Once Upon a Time

Cryptex

08/05/2020

Steamhammer Spv

Si vous avez lu Da Vinci Code de Dan Brown, le concept du cryptex doit vous être connu. Souvenez-vous, cet espèce de petit objet renfermant un papyrus secret qui se dissout au contact du vinaire s’il est forcé, et que Robert Langdon parvient à ouvrir pour enfin trouver le St Graal. Le néologisme inventé viendrait de la contraction des mots cryptologie et codex, mais la trouvaille n’est pas dénuée de sens pour peu qu’on la résume à son statut de mini coffre-fort inviolable. Le mystère donc, le jeu de pistes, la connaissance d’une légende ou d’une partie de l’histoire, mais surtout, quelque chose qu’on se transmet de génération en génération, pour qu’un secret reste bien gardé. Cette analogie est parfaite au moment de parler de CRYPTEX, groupe étrange venu d’Allemagne, et accusant plus d’une décennie d’existence. Les albums du trio ont en effet cette patine opaque qui les rend si précieux, mais aussi difficile d’accès pour le néophyte découvrant leur art par hasard, ou le chaland préférant les choses plus marquées et précises. Il est donc très difficile de situer la musique de ces musiciens au long cours qui ont décidé un jour de ne pas choisir entre Rock, Pop, Progressif, expérimental, alternatif, pour proposer un mélange délicieux, sucré mais corsé, alambiqué mais simple d’aspect, et reposant sur deux éléments majeurs : la dextérité technique et une imagination débridée. Nous sommes donc loin des produits proposés habituellement par SPV/Steamhammer, et très loin d’un Heavy Metal de base ou d’un Power Metal classique. Ici, la folie créative est à l’honneur, la sensibilité est exacerbée, et la démence douce et contagieuse, et certains morceaux proposent une échappatoire magique à la réalité de la production qui privilégie souvent une normalité confortable.

Fondé en 2009, CRYPTEX est avant tout un trio d’iconoclastes (Simon Moskon - chant/claviers/basse, Marc Andrejkovits - guitare/basse et Andre Jean Henri Mertens - guitare), qui en une poignée d’albums ont défini les non-limites de leur propre monde. Si les auteurs jugent leur second album un peu formel et osons leur propre terme, « constipé », leur premier album reste un modèle de naturel pour eux, naturel qu’ils ont souhaité retrouver avec cet Once Upon a Time. Avec l’aide du batteur Simon Schröder, les trois comparses ont cherché le son parfait pour illustrer leur démarche 2020, et l’ont visiblement trouvé selon ce que j’ai écouté sur ces treize morceaux riches aux textures profondes et complexes. En résumant l’affaire à un Metal progressif expurgé de toute prétention trop arty, on peut facilement dessiner les contours d’un disque qui se propose de traiter la mélodie et le rythme différemment, de façon plus instinctive et spontanée. Toutefois, ce travail est réfléchi n’en doutez pas. Chaque arrangement est à sa place, mais cette musique sonne organique, comme le fruit d’une collaboration entre trois poètes musicaux se laissant guider par leurs humeurs. C’est ainsi que l’on passe d’une contemplation de clavier à une fièvre de guitare, sans que la transition ne choque. L’aspect un peu poppy de l’affaire pourra sans doute rebuter les puristes, mais ces instants, loin d’être déplacés confèrent à l’ensemble une énergie incroyable, à l’image du souple « Haunted » qui évoque un mariage entre PLACEBO, MARILLION et THE TEA PARTY. Pas étonnant dès lors que le groupe ait pu tourner et jouer avec Alice COOPER, PAIN OF SALVATION, THRESHOLD, et quitter leur Allemagne natale pour jouer aux Etats-Unis. Leur musique leur permet de s’adapter à tous les contextes, à tous les styles, sans paraître trop générique ou le cul entre deux chaises. On reste admiratif face à cette façon presque opératique de traiter une harmonie simple et pure, qui entre leurs mains devient un signal lancé du paradis de la musique, une corde tendue entre le ciel et la terre.

D’un autre côté, ne prenez pas cet album pour une petite chose fragile qu’il convient de manipuler avec précaution. Once Upon a Time, comme tout conte de fée qui se respecte recèle aussi des moments d’agressivité et de tension, et lorsque la guitare lâche ses riffs, elle ne fait pas semblant. J’en veux pour preuve le monstrueux et élastique « Body Language », qui mélange QUEENSRYCHE, DREAM THEATER, YES et OOMPH !, et qui propose un refrain dantesque, laissant un lick énorme rebondir sur une rythmique en trampoline. La brièveté des morceaux n’entame en rien leur richesse, et il n’est pas rare de trouver deux ou trois plans porteurs pour quatre minutes d’agencement, sans que la cohésion n’en pâtisse. La voix de Simon Moskon, particulière mais attachante permet à l’instrumental de partir un peu où il veut, mais jamais n’importe où. Certes, cet instrumental est plus Rock que Metal dans le fond, mais un peu d’ouverture d’esprit n’a jamais fait de mal à personne, d’autant plus que lorsque le côté métallique se réveille, il ne le fait pas à moitié comme sur le refrain aux tonalités subtilement orientales de « Two Horned Crown ». Il y a donc de tout sur cet album, susceptible de séduire le plus grand nombre, mais surtout, les amoureux d’une musique affranchie de tout carcan. Parfois, l’optique du groupe s’affilie à une forme simplifiée de PORCUPINE TREE matinée de Devin TOWNSEND orchestral (« Reptiles »), et de temps à autres, elle s’éloigne radicalement du Rock pour fricoter avec une Pop anglaise délicieuse et ludique (« I Don’t Know Why », petit plaisir coupable au clavier taquin). Tous ces aspects différents et complémentaires confèrent à l’œuvre une personnalité unique, sorte de conte pour les oreilles, qui s’écoute comme on lit une histoire merveilleuse à ses enfants. Sauf qu’ici, le propos n’est pas d’endormir, mais bien d’éveiller à d’autres possibilités, de proposer quelque chose de différent, de plus cristallin mais pas mièvre pour autant (« I See It In Your Eyes »), et lorsque la voix termine sa narration sur « Leaving », l’aventure se termine, laissant un souvenir impérissable dans les mémoires.

Rarement musique n’aura sonné aussi libre et naturelle, et le talent des allemands éclate au grand jour par l’entremise de Once Upon a Time, fable pour grands enfants encore capables de croire que la musique n’est pas une affaire de style, mais de culot et de sincérité. Une œuvre fascinante, qui demande plusieurs écoutes pour être apprécié dans sa globalité et ses détails, et une très belle surprise dans l’actualité musicale. Ici, pas de nostalgie bon marché, pas de conformisme rassurant, mais de la curiosité saine, et une aventure hors du commun.   

          

Titres de l’album :

01. Once Upon A Time

02. Because The Reason Is You

03. Bloodmoon

04. Body Language

05. Two Horned Crown

06. Haunted

07. Reptiles

08. I Don’t Know Why

09. The Promise Keeper

10. I See It In Your Eyes

11. A Mo(u)rning

12. Leaving

13. Closer


Site officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 06/12/2020 à 18:30
88 %    626

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Midnight + Cyclone + High Command // Paris

Mold_Putrefaction 24/04/2024

Live Report

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
roulure

true norwegian roue libre

26/04/2024, 13:40

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Humungus

Putain !Si j'avais été au jus de cette date, j'aurai fait le déplacement boudiou...Pis je vois que tu causes de BARABBAS à Nancy ?!Et c'est... ... ... Ce soir.Re-Putain !

25/04/2024, 13:28

Tut tut!

25/04/2024, 12:44

Gargan

ça me fait penser à moi ivre mort parodiant Maurice Bejart, sur fond de Stravinski. Plus glucose, tu meurs. Mauriiiiice !

25/04/2024, 10:28

DPD

Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.

24/04/2024, 14:26

RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20