Ça vous est arrivé un jour.
Vous êtes immanquablement tombé sur un couple d’amis, fraîchement parents, vous exhibant leur ignoble créature comme s’il s’agissait de la huitième merveille du monde. Et comme tout être doté d’une intelligence émotionnelle moyenne, vous vous êtes fendu d’un classique « Oh, mais qu’il/elle est mignon/ne ! », préférant sacrifier la franchise sur l’autel de l’amitié, alors même que la limace visqueuse tenait plus du cauchemar en noir et blanc d’Eraserhead que du mignon calamar éjecté par la femme de Reggie dans Men in Black.
Nous sommes tous passé par là, mais il arrive un moment où le mensonge ronge les entrailles par l’entremise d’une fausse vérité destinée à ne pas heurter les sentiments de ces jeunes parents à la cagouille baveuse, dotée d’un bec de lièvre et d’un regard torve de bovin sur le chemin des pâturages.
Pour exemple, j’ai choisi mon camp, et ce matin, en présence du premier nouveau-né des australiens d’INEBRIOUS BASTARD je n’ai pas pu me retenir, et j’ai lâché un tonitruant et peu complaisant « Mon Dieu mais qu’il est vilain ! ». Car c’est la vérité. God Swipes Left est vraiment très vilain, et donnerait des suées à un égoutier étant plusieurs fois tombé sur le cadavre d’un noyé immergé depuis des semaines.
Depuis 2013, ce quintet (Deb - batterie, Quiif - guitare, Stu Magoo & Rohan - chant, et Alex Boniwell - chant/basse) nous effraie de ses sorties toutes plus affreuses les unes que les autres, multipliant les formats courts en bonne feignasses Grind qu’ils sont. Sauf qu’il manquait à leur palmarès de l’horreur un premier album, faute avouée à moitié réparée par la publication de ce pamphlet de vingt-quatre minutes aussi infâme qu’un nourrisson à la con.
EPs, splits, tout y est passé, et c’est par l’entremise de leur propre label que ces originaires de Sydney nous collent une bonne torgnole, via quatorze morceaux aussi hideux que Camilla Parker-Bowles en robe de chambre et bigoudis. D’ailleurs, ce brouhaha est tellement nauséabond qu’on hésite à lui accoler une étiquette quelconque. Le rythme est soutenu et rapide, le chant ignoble et régurgité en mode excès de mauvais vin et de Curly, les riffs graves et gras et totalement classiques, et la production assez mal foutue. Mais quelque chose d’unique séduit, sans que l’on puisse vraiment identifier le pourquoi du comment.
A la manière des premiers albums de groupes de Bordel Grind (mention déposée par les OLD LADY DRIVERS et CEREBRAL FIX), God Swipes Left est un foutoir sans nom, entre Death, Grind et Crust, le tout passé à la moulinette de l’amateurisme pour faire encore plus de boucan. Un machin à rendre fou Glen Benton et à donner la diarrhée à Barney, qui tourne come une girouette sur le toit d’une ferme, et qui vous rend maboul, à accepter un job de derviche tourneur pour boîte à musique géante.
Mais on aime. On aime comme on aime un enfant vilain mais gentil et un peu barge, ou comme un pote qui dans un moment de désœuvrement complet a enregistré une démo sur un quatre pistes flambant neuf histoire de créer son propre Soundcloud.
Difficile de vous expliquer pourquoi j’ai adoré ce truc, sans pointer du doigt quelques compositions méritantes. Ainsi, « Boat Thrower » et son déroulé apocalyptique fait un beau pied de nez aux légendaires BOLT THROWER, tandis que« Bish Bish Bash The Bish » profite de ses consonances pour nous assommer d’un riff énorme, proche du Hardcore qu’on explose d’une accélération anglaise de bon ton.
On ne sait pas trop où le bouzin veut en venir, mais on s’en prend plein la gueule. Au moins autant qu’après avoir avoué à ce fameux couple d’amis que leur engeance mérite sa place dans un cirque itinérant, sous la tente des freaks les plus repoussants de la création. Une batterie flottante et purement analogique, une quasi impossibilité de différencier la caisse claire de la grosse caisse, un guitariste qui mouline comme s’il postulait comme roadie pour les ANAL CUNT, des breaks qui tombent foireux, et des idées d’indécence plein la tête. Pas vraiment le Grind moderne et culotté, plutôt la maquette bien fourrée qu’on s’échange sous le manteau.
Alors, ne soyez-pas bégueule, et ne boudez pas votre plaisir de déguster ce boudin musical qui laisse les oreilles ensanglantées. Et si vous avez commis un impair, causant de fait la tristesse de ces jeunes parents trop fiers de leur création, pointez du doigt la responsabilité des INEBRIOUS BASTARD.
Au point où ils en sont je crois qu’ils s’en foutent.
Titres de l’album :
01. Crucified Upon A Southern Cross
02. Tuesday Night Budget Blues
03. Economic Servitude
04. Shadow Pony
05. One Direction
06. God Swipes Left
07. Bish Bish Bash The Bish
08. Last Rights For Humanity
09. Dead Inside
10. Abstenstion
11. Regional Bullies
12. Boat Thrower
13. Rembang Melawan, Rembang Menang
14. World In Flames
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