Silhouettes

Maelstrom Vale

12/07/2019

Autoproduction

J’aurais parié ma chemise (je n’en porte pas, mais bon) que ces mecs-là venaient de Norvège. Ne me demandez pas pourquoi, mais leur musique m’a rappelé la créativité de ce pays depuis la seconde moitié des nineties, mais pari perdu, ils sont canadiens. Non que nos cousins soient incapables de faire preuve d’audace et d’inventivité (le seul nom de VOÏVOD suffit à prouver le contraire, et si ça ne suffit pas, ajoutons-y RUSH), mais il est certain que l’atmosphère générale de ce premier LP témoigne d’une certaine rigidité plutôt coutumière aux peuples d’Europe du Nord…Toujours est-il que quelques minutes après avoir lancé l’écoute d’un des morceaux de cette œuvre, je me sentais déstabilisé, un peu perdu, à la limite de me raccrocher aux branches, avant de découvrir l’univers de ces canadiens déjantés qui ne voient pas la musique et le solfège comme tout le monde. Se réclamant d’une mouvance de Death Metal progressif très excentré et étrange, les MAELSTROM VALE joueraient plutôt une forme très personnelle de Metal extrême technique et ludique, n’hésitant jamais à nuancer leur agressivité de quelques touches de Rock, de Pop, de Folk, d’Indie, jouant avec nos nerfs pour nous empêcher de stabiliser notre esprit en le fixant sur des plans logiques et inamovibles. La sublime pochette donne d’ailleurs quelques indications abstraites sur le contenu de ce premier LP, qui fait suite à un format court publié en 2017 (Disquiet). Et pour en terminer avec les métaphores et autres images, je me baserai sur la fameuse chanson « Silhouettes » du groupe THE RAYS, datant de 1957. L’histoire de cet homme qui attend sa fiancée ne répondant pas au téléphone, et qui finit par aller jusque devant chez elle, avant de remarquer son ombre et celle d’un homme par la fenêtre. L’effet produit sera le même sur vous, lorsque vous apercevrez votre Metal traditionnel en ombre chinoise valser avec celle d’autres musiques n’ayant rien à voir, et adoptant des pas de danse au rythme douteux…

Le parallèle vous sied ? Alors accrochez-vous. Admettant des accointances et influences diverses (IN FLAMES, BETWEEN THE BURIED AND ME, TRIVIUM, BLACK SABBATH, PROTEST THE HERO, AMON AMARTH, ENSLAVED, KILLSWITCH ENGAGE, SLAYER, LAMB OF GOD), les MAELSTROM VALE seraient plutôt uniques en leur genre, et dignes d’une filiation un peu moins évidente. Car en mixant la puissance obscure de SHINING, les signatures rythmiques de PERIPHERY, l’attitude gentiment bucolique de JETHRO TULL, la violence brute et crue de DILLINGER ESCAPE PLAN, l’abstraction harmonique de ZAPPA, et les incisions psychédéliques en terrain brutal des BLIND ILLUSION, le tout arrangé à la sauce STRAPPING YOUNG LAD déviée par les PSYCHOTIC WALTZ, Silhouettes déforme la réalité des faits pour la modeler à son envie…Se calant la plupart du temps sur des tempi simples qu’ils torturent à loisir, y ajoutant des vices de forme vocaux dignes de l’écurie Patton et compagnie, taillant dans le gras de riffs qui n’en sont pas vraiment, les canadiens nous offrent en ouverture l’un de leurs morceaux les plus évidents, et qui en dit long sur la folie à suivre. « « Many Years Later » », aussi complexe et bizarre soit-il est pourtant l’un des plus consensuels du lot, et « To Surpass the Gods » de très vite nous accoutumer à ne pas nous habituer ni à nous fier à ce qu’on croit entendre. Un énorme travail vocal, des plans qui s’entrechoquent à vitesse grand V mais sans perdre le fil, des harmonies un peu larvées, des tendances à valser alors qu’on ne demande qu’à headbanguer, des coupures inopinées qui se la jouent cabaret de l’étrange, et la donne est donnée, les cartes posées, et l’atout sorti de la manche : les MAELSTROM VALE sont de gros tarés, aussi excentriques qu’ils ne sont efficaces, et des extraterrestres qui parviennent à retranscrire la schizophrénie en musique.

Alors Death Metal progressif oui, d’un certain côté, mais tellement d’autres de l’autre qu’il m’est impossible de les cataloguer. Et pour vous persuader du bien fondé de mon trouble, enfilez-vous le long et monstrueux « The Fear of July », qui commence sa longue course comme un hit Hard Rock des années 80, avant de la poursuivre en mode CANDIRIA et MORBID ANGEL perdus dans la forêt du barde Ian Anderson. Plus de trois minutes de Metal extrême champêtre, aussi apaisant qu’il n’est agité, avant que la voix neutre et écorchée du chanteur ne batte le rappel de l’arythmie. Kurt Bergsma (chant, slide, flute et kazzo), Evan J.A. Sundbo (guitare), Andrew Linsley (basse/chant) et Lyndon Lapierre (batterie) ne reculent donc devant rien pour imposer leur personnalité, mais le font avec une grande intelligence, puisque leurs constructions sont cohérentes, logiques dans l’absence de logique, et surtout, fascinantes dans le déroulé. Ne sachant jamais à quoi s’attendre de leur part, l’auditeur reste sur le qui-vive, mais ne peut anticiper les délires géniaux qui animent ces sept pistes, tout en appréciant un Metal puissant et fédérateur. Et si tous les morceaux ne sont pas aussi denses que les précédents ou suivants, ils contiennent tous une ou plusieurs idées de fou, accolées à des parties beaucoup plus classiques. Ainsi, « Thulcandra Pt II: The Boogeyman » sonne comme du PRIMUS déchiffré par VIRUS, alors que « Doomed Traveler » s’amuse beaucoup de ses références 80’s (la touche techno-Thrash de l’époque est bien présente), en les mixant dans un brouet concocté conjointement par ATHEIST, NOCTURNUS, VOÏVOD et autres chantres d’un bon goût décalé.

Difficile d’ailleurs de recenser toutes les fulgurances d’un album qui ne contient que ça. En imposant une acoustique doucereuse pour mieux la crucifier sur l’autel d’un Death implacable (« Shadow Puppets »), pour fricoter avec les limites du gothique le plus poisseux et dissonant, en incarcérant de force le condamné DREAM THEATER dans une prison gardée par un exilé de la Bay Area (« Thulcandra »), les canadiens créent un univers parallèle ou la continuité est discontinue, ou la compréhension est déconstruite, et où les cours de solfège les plus pointus servent d’exutoire à une violence intérieure. Sachant qu’il est très difficile d’être original sans tomber dans le piège de l’assemblage disparate, la performance n’en est que plus notable. MAELSTROM VALE signe donc avec Silhouettes une valse à onze temps trois quarts, envoutante, qui semble se terminer alors qu’elle vient juste de commencer, et qui s’achève alors que le charme opère encore.          

 

Titres de l’album :

                              1."Many Years Later..."

                              2.To Surpass the Gods

                              3.Thulcandra

                             4.The Fear of July

                              5.Thulcandra Pt II: The Boogeyman

                              6.Doomed Traveler

                              7.Shadow Puppets

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par mortne2001 le 07/12/2019 à 18:18
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