Un peu de brutal pour entamer une journée banale ne peut pas faire de mal. Et en choisissant de chroniquer le premier album des Parisiens de BLEED, il semblerait que j’ai fait le bon choix pour affronter le froid.
Qui sont donc ces pourfendeurs de Metal tiède qui manient la guitare comme d’autres la hache pour couper du bois ?
Des musiciens visiblement fascinés par le Thrash dit « moderne », qui ne crachent pas sur un brin de Hardcore pour provoquer l’étincelle, et qui semblent avoir pensé chacun de leurs morceaux pour obtenir une efficacité maximale en live.
Nous retrouvons donc au casting Florent Orsini (chant), Damien Wiater (basse), Vincent le Guével (guitare solo), Olivier Ribeiro Dias (guitare rythmique/chant) et Nicolas Collet (batterie), dont une partie poursuit vraisemblablement l’histoire d’un ancien combo à l’identité masquée (le lien Deezer vers l’album n’existe plus, donc impossible d’en savoir plus sur ce mystérieux groupe à l’unique album acclamé).
Ceci relevant du caractère de l’anecdote, je n’ai pas cherché à en savoir plus, préférant me concentrer sur l’actualité, et ce fameux Chaos Impact qui effectivement, mérite son nom à chaque intervention.
Du sang, du chaos, de la brutalité, tels sont les éléments à prendre en compte en écoutant les onze pistes de cet effort initial, qui avec sa presque heure d’écoute n’a pas joué la parcimonie, ce qui le handicape partiellement, puisque certaines idées semblent avoir été répétées inconsciemment.
Pour faire simple et direct (comme le groupe d’ailleurs), nous pourrions dire que ces parisiens jouent un Neo Thrash très efficace, empreint d’influences revendiquées (MACHINE HEAD, LAMB OF GOD, SYLOSIS, SWORN ENEMY, CHIMAIRA, avec ça, vous savez où vous mettez les pieds), aussi percutant que groovy, qui toutefois ne ménage pas ses efforts pour tenter de trouver des accroches un poil plus originales que la moyenne des groupes du cru.
Si chaque morceau se veut l’équivalent d’un parpaing vous tombant sur la tête au détour d’une ruelle, les nuances de caresse du vent ne pointent pas forcément aux abonnés absents, et le niveau technique global assez élevé, permet aux costauds de se hisser au niveau des meilleures productions du genre, comprenez celles des références citées.
Alors évidemment, on trouve des éléments déjà utilisés par des groupes comme AT THE GATES (« The Foreigner », terrassant de vélocité et d’agressivité), des dissonances symptomatiques déboulant sur un concassage de riffs tétanisant (« Retaliation », qui nous replonge dans les affres d’un CREMATORY plus puissant qu’à l’accoutumée), des accélérations foudroyantes tâtant du Thrashcore infecté d’un groove hypnotique et virevoltant (« Prohibited », aux accents putrides d’un Death à la CANCER en version métastases se multipliant méchamment), mais aussi une lourdeur oppressante accentuant son emprise de quelques mélodies maladives contagieuses (« Chaos Impact », se transformant vite en déroulé Thrash alertant avec flair fièvre Modern Core et rage Deathcore).
En gros, un catalogue de figures imposées déposées avec talent et férocité pour prendre l’auditeur à la gorge sans jamais le relâcher.
Là est donc la force de ce quintette qui n’a pas cherché à jouer la carte de l’originalité mais plutôt celle de l’efficacité, et reconnaissons que ça fonctionne à plein régime, puisque les BLEED ont eu la clairvoyance d’agencer leurs morceaux très finement.
Car même si les titres se veulent d’une durée assez inhabituelle dans le domaine, ils se sont vus agrémentés de suffisamment de plans différents pour oser le prolongement, à l’image de ce progressif et envoutant « The Fall », qui fricote avec le Heavy séduisant pour mieux nous fracasser d’un Neo Thrash suintant de méchanceté. Accumulation de riffs pertinents, parties rythmiques à l’avenant, et surtout, un chant qui ose les modulations Death/Thrash/Hardcore pour donner du corps et ne pas se contenter de vociférer sans effort.
Chœurs mélodiques, progression ludique, et punch harmonique, telle est la démarche des cinq parisiens à qui on ne la fait pas, et qui ne sauraient se contenter d’une orgie de décibels pour nous mettre à genoux.
Alors évidemment, tout ça ne fonctionne pas systématiquement, et les essais les plus réchauffés nous renvoient à une mise en abime qu’on ne peut éviter, lorsque le contenant se calque sur le contenu et répète des plans déjà entendus (« Within The Machine », un peu long et meublé de guitares qui balbutient leur LAMB OF GOD avec hésitation), et il est certain que plusieurs entrées auraient gagnées à être raccourcies pour se ramener à une brièveté plus adaptée.
Mais ne soyons pas mauvaise langue, puisque ces quelques approximations ne gâchent en rien l’écoute de cet album tonitruant, qui cogne, défonce, avec une efficacité indéniable, et sait faire preuve d’audace quand il le faut pour avancer sans trop se faire repérer.
Impossible en effet de nier la pertinence d’une clôture orgiaque comme celle que célèbre le final dantesque « Never Surrender » qui en dit long sur les intentions des BLEED, avec sa rythmique heurtée et ses riffs effilés à la SEPULTURA des temps modernes, tandis que le chant se veut plus coulé et parfois susurré dans sa gravité, assurant au titre une portée maximale pour un lot de dommages collatéraux.
Ajoutons à la liste des grosses baffes surprises l’entame hyper efficace de « Time To Bleed » qui impose le groove avec conviction, et qui incarnera une ouverture live du meilleur ton pour mettre les foules en transe pour de bon.
Basse énorme, guitares tranchantes en accord, vocaux caverneux mais fielleux, l’osmose est patente, et la puissance dégagée par les parisiens est efficiente de bout en bout malgré ces quelques errances qui finalement ne handicapent pas la démonstration de force.
Chaos Impact méritée donc son nom sans conteste, et synthétise la vélocité du Thrash le plus violent, l’épaisseur du Neo Core le plus percutant, et la fluidité de mélodies Heavy qui aèrent la symphonie de l’outrance en toute humilité.
Le genre d’album qui prendra toute sa dimension une fois les musiciens sur les planches, pour un massacre annoncé qui vous fera saigner et prendre des uppercuts plein le nez.
Titres de l'album:
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