Badlands

The End A.d.

29/11/2019

Fastball Music

Aujourd’hui c’est dimanche, jour du seigneur, mais aussi jour de détente. La semaine s’est achevée sur la cérémonie grotesque du Black Friday, célébration de masse qui permet à la populace de se gaver d’écrans plats, de tablettes et autres objets dont elle n’a aucune utilité, mais qui deviennent indispensables lorsqu’ils sont bradés. Je ne sais pas d’où vient cette fascination européenne pour tous les pires travers américains, mais il semblerait que nous adorions transposer chez nous leurs pires manies consuméristes. Heureusement, nous aimons aussi importer d’autres valeurs US plus sures et viables, musicalement parlant…Et comme c’est dimanche, jour de détente, j’aurais aimé vous entretenir des philadelphiens de THE END A.D. Pourquoi eux spécialement et pas d’autres, et pourquoi répéter comme un mantra que nous sommes dimanche, jour de détente ? Justement parce que ces originaires de Philadelphie ont quelque chose qui nous ramène aux plus grandes heures du compromis Thrash/Punk, telles que les a connu DETENTE. Les similitudes entre les deux groupes sont frappantes, même si ce quatuor penche plus du côté Metal où il risque de sombrer. Le parallèle n’est pas inintéressant pour autant, sans que Badlands ne soit qu’une banale copie carbone du légendaire Recognize No Authority, puisque la voix d’Ami Friend à de sérieuses ressemblances avec le timbre rauque de la regrettée Dawn Crosby, qui hurlait comme personne sur le séminal « Losers ». Plus posée et construite, la musique des THE END A.D. n’en a pas moins cette patine rageuse et cette analogie avec le Crossover des mid eighties, sans verser dans la nostalgie puisque leur approche est résolument contemporaine, mais pas moins rageuse pour autant. Formé en 2014, ce collectif en quadrilatère humain (Ami Friend – chant, Lorin Savadove - batterie, Paul Juestric - guitare, Steve Rodgers – basse) a déjà proposé à ses fans éventuels quelques formats, avant qu’Ami ne les rejoigne en 2017. Depuis, un split partagé avec les bougresses de TORMENTRESS, mais surtout ce nouvel album, d’une haute teneur en énergie, qui comble le manque d’originalité flagrant.

Manque d’originalité, mais le constat n’est pas sans appel. On trouve en effet dans les morceaux de Badlands un délicieux petit parfum « d’autre chose », quelque chose comme du Metal traité Punk, une sincérité qui transpire des riffs, et une authenticité dans la révérence qui nous épargne les éternels atermoiements vintage qui nous les brisent parfois. Je parlais de DETENTE plus en amont, mais le groupe a ses propres références, qu’il cite à loisir, MOTORHEAD, PLASMATICS, VENOM, CRO-MAGS, AGNOSTIC FRONT, JUDGE, YOUTH OF TODAY, MINISTRY, ou KILLING JOKE, la scène NYHC, ainsi que le vieux Metal allemand, ce qui confère à leur optique une atmosphère assez spéciale. On a parfois le sentiment d’écouter un groupe estampillé eighties essayant de se maintenir à flots artistiques dans le nouveau siècle, et y parvenant partiellement. Certes, les riffs sont plutôt convenus et très Hardcore, la rythmique, plutôt monolithique sait parfois faire preuve d’inventivité (notamment sur l’intro ludique de « I Feel Like Death », l’un des titres les plus entraînants de l’ensemble), mais cette normalité de surface est sublimée et transcendée par le chant totalement investi et démoniaque d’Amy, qui donne de sa personne et qui n’hésite jamais à lâcher deux ou trois cris stridents pour faire avancer la machine. Admettons-le, lorsque la bande son se contente d’un Crossover réchauffé, la vocaliste damnée parvient toujours à trouver le raclage de gorge nous évitant l’ennui, sans pour autant passer son temps à hurler sur tous les toits Thrash. Thrash, le mot est lâché, car les THE END A.D le sont assurément, mais pas seulement, sans non plus se la jouer trop Hardcore. Il est d’ailleurs assez difficile de situer les philadelphiens sur la carte de l’extrême, leur musique s’ingéniant à jouer les mouches du coche entre les tendances, marchant toujours sur la corde sans vraiment poser les deux pieds d’un côté bien défini. Cette ambivalence est tangible dès le « Addiction » d’ouverture, l’un des titres les plus directs au demeurant, mais qui n’hésite pas à gonfler une attitude Hardcore d’un riff purement Metal que les ENGLISH DOGS n’auraient pas renié. Metal et Hardcore, vous me direz Crossover par logique et vous aurez partiellement raison, mais je ne peux m’empêcher de voir en ce groupe un peu plus qu’un simple exercice de style et plutôt une machine de combat intelligente et plus racée qu’il n’y parait. Et ce, malgré des soli assez sommaires, des démonstrations techniques laissées au placard, et un ton rudimentaire et clairement sauvage. Mais l’atmosphère générale, le décalage entre les parties instrumentales et le chant, ainsi que certains parti-pris moins évident font de cet album une curiosité qu’il convient d’apprécier.

Partagés entre un désir d’efficacité écrasante et des prétentions plus ambitieuses, le groupe oppose donc des titres lapidaires et immédiats à des digressions plus construites, presque progressives, aux ambiances prenantes et sombres. C’est ainsi que vous allez encaisser de grosses beignes comme « Why Don’t You Die », au questionnement très légitime et au refrain en leitmotiv, et des allusions moins directes et plus sinueuses comme « Tundra », alambiquant des mélodies vénéneuses sur un schéma beaucoup plus complexe et de biais. C’est cette dualité qui achève de transformer ce groupe en représentant majeur d’une mouvance un peu oubliée, et qui leur permet d’échapper à l’anecdote pure et simple de bas de page. Efficaces lorsqu’il s’agit de frapper fort, suffisamment intelligents lorsque le propos devient plus soutenu, les américains nous délivrent donc un message ambigu. Encore plus quand ils terminent leur entreprise de démolition par une longue suite de plus de six minutes, payant son tribut au SLAYER le plus glauque pour mieux imposer leur propre point de vue. Bons musiciens et concis, les quatre membres de THE END A.D souhaitent donc ardemment s’éloigner de la mode old-school tout en en adoptant certains dogmes, et tentent des choses moins évidentes, tout en s’en remettant parfois à l’instantanéité d’un riff ultra redondant digne du PANTERA de la grande époque (« Bitch Magnet »). Tout n’est évidemment pas parfait, mais on s’en approche, et on remarque des morceaux vraiment futés, comme ce tendancieux « Enemy Action » qui permet à Amy de faire montre de tout son talent vocal. Des structures mouvantes mais qui gardent prise avec la puissance, un vrai désir d’aller chercher plus loin que l’évidence son inspiration, et un constat général qui sans dégager un consensus, rassemble les fans d’une musique un peu moins évidente que la moyenne.

On regrettera peut-être l’absence d’un titre vraiment dingue au tempo hystérique, mais avec moins de quarante minutes au compteur, Badlands ne lasse jamais, même lorsqu’il accepte certaines figures imposées (« Alien Face » classique, mais sérieux exutoire). Finalement, ce dimanche n’aura pas forcément été placé sous le signe de la détente. Mais ça fait du bien de s’énerver parfois.  

               

Titres de l'album :

                         01. Addiction

                         02. Why Won't You Die

                         03. Be Here Now

                         04. Junkie Logic

                         05. Bitch Magnet

                         06. Enemy Action

                         07. I Feel Like Death

                         08. Tundra

                         09. Alien Face

                         10. I Wanna Be Alone

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par mortne2001 le 27/11/2020 à 17:41
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