En tant que musicien, je suis toujours impressionné par le talent de certains de mes contemporains, capables d’accoucher d’œuvres admirables sans avoir besoin d’une armada de gimmicks ou de studios couteux. Ainsi, en écoutant le second LP des canadiens de JUPITER HOLLOW, je ne peux qu’être admiratif de la somme de travail accompli, en réalisant que cette musique sublime n’a été couchée sur bande que par deux hommes. C’est en effet Grant MacKenzie (guitare/basse/synthés) et Kenny Parry (chant/batterie/synthés/piano) qu’on retrouve une fois encore derrière la réalisation de cette ode poétique qu’est Bereavement, seconde réalisation longue durée en quelques années, après avoir enregistré un premier EP intitulé Odyssey. Et c’est encore une fois sous la forme d’un concept que s’articule ce nouveau chapitre, qui comme son aîné développe une histoire de science-fiction traitée comme une épopée musicale. Ici, c’est l’histoire d’un homme aux pouvoirs incroyables qui envoie les membres de sa famille et de son environnement direct sur une planète habitable hors de notre système solaire, pour sauver ce qui reste de l’humanité. Mais ce combat résultera en une instabilité mentale, et l’homme finira par laisser ce qui reste d’hommes mourir, avant de s’exiler dans un vaisseau pour mettre fin à ses jours. Il s’écrasera finalement sur la planète qui a accueilli les siens, et s’éveillera en prenant conscience de ce fait, et c’est à ce point de l’histoire que l’album commence…Chacun jugera de l’intérêt de ce concept en son âme et conscience, mais même en mettant les aspirations littéraires de côté, Bereavement est un travail largement assez intéressant du point de vue musical pour attirer votre attention. Composé de neuf morceaux de durées variables, il incarne la digne suite d’Ahdomn, prolonge encore plus les pistes musicales, pour au final former un puzzle aux pièces empruntées à tous les styles musicaux, du Progressif des années 70 au Djent des années 2000, en passant par une Pop intemporelle et un Rock universel. Et le talent des deux musiciens est d’avoir assemblé toutes ces références de façon cohérente et passionnante.
On le sait, il n’est rien de plus pénible qu’un Progressif démonstratif et stérile. Tout autant qu’un Progressif trop complexe et inextricable. D’un autre côté, le Progressif vulgarisé ne se montre pas très enrichissant non plus, et il n’est pas incongru de placer les canadiens de JUPITER HOLLOW au juste milieu d’un écart entre capacité et émotion. Conscient qu’il ne faut pas trahir le public attaché au style, ni se mettre à dos ses réfractaires, le duo a élaboré des pistes riches, construites, évolutives évidemment, mais aux motifs mémorisables, et aux performances individuelles et collectives admirables. On a parfois le sentiment d’écouter une union entre MARILLION et PERIPHERY, parfois l’impression s’assister à une ébauche libre de Devin TOWNSEND, et de temps à autres, le vague frisson d’une union entre KARNIVOOL, WASTEFALL et LEPROUS. Pas vraiment avant-gardiste et plutôt fondamentalement musical et Metal, le duo ne refuse toutefois pas la douceur d’harmonies délicates pour introduire son nouvel effort, et « L’Eau du Papineau » et son étrange intitulé de planter le décor en toute quiétude d’arrangements, d’effets sonores, de volutes harmoniques précieuses et précises, nous surprenant de sa douceur. Et alors que l’auditeur le plus aguerri est en droit de s’attendre à une soudaine démonstration de puissance, ce sont les notes pures d’un piano qui prennent le relais sur « Scarden Valley », et qui durent pendant quelques minutes, habilement soutenues par la voix magique de Kenny Parry, jusqu’à ce qu’un break Floydien ne rompe l’équilibre d’un solo fantastique. En quelques minutes à peine, les canadiens démontrent s’il le fallait leur singularité, en refusant de rentrer dans le vif Heavy de débats Metal, et en juxtaposant avec beaucoup d’instinct la puissance et l’émotion. Mais évidemment, « The Rosedale » ne tarde pas à revenir vers des rivages plus amplifiés, et nous rassure de sa syncope rythmique et de sa guitare distordue, mais polie. On pense évidemment au DREAM THEATER des concept-albums les plus connus, mais il y a quelques chose de plus qu’un un simple démarquage dans ce second LP, quelque chose qui nous entraine dans une histoire aux confins des mondes, comme si les deux musiciens avaient trouvé le vocable musical idoine pour illustrer leur scénario.
Doté d’un son parfait pour une autoproduction, Grant et Kenny s’en donnent à cœur joie chacun dans leurs domaines, et les pistes de batterie font montre d’un flair certain pour les contretemps et autres fills équilibristes, tandis que la guitare alterne entre riffs modernes et arpèges traditionnels, le chant osant lui aussi des variations plus qu’intrigantes. S’offrant parfois des pics d’intensité, le groupe joue avec la puissance et la redondance et parvient à deux à atteindre les niveaux frôlés par un quintet, ce qui en dit long sur le calibrage du mixage qui a dû être effectué au biseau. Sans développer d’idées trop complexes ou absconses, les morceaux se montrent évolutifs sur un ou deux thèmes, ce qui permet d’apprécier les mélodies pour ce qu’elles sont. « Kipling Forest » appuie même sur la pédale du volume pour se rapprocher d’un Metalcore souple, avant que le groupe n’accepte les règles du jeu Djent, avant de les briser d’une acoustique plus épurée et d’un plan plus éthéré. Parvenant parfaitement à retranscrire les émotions ressenties par leur héros, les deux instrumentistes trouvent toujours la bonne approche, n’abusent pas des effets de studio, et s’en remettent la plupart du temps à leur propre créativité instrumentale pour suggérer les situations. Ainsi, « The Mill » évoque du Steve Vaï de début de carrière passé au prisme délirant d’un MAGMA synthétique, alors que la coupure magnifique de « Mandating our Perception » ose les couches vocales sur fond de synthé calme. « Sawbreaker » reprend la charge Heavy, sans copier les segments précédents, et c’est encore la voix fantastique de Kenny Parry qui prend aux tripes, et si les riffs adoptent la plénitude Djent, le background ose des choses moins systématiques, et surtout, des soli absolument envoutants.
Comme tout bon album de Progressif qui se respecte, Bereavement se termine sur un épilogue de plus de dix minutes, et « Solar Gift » d’achever le périple en utilisant des percussions ludiques, des arythmies hypnotiques, et en passant par toutes les sensations, des plus fortes au plus subtiles. Alors oui, je suis admiratif du talent incroyable de ces deux musiciens qui permettent au Progressif de continuer à écrire ses lettres de noblesse, sans esbroufe, sans astuces fallacieuses, sans ambitions démesurées. Et sans savoir à priori si Bereavement sera l’album de Progressif de l’année, JUPITER HOLLOW n’en restera pas moins un groupe unique dont tout le monde se souvient une fois connu.
Titres de l’album :
01. L’Eau du Papineau
02. Scarden Valley
03. The Rosedale
04. Kipling Forest
05. The Mill
06. Mandating our Perception
07. Sawbreaker
08. Extensive Knowledge
09. Solar Gift
La dernière du Madman ! Déjà vu en live debout et il chantait moins bien que la !
07/07/2025, 18:34
@LeMoustre :Effectivement... Point de vue totalement respectable que celui de ne pas vouloir payer un prix de dingue pour mirer un show proche du pathétique.Mais perso, face à des légendes comme celles-ci, je mets mon impartialité de côté et (...)
07/07/2025, 17:42
Ozzy sur sa chaise hé ben.Bon l'âge nous aura tous mais bon quand même c'est pas cool de voir ça.Moi ça m'aurait emmerdé.Autant un Anthrax, un Maiden ont toujours la peche après tant d'années (quitte &a(...)
07/07/2025, 13:18
j'ai eu l'occasion de les voir en première partie de Seum mi Juin. vraiment bien prenant !
07/07/2025, 12:48
Je m'attendais vraiment pas à ce qu'Ozzy tiennent 30 min sur chacun de ses shows...Bon, on peut pas dire que c'était "beau" à voir mais si j'avais eu la chance de gauler une place, j'aurai tout de même été bien con(...)
07/07/2025, 07:36
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25
Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..
06/07/2025, 14:20
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01