Si d’aventure vous arpentiez le pied des Appalaches, du côté de Rome, vous risqueriez d’entendre une musique dont les échos résonnent encore sur les parois des montagnes. Une musique ancienne, aux traditions bien établies, régies par les désirs de la déesse guitare, qui depuis les années 50, incarne l’alpha et l’Omega de la musique. Une musique si sincère que les effusions fusent sans que l’on s’en rende compte, une musique qui fait transpirer les murs des bars et des clubs, trembler les cabines des pick-up, et danser des générations entières de fans sevrés à l’énergie du ZEP, de BLACKFOOT, des ALLMAN BROTHERS, ou du LYNYRD. Ça vient de là, ça vient du Blues, mais ce Blues mélangé à du Rock pour être encore plus puissant et affronter l’adversité, ou plus simplement une journée de travail comme les autres se finissant dans l’ennui d’une dernière bière bon marché.
Ainsi va la promesse faite par les américains de THE GEORGIA THUNDERBOLTS, qui outre leur patrimoine personnel, ne lésinent pas sur les allusions à la perfide Albion, et qui estiment que le Rock ne connaît pas de frontières, malgré l‘amour porté à leur propre région. De leur patronyme qui cite sans le faire exprès les GEORGIA SATELLITES tout en embrassant leur Géorgie aimée, ces cinq musiciens nous guident sur les pas de l’histoire musicale US, celle qu’on raconte encore sur les cités universitaires en sortant un vieux vinyle poussiéreux.
Après un premier album publié à compte d’auteur il y a à peine deux ans (Southern Rock From Rome), les THE GEORGIA THUNDERBOLTS ont fini par dénicher un label sûr de leur talent, et nous offrent avec Can We Get A Witness un sophomore dans la plus grande tradition des suites US les plus relevées. Ce premier album posait les jalons et expliquait mathématiquement l’équilibre, le second confirme les espoirs, et en fait même naître de nouveaux : celui de voir ces simples musiciens devenir les idoles de demain, de celles qu’on célèbre dans les stades, mais aussi les petits salles plus intimistes.
Les mecs citent leurs influences, sans honte, mais avec suffisamment d’intelligence pour les varier au plus large. Hank WILLIAMS, Neil YOUNG, LITTLE FEAT, Ozzy OSBOURNE, LYNYRYD SKYNYRD, mais aussi le Gospel, pour ne pas baliser un terrain trop restreint, et continuer à jouer sans qu’on se demande si tel ou tel héros n’a pas déjà chanté cette chanson. Entre Rock traditionnel qu’on entend sur les classic radios et poussée de fièvre Hard-Rock seventies, l’air est sifflé en connaissance de cause, mais la sauce prend. Grâce à cette production qu’on aimerait croire analogique, grâce à cette voix puissante mais qui n’en fait pas trop dans les arabesques plantiennes, grâce à ces guitares qui suintent de désir, et cette rythmique sobre, qui incarne l’assise même d’un axe basse/batterie qui ne doit jamais faiblir.
TJ Lyle (chant), Riley Couzzourt (guitare), Logan Tolbert (guitare), Zach Everett (basse, choeurs, claviers), et Bristol Perry (batterie) sont des amis qui connaissent leur passé, et qui l’honorent en toute modestie. L’osmose qui se dégage de ces chansons réalistes dans le fond et la forme est tellement crédible qu’on se croirait replongé dans les glorieuses seventies, à découvrir un espoir de la scène qui n’attend qu’un coup de pouce du destin. Avec un « Take It Slow » à l’harmonica discret mais appréciable, le quintet prend un démarrage peinard, dans l’ombre d’un nouveau soir sur la route, et immédiatement, le feeling émeut. Le son est clair, respire, les guitares rugissent, piochent dans l’historique de la gloire nationale, et le tout swingue comme un taureau de rodéo plutôt complaisant. La surprise n’est pas de taille, mais la qualité interpelle : alors que le débat fait rage quant à la crédibilité des GRETA VAN FLEET, la question ne se pose pas ici. Les THE GEORGIA THUNDERBOLTS pourraient bien avoir cinquante ans et en accuser trente de carrière, ou l’avoir commencée avant-hier, la sensation serait la même.
Mais il faut dire que le groupe se démarque du ZEP, juste ce qu’il faut, pour se lover au creux des vinyles sudistes les plus usés d’il y a quarante ans. L’importance du Blues est évidemment indéniable, mais la Country a aussi sa place, comme le laidback, « Lend a Hand », passe peinard avec son refrain que n’auraient pas renié les CINDERELLA de fin de (première) carrière, tandis que « So You Wanna Change The World » chaloupe sec pour permettre à la basse de sinuer entre les chopes de bière sur les tables.
L’émotion, la sincérité crèvent les tympans, et les accents southern donnent envie d’oublier la réalité pendant quelques instants, pour ne retenir que le plus beau d’une vie de labeur. « Spirit Of A Workin’ Man » célèbre justement ces cols bleus qui n’ont d’autre horizon que celui de leur repos dominical, alors que le ludique et dégoulinant de stupre « Half Glass Woman » rappelle que l’amour peut aussi se vivre dans la fulgurance d’un instant.
Du Rock, du vrai, du sud, c’est vrai, mais pas seulement, et en tout cas, pas intentionnellement. On danse avec le diable, par habitude, on riffe plus costaud quand il le faut (« Can I Get A Witness », du RATM revisité par des sudistes coquins), on binaire sans en avoir l’air (« It’s Alright »), mais on n’oublie pas qu’un final se doit d’être la fête tant attendue. Alors, « Set Me Free », plus proche des BLACK CROWES que de SWEET, avec petites cocottes de guitare qui picorent une basse à l’économie, montée en puissance discrète qui finit par laisser passer un clavier de stupre qui soutient un solo en pleine turgescence, et on offre la conclusion qui fait monter les battements de cœur jusqu’au bord des lèvres.
Il parait qu’au pied des Appalaches, du côté de Rome, le temps passe différemment. Non plus lentement, mais plus…sereinement. Je veux bien le croire, étant revenu de cette aventure avec le sourire et l’envie de foutre mes cachets à la poubelle.
Titres de l’album:
01. Take It Slow
02. Lend A Hand
03. So You Wanna Change The World
04. Looking For An Old Friend
05. Spirit Of A Workin’ Man
06. Midnight Rider
07. Be Good To Yourself
08. Half Glass Woman
09. Dancin’ With The Devil
10. Can I Get A Witness
11. Walk Tall Man
12. It’s Alright
13. Set Me Free
un bon rock avec juste ce qu'il faut de blues pour avoir envie de choper une bière et de se souvenir c'était quoi un bon rock..
Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.
24/04/2024, 14:26
Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live
23/04/2024, 09:55
Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique
22/04/2024, 18:04
Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.
21/04/2024, 19:52
Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)
20/04/2024, 23:36
Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)
20/04/2024, 20:06
Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)
20/04/2024, 06:26
Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler ! Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.
19/04/2024, 18:08
@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...
19/04/2024, 15:54
Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.
19/04/2024, 15:20
On s'en cogne. Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)
19/04/2024, 07:52