Je me souviens très bien de ce film de Jean-Claude Messiaen avec Gérard Lanvin et Eddy Mitchell, Ronde de Nuit. L’histoire de ces deux flics dessaisis d’une enquête pour avoir fourré leur nez là où il ne fallait pas. Symptomatique du cinéma policier français des années 80, ce petit buddy movie parlait des dérives nocturnes, des rencontres, d’une faune interlope et de la corruption, et restait emblématique de l’année de sa sortie, en 1984.

En 1984, il s’en passait des choses sur la planète Hard. IRON MAIDEN sortait son chef d’œuvre Powerslave, ARMORED SAINT commençait sa carrière, SCORPIONS mettait le monde à genoux avec Love at First Sting, et WHITESNAKE gloussait de plaisir sur le libidineux Slide it In. Mais il n’y a pas qu’en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis que les choses bougeaient. La France voyait sa seconde génération de groupes envahir les bacs avec des premiers ou seconds albums, et la déferlante n’était pas prête à s’arrêter. Bien au contraire.

La liste des sorties de cette année 1984 était plutôt conséquente. MYSTERY BLUE, DEMON EYES, WARNING, H-BOMB, RAVENS, VULCAIN, NIGHTMARE, DER KAISER, tous ont contribué à réchauffer l’atmosphère dans notre beau pays, grâce à un habile jeu d’influences digérées pour être régurgitées de façon légèrement plus personnelles. A l’époque, il n’est pas encore question en France de Thrash, de Hard-FM, d’AOR ou autres fantaisies à la mode. Non, seuls le Hard-Rock et le Heavy-Metal sont à l’honneur, et défendus corps et âmes par ces chevaliers d’un temps nouveau qui n’avaient rien d’un Goldorak japonais, mais qui défendaient une ligne Maginot musicale pour mettre le France à l’honneur.

Ce long préambule pour dire que les lyonnais de MEURTRIERES viennent d’accoucher d’un premier longue-durée qui aurait justement pu voir le jour en 1984. Cette Ronde de Nuit, qui fait suite à un premier EP acclamé, accepte l’héritage des grands-frères et des grands-pères, et paie son tribut aux attaques conjointes de DEMON EYES, SORTILEGE, HIGH POWER et autres représentants d’acier made in France.

De fait, si la nostalgie n’est pas votre bière tiède préférée, passez votre chemin. Car ici, tout est fait pour vous replonger dans le passé glorieux d’une première ligne de groupes français qui allaient définir la ligne de conduite à suivre pendant les eighties. Prendre un peu de MAIDEN, de SCORPIONS, de DEEP PURPLE, de MOTORHEAD, pour poser les bases d’une scène prête à accueillir les groupes les plus méritants.

Dans un village de désespoir

De viles corneilles sur les trottoirs

Se régalent de sombres histoires

La ronde de nuit cherche son coupable     

Xavier (basse), Thomas (batterie), Olivier et Flo Spector (guitares) et Fiona (chant) revisitent donc les classiques d’il y a quarante ans ou presque, pour signer un disque de haute volée, et en réminiscence des débuts du Heavy dans notre beau pays. L’illusion est parfaite, l’impression durable et le goût agréable, entre pugnacité à l’allemande et lyrisme à la française.                

Si le chant de Fiona, un peu forcé et trop mis en avant pourra rebuter les amateurs de timbre plus rauque et maîtrisé, les guitares d’Olivier et Flo Spector abattent un boulot conséquent, en se lovant dans le giron d’une première moitié d’années 80 qui étaient alors dominées par le fer et l’acier. Le tout, délicieusement passéiste, nous confirme que la Suède, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grèce ne sont pas les seuls dépositaires des coffres de la nostalgie, et que notre sympathique pays peut lui aussi multiplier les allusions à sa propre histoire.

Beaucoup d’énergie, beaucoup d’envie, pour un quintet qui sait déjà ce qu’il veut et se montre capable de signer des hymnes comme on les aimait quatre décennies plus tôt. Si beaucoup se diront que l’entreprise est quand même un peu discutable d’un point de vue artistique, la plupart des plans semblant avoir été écrits il y a bien longtemps par d’autres artistes, les fans d’un Metal noble reconnaitront les leurs, ces croisés avec foi et loi dont la quête est simple : retrouver les sensations initiales, pour ressentir une nouvelle fois cette chair de poule liée à cette distorsion typique et à ces structures historiques.

MEURTRIERES s’en sort donc très bien, dans un registre bien connu des amateurs de LORRAINE CROSS, CITADELLE, HERZEL ou des finlandais de CHEVALIER, et nous offre avec Ronde de Nuit une belle balade nocturne dans les rues d’une France qui a bien besoin de sentir ses murs trembler de la passion de sa jeunesse sacrifiée et désabusée.      

Titres de l’album:

01. Rubicon

02. Aucun Homme, Aucun Dogme, Aucune Croix

03. Tempête & Naufrage

04. Ronde De Nuit

05. Alma Mater

06. Chevaleresses Du Chaos

07. La Revenante

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