Les unions contre nature sont souvent celles qui donnent les plus fortes émotions…mais aussi les plus vénéneuses. Récemment, ce sont les maniaques de THOU qui s’étaient unis à Emma Ruth Rundle pour accoucher du sublime May Our Chambers Be Full, démonstration d’esthétique grave et baroque, ayant conquis un public évidemment ouvert au champ des possibles, et pas coincé dans une petite case rassurante. Dans notre beau pays, des exemples peuvent aussi être cités, à l’image de Nicoletta ou Léo Ferré collaborant avec les rockeurs acrobatiques de ZOO, pour produire une musique plus foncièrement Rock ou Blues, avec énormément de succès artistique et une nouvelle audience à la clé. Et même si nous aurions eu du mal à imaginer Sheila chantant des compositions d’ART ZOID ou de MAGMA, avouons que l’union des contraires séduit la plupart du temps, par cet effet de surprise en amont qui pose les bonnes questions : à quoi nous attendre, et le bébé sera-t-il né sain d’esprit et de corps ?
Après THOU et Emma, ce sont donc deux artistes majeurs de deux scènes opposées qui ont choisi de marier leurs influences et leurs contraires, CONVERGE et Chelsea WOLFE. Si au départ, la collaboration pouvait paraître incongrue tant les deux univers des artistes impliqués sont aux antipodes l’un de l’autre, il faut savoir que cette histoire n’est pas née de la première pluie acide. La genèse du projet remonte en effet à cinq longues années. En 2016, CONVERGE s‘offre une parenthèse enchantée, et reprend des morceaux obscurs de son répertoire en compagnie de Chelsea Wolfe, Ben Chisholm, Stephen Brodsky (CAVE IN) et Steve Von Till (NEUROSIS). L’expérience se déroule à merveille, et les américains se prennent à rêver d’un album complet basé sur le même principe, mais offrant cette fois-ci des inédits, écrits en collaboration avec les trois premiers outsiders.
Ainsi, CONVERGE, Chelsea et Ben, et Stephen, s’embarquent dans le concept, et chacun apporte de l’eau au moulin des autres. Et si CONVERGE et Kurt Ballou restent les maîtres d’œuvre, on comprend assez rapidement que Chelsea, Ben et Stephen n’ont pas gardé leur plume dans leur poche. Les accointances entre les auteurs de Jane Doe et CAVE IN ne sont plus à souligner depuis longtemps, les deux groupes évoluant en parallèle et se croisant à intervalles très réguliers. Par contre, l’opposition entre les ténèbres gothiques de Chelsea et les éclairs électriques nerveux des américains rois du Hardcore chaotique avait de quoi aiguiser la curiosité et l’appétit. Les fans de violence brute craignaient évidemment une trop grande place laissée à l’artiste féminine hantée, tandis que les plus friands d’incongruité regrettaient déjà la prépondérance du chaos de CONVERGE. Hors, les deux camps peuvent aller se rhabiller, puisque évidemment, une troisième voie diplomatique s’est dégagée très naturellement.
Celle d’un album unique.
Evidemment, malgré l’ouverture et les concessions, chacun des participants n’a pas forcément pu aller contre sa nature, mais a utilisé cet attachement pour obliger l’autre à se réfugier dans ses derniers retranchements. On s’en rend compte sur les morceaux les plus caractéristiques de CONVERGE, dont ce « Lord of Liars », bref mais déséquilibré et sous tension, à peine modulé par la voix enfantine de Chelsea. Chelsea déclare d’ailleurs avec une candeur touchante :
Le projet m’a forcé à utiliser mes cordes vocales dans de nouvelles limites. C’est tellement différent comme trame que ce sur quoi je chante normalement que je me suis retrouvé dans un état d’ouverture et de vulnérabilité avec ma voix.
Ouverture, vulnérabilité. Deux maîtres-mots de cette réalisation qui tient tout autant de la performance individuelle que du miracle collectif. Evidemment travaillé par Kurt dans ses propres studios, Bloodmoon I offre un son gigantesque, qui n’est pas sans rappeler certaines collaborations de Kurt et Brad à l’extérieur, mais un son qui laisse respirer les guitares, et qui surtout, offre une place prépondérante au chant, l’un des points de focalisation de cet album. Le mariage des voix est tout simplement magique, évoquant un spectre d’émotions que tout un chacun peut ressentir, passant de l’apaisement à la colère, et de la contemplation à l’action. Cette formulation est parfaitement cristallisée par le single avant-coureur « Blood Moon », qui en près de huit minutes passe par toutes les couleurs du Post-Rock le plus létal, entre harmonies déformées et haine viscérale.
Et malgré sa durée assez conséquente, Bloodmoon I se montre d’une intensité constante, et d’une recherche approfondie des textures et des sons. Et les rares incursions d’une brutalité brute - commune à CONVERGE et CAVE IN - sont immédiatement modérées d’une envie de proposer autre chose qu’une déconstruction de la violence, si chère à CONVERGE et ses contretemps diaboliques. « Viscera of Men », malgré un départ tonitruant, se souvient très rapidement que Steve Von Till aurait pu faire partie du projet, et sombre dans les affres d’un Sludge gothique tragique, avec un chant qui n’est pas sans évoquer le MUSE le moins cinématique et le plus sincère.
Chelsea, parfaitement intégrée au projet au point d’en être presque invisible et inaudible parfois, prend la tête sur le lancinant et sombre « Coil », qui ressemble à s’y méprendre à une escapade 4AD de Tori Amos. Mais quelle que soit l’optique choisie pour développer les morceaux, la sincérité des sentiments reste l’objectif majeur. Et de fait, en prenant quelques idées à la volée, il n’est pas interdit de concevoir Bloodmoon I comme l’album de CONVERGE le plus personnel et le plus attachant.
Le miracle intervient à la fin de l’album, une fois les écoutes achevées et le silence religieux régnantde nouveau en maître dans la pièce. Après avoir digéré des dizaines de fois la beauté western et spectrale de « Scorpion’s Sting », après avoir encaissé le choc de biais de « Daimon », et après avoir loué les dieux de la création Gospel nous bénissant d’un « Blood Dawn ».
Superbe travail de groupe(s), d’artistes confirmés se remettant sans cesse en cause, et sans conteste le plus bel album de musique que 2021 ait pu nous proposer pour mettre sous le sapin. Richesse des arrangements, noblesse des voix, admission du caractère artistique d’autrui, pour une ouverture sur un monde complexe, mais tellement rassurant de sa tolérance et de son honnêteté musicale.
Titres de l’album:
01. Blood Moon
02. Viscera of Men
03. Coil
04. Flower Moon
05. Tongues Playing Dead
06. Lord of Liars
07. Failure Forever
08. Scorpion’s Sting
09. Daimon
10. Crimson Stone
11. Blood Dawn
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Moshimosher + 1 pour ce qui est de mon album préféré et de la news qui n'est malheureusement pas si surprenante que ça au vu de la vie du gaillard...
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RIP ! Iron Maiden restera mon album préféré du groupe et Killers le premier album que je me sois acheté (Ah ! Quelle pochette !)... Pas vraiment étonné par la nouvelle, mais, bon, elle n'en est pas moins triste pour autant...
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Bah oui allons LeMoustre...Il est évident que le propos d'Orphan est du quinzième degrés.
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@LeMoustre: Concernant Orphan, je pense qu'il y a surtout du 2nd degré...Quant à FATIMA: le groupe sort un album sur Season of Mist en 2020, et découvre en 2024 que DESTRÖYER 666, c'est des méchants... Paye ton groupe de touristes. Allez, une petite (...)
18/10/2024, 22:29
Très 90s dans le son, même si j'aurai préféré un peu plus rond. J'aimerai bien les revoir live du coup.
18/10/2024, 19:15
@Humungus : oui, j'aurai pu mettre les Guignols de l'Info avec Mr Sylvestre dans le lot, quand il citait les gniakoués, etc...Malheureusement quand je lis des réactions comme du dénommé orphan je me dis qu'on est quand même pas sorti d'(...)
18/10/2024, 07:39