Black Metal progressif, Post Black, France, autant d’indices qui me suffisent largement pour m’intéresser au cas des toulousains d’OROB. En totale autoproduction, ce quatuor sort donc son premier longue-durée, qui ne nous lèse ni sur la quantité, ni sur la qualité. Il faut dire que le rendez-vous était attendu de pied ferme depuis longtemps, puisque les deux premiers et brefs chapitres de cette passionnante saga accusent aujourd’hui huit (Into the Room of Perpetual Echoes) et neuf (Departure) ans d’âge, et surtout, qu’ils laissaient entrevoir un potentiel gigantesque qui ne demandait qu’à être exploité à plein régime. Et c’est chose faite avec ce monstrueux (dans tous les sens du terme) Aube Noir, qui laisse un soleil sombre éclairer faiblement une nouvelle aube, d’un jour nouveau pour une humanité à l’agonie qui a bien besoin d’une bande-son pour illustrer son effroi.
Pierre-Henry Boivert (basse), Thomas Garcia (guitare/chant), Andrea Tanzi-Albi (guitare/chœurs), et Yoan Tameriout (batterie) se sont donc donné les moyens de leurs ambitions pour emballer dans un superbe artwork ce premier album de proportions assez importantes. En flirtant avec l’heure de jeu, le collectif a pris d’énormes risques, d’autant que nombre de leurs compositions accusent un timing plus qu’étiré. Mais croyez-moi ou non, chaque idée est pertinente, chaque développement a sa place, et chaque intervention se justifie d’une créativité bluffante, et d’oppositions patentes.
A la manière de cette génération 2K repoussant sans cesse les limites et floutant de plus en plus les frontières entre les genres, OROB s’amuse des puristes, et joue les mouches du coche, plaçant les pièces du puzzle ave une logique imparable, pour se réclamer d’un mouvement impressionniste qui touche la corde sensible, et qui joue sur les contradictions dans les émotions. Si les titres reposent tous sur des structures rythmiques fortes et imposées, les trames mélodiques et les soudaines montées en puissance se succèdent avec une régularité métronomique, sans sacrifier à l’opération séduction indispensable pour ce genre d’œuvre. C’est ainsi que des riffs incroyablement catchy se greffent sur des évolutions sombres, créant un décalage fascinant, à l’image de ce terrible « Breaking of the Bonds », aussi entêtant qu’une rengaine Heavy, et pourtant noir comme une nuit sans lune…
Le niveau technique des musiciens est évidemment palpable, mais rarement mis en avant. L’osmose et la cohésion sont privilégiées, ce qu’on remarque dès le titre d’ouverture « Spektraal ». A la manière d’un OPETH ancien des grandes années ou d’un VIRUS soudainement moins obsédé par les dissonances, OROB use des contrastes et des tonalités pour créer un canevas en toile d’araignée ne laissant aucune chance à ses proies, privilégiant la fausse lancinance pour soudainement nous fondre dessus à la vitesse de blasts sortis de nulle part.
La créature à quatre têtes et huit pattes a donc bien rodé sa stratégie mortelle, et l’a enrobé dans une superbe production claire et ample, aux guitares larges et âpres, et aux graves profonds. Il n’est d’ailleurs pas interdit parfois d’entrevoir quelques capacités à la SAMAEL, bien que les deux groupes divergent dans la mise en place. Mais avec un chanteur très capable qui joue lui aussi entre les cris et les volutes mélodiques, et un batteur à l’assise incroyable et aux fills toujours placés, l’ambiance est certes mystique, opaque, mais en même temps claire et attirante, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.
L’optique progressive prend donc largement le pas sur le côté avant-gardiste, presque absent de cette réalisation. Par miracle serais-je tenté de dire, tant le groupe joue constamment sur le fil, mais gardant un lien ténu avec le réalisme musical, qu’il soit de biais et vénéneux comme « Betula », ou Ambient en transition comme ce grondant « Noir ».
Ce qui est assez incroyable sur Aube Noir, c’est cette absence d’acmé, comme si les morceaux ne servaient que le propos d’une longue litanie plus importante que ses psaumes. Et si les plus pointilleux argueront d’une certaine redondance dans les thèmes, les plus objectifs reconnaîtront que la création d’un morceau comme « Aube » n’est pas donnée à tout le monde. Utilisant les codes du Tanz Metal si cher à nos amis allemands, les toulousains défient les petites cases pour s’offrir de grands espaces de réflexion, et nous proposent la leur sur une existence certes pitoyable, mais aventure incroyable à vivre pour qui en accepte les aspects positifs et négatifs.
On danse, on rêve, on s’évade, on observe le cosmos à la recherche de réponses, avant qu’une guitare carillonnante ne nous expulse de notre condition d’être humain pour rejoindre les âmes des étoiles. Et l’écrasant « Ethereal » de dessiner une nouvelle carte céleste, plaçant les planètes comme bon lui semble, pour défier les trous noirs et autres passages vers des multivers étranges. On appréciera particulièrement ce chant de conteur qui n’hésite pas à tendre vers l’expressionnisme, mais aussi cette dualité de guitares discordantes, soudainement fiancées dans un unisson mélodique presque romantique de noirceur.
Et alors que le chemin était déjà long pur parvenir à la dernière étape, nos guides nous réservent une dernière marche épuisante, et imposent « The Great Fall », chute vertigineuse dans l’abime du Post Black, avec effets sonores, tourbillon de guitare, basse en vol de chauve-souris, cassures et reprises gothiques en grandiloquence, et cette violence toujours en filigrane qui perce le papier à intervalles réguliers, laissant des tâches dignes du fameux test de Rorschach.
Pour un premier album autoproduit, Aube Noir tient du petit miracle. Mais avec onze ans de métier, et des possibilités infinies, il n’est pas surprenant qu’OROB ait frappé un premier grand coup. Un coup qui laissera des traces dans la mémoire, mais qui d’un autre côté obligera le groupe à se surpasser pour la suite des évènements.
Titres de l’album:
01. Spektraal
02. Astral
03. Breaking of the Bonds
04. Betula
05. The Wanderer
06. Noir
07. Aube
08. Ethereal
09. The Great Fall
daube noire
Voyage au centre de la scène : VOORHEES / POST-MORTEM / double chronique.
Jus de cadavre 05/06/2022
"J'aime beaucoup la configuration du Trabendo, la scène en contre-bas permet de voir ce qu'il s'y passe où que l'on soit dans la salle" Je pense tout le contraire, où que l'on soit dans la salle on voit rien du tout je(...)
04/07/2022, 17:20
Je n'ose imaginer le boulot passé à rédiger une telle rétrospective !Respect total et merci beaucoup !
03/07/2022, 19:41
Merci pour cette très belle bafouille ! J'adore N.D. depuis ses débuts, mais je suis surtout un fan des premières années, et pour moi, la première fracture intervient lorsque Lee quitte le navire - je ne suis pas très fan de la voix de Ba(...)
03/07/2022, 18:38
Vraiment très sympa cette rétrospective d'un groupe qui le mérite largement et bravo pour le travail ! Perso j'ai découvert Napalm ave l'EP " Mass Appeal Madness", d&apos(...)
03/07/2022, 14:07
Seigneur, quel travail ! J'écoute Napalm depuis plus d'un quart de siècle, c'est l'un des deux ou trois groupes de niveau professionnel que j'ai vu le plus. Mais jamais je n'aurais osé me lancer dans un exposé pareil. Rien que pour ç(...)
03/07/2022, 12:06
Putain !!!!!!! Alors moi j'adore Utopia Banished, c'est l'album qui m'a fait découvrir NAPALM DEATH c'est certainement pour cela, c'est aussi pour ça que j'ai pas de suite compris ce qu'était Scum lorsque j'ai voulu remonter les al(...)
03/07/2022, 10:06
Superbe travail !! Moi aussi, je suis un fan ultime de NAPALM DEATH. Je suis leur carrière de près depuis que j'ai découvert le groupe à la sortie de FROM ENSLAVEMENT... et n'ai jamais décroché malgré leurs prises de risques ou changement(...)
03/07/2022, 07:22
Ouais pareil , la production est générique a mort, bon c'est quasiment tout les groupes comme ça , mais entre la guitare avec ce son de gratte en mode pédale brancher sur une table de mix et la batterie avec la caisse claire ultra numérique...mais bon ce gr(...)
02/07/2022, 14:45
Je trouve les idées "zombie truc" affreusement rincées mais le morceau est effectivement très bon et appétissant.
01/07/2022, 09:48
Commande faite, je ne sais pas si notre cher Mortne2001 connait ça... C'est le Thrash que j'aime !
01/07/2022, 09:08
Hé oui c'est vrai ! Mais bon c'est la force du Hellfest : son affiche de malade qui à chaque fois te fait dire "aller j'y retourne !"
30/06/2022, 22:53
Hé, JdC, je croyais que tu ne voulais plus retourner au Hellfest, ha ha !! Le covid a changé bien des choses. Nous avons tous très faim.Je ne suis pas étonné, autrement, de l'excellente impression laissée par Agressor, ça m'a fait (...)
30/06/2022, 14:55
Totalement d'accord avec toi Jus de cadavre, c'est du tout bon avec cet esprit simple et efficace que j'aime beaucoup dans ce groupe.
30/06/2022, 14:43
Cette prod encore ! Un petit côté Thrash de bâtard ce titre, avec un son de tronçonneuse. Le pied.Super nouvelle en tout cas, ça sent un top de fin d'année cet album...
30/06/2022, 11:43
Merci beaucoup pour le repartage, je mets le lien d'écoute sur toutes les plateformes digitales :
30/06/2022, 09:11