Pas vraiment l’heure de la tendresse, alors que ce samedi matin est placé sous le signe d’une brume persistante et d’un froid humide qui fige le moindre mouvement. Ce climat un peu feutré, qui pourrait nous laisser penser que nous nous sommes perdus dans une forêt de Norvège occulte le fait que l’urbanisme allemand est de rigueur aujourd’hui. Pas question donc de nature mystérieuse, mais plutôt d’une friche laissée à l’abandon dans un recoin de Nisterau, dans laquelle s’agitent quatre illuminés assoiffés de violence et de mélodies amères jouées comme si la fin du monde était déjà pour demain.
CHAOS INVOCATION a toujours mérité son nom, d’une réputation acquise au long d’années passées à saper les fondations de la civilisation moderne pour la faire vaciller sur ses bases. Depuis 2004, ce quatuor aux clous inoxydables nous raconte une histoire bien connue outre-Rhin, celle d’un Black Metal sans compromission, âpre, lourd, véloce et d’une précision sans précédent. En trois albums, le groupe a largement développé son point de vue, dès In Bloodline with the Snake, qui posait les jalons mais y ajoutait quelques précisons importantes. La violence d’accord, la brutalité encore, mais la finesse aussi, via quelques harmonies judicieusement utilisées, non pour adoucir le fond, mais bien le rendre encore plus froid.
Black Mirror Hours confirmait la méchanceté sauvage, et Reaping Season, Bloodshed Beyond admettait quelques concessions, mais à l’heure d’avancer à pas de géant pour excuser ces quatre années de silence, CHAOS INVOCATION nous percute de plein fouet d’un quatrième né qui visiblement, assume totalement les cornes déformant son crâne. Accouchant d’un monstre d’apocalypse, les allemands bercent leur engeance avec une bienveillance diabolique, sachant pertinemment que l’enfant va mettre le monde à feu et à sang dès qu’il en aura la possibilité de l’âge.
M. (chant), Omega (batterie), A. (guitare/chant/textes), et Tumulash (basse) peuvent donc fièrement poser avec le nourrisson. WTC Productions n’est d’ailleurs pas peu fier d’en être le parrain, si j’en crois la pluie de louanges promotionnelles qui accompagne cette sortie. Il faut dire que le quatrième album des allemands est un véritable modèle du genre, de ceux que peuvent pondre des grands comme DARK FUNERAL ou MARDUK depuis quelques années.
Envisageons quelques instants la distance qui sépare le titre d’ouverture explosif « Strike Of The Dominator's Fist » du quatrième de couverture « Odonata Fields ». Alors que le premier mise sur une bestialité ouverte typique du BM suédois le plus implacable, le second se donne la latitude d’explorer les recoins les plus sombres et lancinants de la violence moderne. Seul point commun entre ces deux morceaux, l’utilisation de mélodies imposées par une guitare qui refuse le recyclage de riffs trop évidents. Ajoutons-y l‘emphase de chœurs vraiment grandiloquents, et nous pouvons alors mesurer le spectre d’influence d’un groupe qui sait utiliser toutes les ficelles accrochées au mur de son inspiration.
Un BM pluriel donc, crédible dans le fond et la forme, qui nous épargne la linéarité et les expérimentations les plus hasardeuses, pour rester classique, mais convaincant. Lorsque la rythmique s’emballe pour laisser les blasts nous assommer de leur frappe, la puissance développée est conséquente, et toujours épaissie d’une nappe de back voices sentencieuses, et presque guerrières. Mais loin d’un simple War Metal simpliste et belliqueux, le BM des allemands de CHAOS INVOCATION fait honneur à son nom, et convoque les esprits les plus malins à la destruction de l’humanité. Un chaos ordonné, agencé, intelligent, qui de chapitre en chapitre déroule son plan de bataille, rédigé à la virgule rythmique près.
S’il est peut-être encore tôt pour désigner Devil, Stone & Man comme le meilleur album de la horde, il n’est pas trop tard pour se rendre compte qu’il a utilisé à bon escient les vieilles formules pour les actualiser. Sorte de concentré, de best-of déguisé, ce quatrième évangile selon Lucifer nous tient en haleine et fait perler la sueur en multipliant les coups d’éclat (« Triple Fire », « Curses Upon You »), mais en imposant aussi des décalages dissonants juste avant la charge finale (« The Revolting Abyss »).
Et - Ô surprise - cette charge finale n’en est pas une, mais plutôt une contemplation du monde débarrassé de ses parasites humains. Si le groupe a toujours témoigné d’une affection particulière pour les harmonies, il a le culot de replier ses rangs sur un instrumental acoustique de toute beauté, ce qui n’est pas le moindre des pieds de nez au vu de la violence développée jusqu’à lors.
Un vrai et bel album, sans failles, qui assoit un peu plus la crédibilité dont jouit CHAOS INVOCATION dans l’underground.
Titres de l’album:
01. Strike Of The Dominator's Fist
02. A Stranger's Pale Hand
03. Diabolical Hammer
04. Odonata Fields
05. Where We Have Taken The Cross
06. Triple Fire
07. Curses Upon You
08. The Revolting Abyss
09. Sacrifices
Voyage au centre de la scène : interview de Jasper Ruijtenbeek (The Ritual Productions)
Jus de cadavre 07/05/2023
Élue pochette de l'année. Et musicalement c'est pas dégueu. Faut que j'écoute ça attentivement.
29/05/2023, 16:54
Ça sentirait pas un peu la pochette faite par IA ça ?. Midjourney sera bientôt le "cover artist" le plus productif sur Metal archives...
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RIPC'est quand même le second du line originel qui passe l'arme à gauche....
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Grosse perte, voilà un Monsieur dont la contribution à la scène Rock en général est largement inconnue.Un grand merci pour avoir permi tant de chose et montrer non pas une mais plusieurs voies possibles pour s'exprimer dans la musique.
25/05/2023, 08:37
MARDUK a communiqué depuis en disant que ce n'était là que l'une des nombreuses fois où il est apparu totalement ivre sur scène (il aurait par exemple fait un streap tease sur scène...) et que c'était une condition de départ p(...)
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Du calme les excités antitout, vous disiez pareil de slayer, jouer avec l'interdit c'est tout à fait l'esprit adolescent du metal
24/05/2023, 21:49
Le clip - aussi moche soit il - est déjà bien plus intéressant que 99% des clips métal réalisé en usine désaffecté avec ces sicos mode playback.
24/05/2023, 16:39
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24/05/2023, 15:10
Juste au moment où je me mets à apprécier de nouveau pleinement Type-O après une parenthèse de presque vingt-cinq ans... Comme quoi il reste toujours un public pour les grands groupes même après leur disparition active.
24/05/2023, 13:44