Martyrs

Pa Vesh En

26/05/2023

Iron Bonehead

Pendant que vous avez tous le nez dans le muguet, moi j’ai la tronche dans le cloaque de l’humanité, en direct des égouts de l’underground, pour vous raconter une nouvelle histoire d’horreur et d’écoulements nauséabonds. 1er mai oblige, on sort les brindilles, les bouquets, en se réjouissant du caractère chômé d’un lundi qui est toujours appréciable. Mais sous le vernis des convenances, derrière les parfums du printemps se cachent les émanations toxiques d’un Black Metal fétide, ignoble, aussi rigide qu’une zone industrielle abandonnée ou qu’une plaine commerciale déshumanisée. Certes, le propos n’est pas gai, mais la musique de PA VESH EN non plus, et elle n’a jamais cherché à l’être.

Heureusement.

PA VESH EN est à l’image de son nom. Obscur, indéchiffrable, et qu’on interprète un peu comme on veut. La seule chose que l’on connaît du projet est sa provenance, la Biélorussie, puisque le maître d’œuvre s’est toujours caché derrière un anonymat qui s’accorde très bien des options prises. De la décadence, de la gravité, de l’insistance, de la redondance, beaucoup de stridences et un tremblement constant qui nous obligent à cataloguer le projet du côté sombre du Raw Black, voire du Black Indus incantatoire et acharné.

Après trois longue-durée unanimement acclamés par la critique populaire, le concept revient après deux ans d’absence pour nous soumettre une trilogie conceptuelle, qui pourrait dériver du film éponyme de Pascal Laugier. Mais rien n’est sûr encore une fois, et autant prendre ce nouveau chapitre pour ce qu’il est : une énième histoire glauque, divisée en trois chapitres pour traumatiser des légions de fans pas encore remis de la secousse Maniac Manifest.

Ce troisième-né était justement la charnière qui a fait basculer PA VESH EN d’un DSBM classique et tragique vers un BM plus généraliste et cryptique à la fois. Aujourd’hui, toutes les pistes sont permises, et à l’image d’un TERRA TENEBROSA errant dans un purgatoire de limbes et figures fantomatiques, Martyrs arpente les chemins rocailleux, le cœur sec comme un coup de trique et l’humeur vagabonde.

Plus simplement, ce nouvel album est une ode au chaos, une tentative de nihilisme constructif, et certainement le plus bel hommage rendu à la violence sud-américaine, mexicaine, russe et anglaise. On trouve sur le chemin des traces d’écho de caverne infernale, des pas que l’on suit la sueur au front, et plus généralement, des cris, des coups de grosse caisse qui nous appuient sur les tempes, pour un maelstrom débordant de méchanceté et de noirceur. De là à dire que nous avons franchi un cap en 2023, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.

Iron Bonehead, présent dès le début de l’aventure, se réjouit de cette transformation. Le label savait le projet capable de monter dans les tours et de descendre vers les enfers, et ces neuf morceaux prouvent qu’il avait raison. Evidemment, le plus grand dénominateur commun aura du mal à s’identifier à ce son compact, semblant émerger d’un canyon oublié par le temps, en écho d’un passé enterré qui ne demande qu’à revivre. Il est difficile d’identifier le moindre instrument perdu dans ce mix énorme, de séparer les couches de voix des lignes de basse, ou de discerner le moindre motif identifiable. Il y a des guitares, ce qui semble irréfutable, mais les riffs se noient dans cette mare de violence comme des poissons privés d’oxygène. Il y a un chanteur, qui officie dans le lointain, mais impossible de savoir ce qu’il raconte. En gros, on sait que quelqu’un joue de quelque chose, mais on ne sait pas de quoi. Et la sensation est assez agréable.

Loin des produits déjà faisandés à la mise en rayon, Martyrs est réfléchi, pensé, soupesé et organisé. Il répond certes à un besoin de chaos, mais il ne résulte pas d’une pensée aléatoire qui utilise les motifs qui lui passent par la tête. Les breaks, les cassures, les prises de positions sont claires malgré le brouhaha ambiant, et si le tout laisse des céphalées assez gratinées, il n’en remplit pas moins la tête d’idées malsaines, de scénarii morbides, et autres images d’Epinal glauques et putrides.

De là à pouvoir séparer les trois actes sans avoir recours au tracklisting…N’exagérons pas. PA VESH EN n’est pas adepte de l’église de la clarté, et préfère laisser son inspiration dériver le long d’un Black Metal fort, puissant, occulte, et terriblement sauvage. Le mot est lâché, et votre curiosité satisfaite. Mais attention toutefois à ne pas trop vous sentir en confiance. Il y a des voyages dont on ne revient pas.

Pas forcément la bande-son adaptée à une journée de manifestations et de revendications, mais plutôt une projection de la déshumanisation progressive de la société sous les coups de boutoir d’un capitalisme écocide, et d’une spéculation excessivement enthousiaste. Le monde peut bien crever, c’est inévitable, et nos concerts de casseroles n’y changeront rien. Et PA VESH EN de nous rappeler que nous sommes tous les martyrs de notre propre inaction, nous qui décidons de prendre les armes quand il est déjà trop tard.          

        

                         

Titres de l’album:

Act I - Vigilia

01. A Vigilian Impending Murk

02. The House Of Pain

03. In The Torment Cell

 

Act II - Liturgy

04. The Revenant's Overture

05. Among A Stir Of Echoes

06. Following The Pestilent Maiden

 

Act III - Emanation

07. When The Lights Out

08. The Carnival Of Eerie Souls

09. Le Fantôme De Cette Madame


Soundcloud Label


par mortne2001 le 05/09/2023 à 17:32
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