Causual Response

Emulived

13/02/2018

Autoproduction

Depuis quelques temps, j’avais le Thrash triste. Non que je déprimais à l’idée de penser à des guitares tranchantes et des rythmiques frappantes, mais au vu de la densité de la production actuelle, le commençais à désespérer de tomber sur quelque chose qui déclenche mon enthousiasme. J’égrenais donc les sorties, la mine triste et le verbe en berne, consterné par le manque de puissance des groupes s’adonnant aux joies de la violence, et constatant des défaillances de production, de l’inanité de ton, et surtout, plus globalement, rien de bien folichon. Alors, j’attendais, le regard vers les baskets et les rêves dans la casquette, qu’un combo vienne m’extirper de ma léthargie pour m’emporter de nouveau vers le paradis, pas forcément certain de l’issue de cette soudaine dépression. Puis, je repris les choses en main, continuais ma quête à nouveau, en me persuadant que le facteur chance allait bien finir par faire le beau. Mais le hasard est comme une belle inconnue qui vous envoie un message au coin d’un soir, et tarde parfois à se manifester, et c’est presque résigné que je me suis décidé à parler d’un groupe qui n’aurait pas attiré mon attention en temps normal, mais qui faisait presque figure de sauveur en ces temps de disette Metal. Le groupe en question s’appelle EMULIVED, nous en vient du Japon, et propose avec Causual Response ses premières réflexions, sous la forme d’un longue-durée assez culotté, frisant l’heure de jeu et le trop plein d’idées, mais s’incarnant comme le Lazare réveillé des morts dans une lande dévastée par le trop répété. Il est certain qu’au jugé du manque d’implication des thrasheurs de tous horizons, ce gang au staccato nerveux et aux accélérations mesurées se pose comme un sérieux candidat au trône du revival de ce mois de février, qui sera resté désespérément pauvre en termes d’hommage à la Bay Area sacrée.

Sans se placer de fait dans le peloton de tête des formations les plus habiles, agressives ou inventives, les EMULIVED jouent propre et carré, et distillent un Thrash de fort bonne facture, directement inspiré des grandes références 80’s autoproclamées ou célébrées. On sent en filigrane des références plus ou moins directes aux premières et secondes vagues américaines du cru, celles des EXODUS, METALLICA, mais aussi des HEATHEN, FORBIDDEN et DEATH ANGEL, dont on reconnaît l’empreinte solide au détour des morceaux les plus épais et tendus (« Punishment The Sin » qui aurait pu figurer sans peine sur The Ultra Violence, ou Frolic Through The Park). Les musiciens ne manquent pas d’un certain panache individuel, même si la performance n’est pas à l’ordre du jour, et l’ensemble dégage un agréable parfum old-school que les plus mordus apprécieront à sa juste valeur de potion, même si la redondance guète au bout d’une demi-heure de jeu, soit à mi-parcours. Parfois, l’esprit vagabonde, et retombe sur les idées noires les plus symptomatiques du MEGADETH le moins inspiré (« Retribution », sorte de pont entre un LP de leftovers de Youthanasia et un tribute à Countdown To Extinction par des combos un peu mollassons), et a même tendance à y rester, sentant un léger mieux se dégager sous la forme d’incarnations harmoniques enfin boostées par une rythmique pur Kill’Em All (« Obey BigBrother »). Il faut dire que les originaires de Tokyo n’ont pas gardé leur respiration dans leurs poumons, puisque ce premier LP est axé sur onze compos, dont trois dépassent allègrement les huit minutes, et qui en sont d’ailleurs les points forts. C’est dans ces moments-là que les japonais se montrent les plus pertinents, osant enfin une approche progressive délicieuse qui rappelle même le HEATHEN le plus miraculeux, celui des « Worlds End » et « Open The Grave », mélangeant à l’envi les envolées Speed et les accalmies Heavy, pour établir un consensus autour d’un équilibre magique entre puissance et furie.

Néanmoins, et puisqu’il faut bien pointer du doigt les faiblesses, tout n’est évidemment pas parfait sur ce premier effort, qui donne parfois le sentiment d’avoir été accouché aux forceps. Mais lorsque la machine tourne et s’emballe, on relâche nos cervicales, et on headbangue comme de joyeux bourrins au son d’hymnes immédiats du lendemain (« Thee Mastermind », un concentré de violence). L’ensemble pâtit souvent du ton très monocorde du vocaliste, qui sans grogner se contente de geindre plus qu’il ne hurle, et qui condamne les riffs les plus «lieux communs » à errer dans les limbes de la paraphrase maladroite. Pourtant, niveau guitare, nous avons rarement à nous plaindre, puisque les motifs lâchés sont pour le moins variés, et surtout affûtés. On se perd parfois en conjectures Techno-Thrash, comme à l’occasion de ce phénoménal « Exactly Hell », qui symbolise des enfers tout à fait condamnables, et se montre presque joyeux dans son accueil fumeux. En s’accordant quelques arrangements finauds en boucles de samples, les japonais agrémentent quelques morceaux d’une petite touche de folie, et nous entraînent dans la leur via des dédales hystériques aux prouesses rythmiques (« To Live With Pride », au pattern bondissant et redondant), avant de revenir dans le giron de leurs propres ambitions, via un dantesque « Exterminate », qui en effet, ne laisse pas grand monde indemne. Riffs amples à la Mustaine, ambiance glauque à la « Mary Jane », pour un Heavy féroce revisité Thrash un peu rosse, et huit minutes d’excavations menées rythmique battante,  pour un passage en revue du cahier des charges archéologiques tout à fait pertinent. On regrettera encore une fois le manque de modulation d’un chanteur qui n’en est pas vraiment un, et qui manie mieux sa guitare que ses cordes vocales, mais le handicap étant léger, on passe l’éponge sans vraiment y penser. D’autant que l’homme tire de son instrument des motifs assez déments, qui aplanissent façon happy speedcore à la TESTAMENT, sans se poser de questions inutiles (« Deadzone »).

Le seul problème de ce Causual Response reste sa durée, un peu trop étirée, et qui finit par attirer l’attention sur les défaillances de production et d’inspiration. Le son très sourd n’est pas toujours adapté aux passages les plus forts (ce que confirme « Muddy Floor » le dernier morceau aux fréquences parfaites, à l’emprunte plus Hard Rock que Thrash de requin, et qui s’en accommode très bien), et les idées ne sont pas toujours suffisamment variées, sans oublier ce chant auquel on a franchement du mal à s’habituer. Mais après tout, et au vu de la morosité ambiante en termes de Thrash, les EMULIVED nous permettent de rester branché sur la fréquence Thrash modulée, ce qui en fait nos amis du mois, ni plus ni moins. Mais ce qui autorise toute circonstance atténuante se cache en fait dans la réalité de l’unicité de Naoya Umeda, musicien unique et seul à la barre de ce navire, qui a tout composé, enregistré et interprété. Alors pour un homme seul, je trouve qu’il s’est fort bien débrouillé. Et non, pas besoin d’être quatre ou cinq pour se montrer à la hauteur. Et mieux vaut être seul que mal accompagné.


Titres de l'album:

  1. Hatred Caught
  2. Danger Warning
  3. Punishment The Sin
  4. Retribution
  5. Obey BigBrother
  6. Thee,Mastermind
  7. Exactly Hell
  8. To Live With Pride
  9. Exterminate
  10. Deadzone
  11. Muddy Floor

Bandcamp officiel

Site officiel


par mortne2001 le 28/02/2018 à 18:33
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