Lonely People With Power

Deafheaven

28/03/2025

Roadrunner Records

Célébrons comme il se doit le retour d’un des groupes les plus clivant de sa génération, si ce n’est le plus. Depuis son émergence, DEAFHEAVEN, de sa Californie natale, divise les meutes Metal de son approche très personnelle d’un Post Black Metal à la limite du Shoegaze…devenu Blackgaze par la force des choses et des modes. C’est le lot des défricheurs qui se moquent des querelles de clocher, et qui jouent la musique qu’ils ressentent sans forcément désirer passer pour des visionnaires. De nombreux autres artistes ont subi cette curée, et à chaque passage de témoin, la ritournelle revient comme une hirondelle au printemps. Trop Black pour les fans de Shoegaze, trop démonstratif et contemplatif pour les fans de Black, DEAFHEAVEN ne s’en est pas moins constitué une fanbase gigantesque, toujours avide de sonorités abrasives envisagées sous un angle plus…souple.

On ne va pas tergiverser, Infinite Granite s’était pris une belle volée de bois vert. Le quintet avait opté pour un ménage en grand, en jetant par la fenêtre ses oripeaux les plus cruels. La réaction ne s’était pas fait attendre, et le score même de l’album sur The Metal Archives et autres sites référentiels est suffisamment éloquent. Autant de pro que d’anti, et le syndrome du disque maudit que nombre d’autres orchestres ont expérimenté dans la douleur. Dès lors, deux pistes se dégageaient pour les américains : continuer sur leur lancée en imitant le PARADISE LOST de Host/Believe In Nothing, et s’enfoncer dans l’expérimentation, ou bien faire marche arrière, et revenir dans la zone de confort pour rassurer.    

Alors, d’après vous ?

Ceux qui ont opté pour la deuxième option ont gagné l’estime populaire. Pour célébrer sa signature avec le géant Roadrunner, DEAFHEAVEN revient dans le giron de ses premiers méfaits, et signe avec Lonely People With Power son témoignage le plus symptomatique depuis longtemps. Il y a donc fort à parier que quelques brebis égarées reviendront dans le troupeau, alors que les détracteurs se feront une joie de pointer le statisme d’un groupe qui a trop peur pour miser gros. Alors que justement, le tapis se charge de jetons, ce qui est la moindre des choses quand on jouit d’une telle réputation.

La trademark est de retour, et les cinq musiciens (Kerry McCoy - basse, George Clarke - chant, Daniel Tracy - batterie, Shiv Mehra - guitare/claviers et Chris Johnson - basse) font corps pour produire la musique la plus puissante possible, sans négliger ces mélodies héritées de la Cold Wave et du Post Punk le moins rigide. Le meilleur exemple d’équilibre est sans doute incarné par l’irrésistible et nerveux « Heathen », qui sonne comme un rejeton 4AD plongé dans un bain d’acide Deathlike Silence. Seul passage en voix claire de George Clarke, c’est l’épitomé d’une recette qui depuis des années contrarie un peu tout le monde, en travestissant le Black Metal d’un déguisement fort étrange. Mais n’est-ce pas ce qu’on vient chercher chez un groupe pareil ?

Nous sommes d’accord. Et d’ailleurs, DEAFHEAVEN joue la franchise, sans tomber dans l’excès, mais « Doberman », des crocs de son titre bande les muscles et affirme l’évidence : le groupe que la moitié de la planète déteste est bien de retour dans l’ombre. La pochette, quoique lumineuse et colorée s’adapte au concept. Un concept porté par des thématiques d’urgence, entre politique, religion, questions sociétales et évidemment, ressenti épidermique d’une génération que l’on sacrifie sur l’autel de la rentabilité. La déshumanisation a donc encore de très beaux jours devant elle, et les californiens le savent. Alors, ils lui composent un contre-argument, et vantent les mérites de l’empathie. Celle, artistique d’un disque incroyablement riche et long, et celle de mains tendues qui refusent l’indifférence. La superbe mélodie de « Amethyst » abonde en ce sens, et tisse un canevas ouvragé, aux mailles fines et à la blancheur immaculée. Aussi acides soient les ambiances, l’émotion brute est toujours à fleur de peau. Et si la peau est trop fine et dommageable à loisir, le sang coulera comme des décibels en fusion.

Inutile de vous préciser que Lonely People With Power est un album qui ne se domestique pas, et qui ne s’appréhende pas entre deux autres sorties, de manière fugace. Il faut s’y plonger, s’y immerger pour en saisir la substance, même s’il est raccord avec d’autres chapitres comme New Bermuda ou Sunbather. On y retrouve l’impulsion qui nous a fait aimer ce groupe à part, et je tiens d’ailleurs à rassurer les opposants : DEAFHEAVEN n’en a toujours rien à carrer de votre fiel, et déverse sur vous un torrent de bile qui vous ronge la critique gratuite. D’ailleurs, inutile de lire ces lignes pour ensuite lâcher un commentaire se voulant acerbe ou éminemment provocant. Je n’en ai rien à carrer non plus, alors gardez vos insultes pour le prochain MGLA. Ou autre.

Sans aller jusqu’à dire que le groupe est plus Black que Gaze, on peut raisonnablement souligner le caractère farouche de ces morceaux, qui laissent tout de même entrevoir une certaine nostalgie, pour ne pas parler de misère affective. Les images qui accompagnent le fluet « Incidental II » ne sont pas sans évoquer un Trent Reznor sonorisant le dernier Ari Aster, alors que « Revelator » prend le contrepied absolu en occupant tout le spectre sonore. Proche de la Norvège de légende, DEAFHEAVEN s’amuse avec un riff purement Metal pour tricoter une structure plus franche, et plus solide. C’est le quintet à son sommet, lorsque la puissance prend le pas sur la nuance, et certainement le morceau le plus abrupt de cet ensemble.

Cette façon de zigzaguer permet à Lonely People With Power de prendre de grosses inspirations avant de partir en apnée. Mais ce concept vit et grouille sous la peau, comme des vers qui anticiperaient un peu trop la décomposition. A l’image d’une magnifique pomme partiellement pourrie à l’intérieur, l’album cache un peu son jeu, et cite hors contexte les JOY DIVISION via le beat raide de « Body Behavior », avant de nous lâcher un énorme court métrage pour illustrer « Winona ». Succession d’images sans lien dans le plus pur esprit d’un épisode culte de True Detective, ce clip est la preuve que les californiens n’ont pas privilégié la forme sur le fond. Car ce disque est profond, personnel, et sans doute le plus fouillé. Ses mots se détachent, comme des promesses, des adieux, des constats, des vœux, et nous racontent notre époque sans tourner autour du pot.

Une façon poétique de voir l’avenir, qui se dessine de plus en plus contrasté et terminal. Si nul ne sait ce qu’il nous réserve, nous en avons tous une idée plus ou moins claire qui s’accordera fort bien de cette bande-son aussi blême qu’elle n’est magnifique. A partir de là, que la controverse soit, plus personne ne s’y intéresse.    

                                                                           

Titres de l’album:

01. Incidental I

02. Doberman

03. Magnolia

04. The Garden Route

05. Heathen

06. Amethyst

07. Incidental II (feat. Jae Matthews of Boy Harsher)

08. Revelator

09. Body Behavior

10. Incidental III (feat. Paul Banks of Interpol)

11. Winona

12. The Marvelous Orange Tree


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par mortne2001 le 01/04/2025 à 17:40
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