Troisième album, étape cruciale dans la carrière d’un groupe, qu’il convient de négocier avec beaucoup de prudence, ou au contraire, d’inconscience crasse. C’est la seconde option que les londoniens de CRAVEN IDOL ont privilégié avec Forked Tongues. Ces langues fourchues sont donc comme la queue du grand malin, mais ne s’épanouissent pas dans les ragots sataniques de bas étage. Non, ce qui intéresse nos anglais du jour, c’est la mythologie la plus ancienne, et l’histoire des dieux grecs. Ainsi, Forked Tongues se présente sous la forme d’un concept album, et d’une séquelle à l’histoire d’un affrontement mythique, celui qui a vu s’opposer Zeus et Typhon.
L’histoire romancée narre les mésaventures de ce pauvre Typhon, terrassé par Zeus et condamné à être emprisonné sous l’Etna. Tout aurait pu s‘arrêter là, si les CRAVEN IDOL n’avaient pas fantasmé sur une suite des aventures de ce brave Typhon, parvenant à s’échapper de ses tréfonds pour affronter Zeus de nouveau, les deux dieux voyant toutefois leurs pouvoirs diminués par des siècles d’excès.
Depuis sa création en duo en 2005, CRAVEN IDOL n’a eu de cesse de peaufiner son approche pour abandonner l’axe amateur de ses premières démos rageuses, mais encore un peu fouillis. En deux albums seulement, le collectif londonien aujourd’hui composé de Suspiral (basse, depuis 2010), Heretic Blades (batterie, depuis 2014), Obscenitor (guitare, depuis 2014) et le membre fondateur Immolator of Sadistik Wrath (guitare/chant, 2005) a imposé une vision, un son, un crossover à cheval entre Death furieux, Thrash fumeux et Black radieux, vision qui arrive aujourd’hui à maturité pour un troisième album en achèvement parfait d’une première partie de carrière professionnelle.
On peut parler de beaucoup de choses en traitant le cas de CRAVEN IDOL. De DESTRUCTION, POSSESSED, AURA NOIR, DESTROYER 666, de combos annexes ou passés des musiciens, comme CROM DUBH, DISFAGO, PHAËTHON, SCYTHIAN, SEPULCHRAL TEMPLE, COPROFAGI, SATANIC TORMENT, CROSSWRECKER, SACRIFICIAL DAGGER, FEN, REAPING HAVOC, DECREPID, AETERNUM (surtout de CROM DUBH, puisque trois musiciens sur quatre en font partie), et autres références qui permettront de jauger de l’ampleur du massacre. Mais on peut surtout parler de l’affinement de la technique des anglais pour imposer la violence dans un contexte moins générique qu’il n’y parait.
Sept morceaux seulement, c’est peu, mais avec un épilogue de plus de neuf minutes et une constance dans la pression, Forked Tongues est l’illustration parfaite d’un combat entre deux divinités bien décidées à en découdre pour s’imposer dans l’éternité. Et « Venomous Rites » de ne surtout pas rater le coche de présentation des protagonistes avec ce riff aérien et circulaire qui rappelle le meilleur de POSSESSED et DESTRUCTION, amplifié par quelques blasts bien teigneux. Immédiatement, on constate que tout est en place, que l’ambiance est lourde et chargée, et que les musiciens n’y sont pas allés avec le dos du livre d’histoire. Doté d’arrangements cinématiques nous plongeant dans une bataille fantasmée dans les moindres détails, Forked Tongues se présente comme une fresque gigantesque utilisant les techniques de bossage du Thrash et les larges palettes sombres du Black, le tout traité frénétiquement d’un mouvement Death.
Le concept suit donc son cours en manipulant les sensations et les descriptions musicales, avec tempo ralentissant pour laisser la place à une grosse basse en circonvolutions, accélérations purement nordiques des années 90/2000, et la bataille rangée entre les deux titans prend corps. « The Wrath of Typhon » se la joue Heavy/Black nordique, et appose le sceau progressif à l’œuvre, alors que « Iron Age of Devastation » crame la légende Death en densifiant tous ses aspects les plus néfastes.
Le jeu est connu, le métissage aussi, mais il en vaut la chandelle, puisque CRAVEN IDOL n’a rien laissé au hasard. On constate donc la perfection d’un album sauvage mais intelligent, qui a parfaitement traité son sujet et lui a conféré la grandiloquence dont il avait besoin. Ainsi, « Even the Demons... » joue la carte punky, mais la dernière partie de l’album en appelle autant à BATHORY qu’au grand IMMORTAL, et c’est par le truchement de deux morceaux interminables que les anglais terminent leur quête de fausse vérité historique. L’épilogue se présente donc sous la forme d’un diptyque, avec un « Deify the Stormgod » dramatique en diable, passant en revue toutes les composantes créatives d’un groupe au sommet de sa forme. Viking par à-coups, emphatique au maximum, ce pénultième morceau donne le ton de l’épilogue qui se dessine via « The Gods Have Left Us for Dead » et ses étranges mélodies vite souillées par un tempo épileptique.
CRAVEN IDOL signe donc une œuvre ambitieuse, cruelle, et violente comme une échauffourée entre deux dieux qui ont attendu des siècles pour en découdre de nouveau. Forked Tongues est donc le pinacle d’une carrière qui promet encore de méchants moments de bravoure, et incarne la perfection dans la débauche.
Titres de l’album:
01. Venomous Rites
02. The Wrath of Typhon
03. Iron Age of Devastation
04. Even the Demons...
05. Forked Tongues
06. Deify the Stormgod
07. The Gods Have Left Us for Dead
Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.
24/04/2024, 14:26
Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live
23/04/2024, 09:55
Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique
22/04/2024, 18:04
Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.
21/04/2024, 19:52
Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)
20/04/2024, 23:36
Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)
20/04/2024, 20:06
Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)
20/04/2024, 06:26
Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler ! Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.
19/04/2024, 18:08
@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...
19/04/2024, 15:54
Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.
19/04/2024, 15:20
On s'en cogne. Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)
19/04/2024, 07:52