qui s’est emparé du micro en 2020. C’est donc une formation légèrement remaniée qui nous en revient cinq ans après Psalms of Morbid Existence, qui avait laissé planer un silence de mort après son explosion. Pourtant, ces cinq années d’absence n’ont pas entraîné un grand changement pour les polonais, qui se vautrent toujours dans une fange Death Metal des plus formelles de saloperies en tous genres, et ces sept nouvelles pistes sont autant d’hymnes à la bestialité classique en vogue dans les années 90, ne faisant absolument rien pour révolutionner les techniques d’embaumement.
Enregistré, mixé et masterisé aux Roslyn Studios avec le producteur Krzysztof Godycki (KULT MOGIL, MORDA STIGMATA, STILLBORN, ULCER), enrobé dans un artwork signé Bartłomiej Kurzok, et entièrement composé par Leszek Makowiecki & Vizun, Ancient Breath of Forgotten Misanthropy est encore une affaire de Death sourd, violent et direct, qui assume totalement ses anciennes influences. On retrouve donc au générique des crédits d’inspiration les noms d’IMMOLATION, de SUFFOCATION, d’AUTOPSY, d’INCANTATION, soit la substantifique moelle du Death Metal le plus viscéral et brutal de la création, à cent lieues de tout principe d’évolution et de sophistication.
Conservant ses méthodes de présentation, le groupe a cette fois-ci resserré le propos, et entouré d’une intro et d’une outro cinq morceaux plus que conséquents. Toujours très friand de longues digressions macabres et impitoyables, le groupe polonais nous sert donc rigides comme la mort cinq compositions originales qui dépassent allègrement le timing le plus raisonnable des canons de durée ordinaires, avec en exergue un énorme pavé placé directement en seconde position pour bien affirmer les siennes. Et c’est donc « Worshipping The Terror Of Madness » qui nous accueille de ses neuf longues minutes, et qui place directement les débats sous le signe de la continuité dans la tradition. Rythmique évolutive s’adaptant à l’humeur des riffs, chant évidemment d’outre-tombe égrènant ses litanies avec un désespoir grave de rigueur, riffs qui eux se partagent entre l’euphorie américaine et le délire intérieur suédois, vibrato mis à contribution à intervalles réguliers, et alternance entre lourdeur suffocante et ultraviolence sanglante, la recette est classique, mais admirablement bien exploitée par les polonais qui commencent à en connaître tous les secrets.
La production, évidemment parfaite pour le genre met redoutablement bien en relief les idées létales, et permet aux plans les plus rapides de garder une précision salvatrice. Nous évitons ainsi le piège du chaos pur et dur, et la chute dans les abysses du bruit le moins supportable. Il faut dire que le line-up du groupe, constitué de valeurs plus que sûres de la scène (Mścisław et son CV comprenant les noms d’ABUSIVENESS, BIALY VITEZ, DEIVOS, MOON, ULCER, XAOS OBLIVION, BLASPHEMY RITES, PRIPEGAL, PERDITION, BLAZE OF PERDITION, CHRIST AGONY, ECLIPSE, GRAVELAND, et PROFUNDIS, Vizun et ses implication au sein d’ABUSIVENESS, DEIVOS, MOON, STRAIGHT HATE, ULCER, PARRICIDE, BLAZE OF PERDITION, CHRIST AGONY, ECLIPSE, GRAVELAND, SQUASH BOWELS, soit pas mal de jeu en commun pour les deux hommes) est totalement rodé à l’exercice et en connaît les moindres pièges. C’est ainsi que même les plans les plus agressifs gardent cette précision chirurgicale symptomatique de la scène américaine, tandis que les idées les plus pesantes et glauques retrouvent l’essence la plus polluante des premiers efforts d’AUTOPSY. Le mélange est donc méchamment corsé, et le rendu optimal : résultat, malgré la durée des pistes, l’ennui reste tapi dans l’ombre, d’autant que l’album ne dépasse pas les quarante minutes règlementaires.
Les esprits chagrins et les âmes imperméables à la cruauté musicale argueront du côté trop répétitif des compositions qui utilisent les mêmes ficelles, mais les fidèles reconnaîtront à « Twilight Of Divine Purgatory » et « Forward To The Abyss Of Misanthropy » d’indéniables qualités d’agencement et un investissement cruel imparable. Evidemment, difficile, voire impossible de différencier cette sortie des deux précédentes, mais après cinq ans d’absence, le plaisir masochiste de retrouver les DIRA MORTIS en grande forme est intact, et particulièrement jouissif. Alors, Noël ou pas, sourires de façade ou grimaces dans l’arrière-cuisine, on s’en tape, les conventions sont faites pour être contournées, et Ancient Breath of Forgotten Misanthropy permet d’envisager ces figures imposées différemment, et de célébrer la naissance du petit Jésus avec un goût du blasphème irrésistiblement ironique en oreilles.
Titres de l’album:
01. Legions Heading For Eternity
02. Worshipping The Terror Of Madness
03. Sepulchlar Maniac
04. Twilight Of Divine Purgatory?
05. The Falling Majesty Of Abomination
06. Forward To The Abyss Of Misanthropy
07. The Altars Fall
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01
Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)
02/07/2025, 15:38
@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.
02/07/2025, 12:25
@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)
02/07/2025, 08:50
Pas trop mal dans l'idée.Vocalement on s'y tromperait aussi.A voir sur tout l'album, le précédent, mis à part l'opener, m'avait bien déçu
01/07/2025, 15:38
ça tartine ! bien cool cool cette grosse basse @niquetoncul oui ça doit te changer de Jinjer
01/07/2025, 14:19