La pochette dit tout, sans dire grand-chose. Ce noir et blanc saturé, cette silhouette anonyme, ces accessoires qu’on imagine achetés pour l’occasion, ce couteau brandi d’une main molle nous aiguillent sur la piste d’un Black Metal classique, attaché aux valeurs essentielles, mais perméable à des influences plus modernes. Mais le nom lui-même a tôt fait de nous remettre sur le droit chemin. Car après tout, SPECTRAL WOUND est l’une des valeurs les plus sûres de la scène canadienne de ces dix dernières années, et le gardien d’une flamme blafarde qui peine à éclairer les ténèbres qui nous entourent.
Depuis son entrée dans la cour des grands, SPECTRAL WOUND a mis un point d’horreur à publier tous les trois ans. Cette régularité est encore respectée en 2024, trois ans après le massacre A Diabolic Thirst, jugé par beaucoup comme l’achèvement majeur de la horde. Il est donc tout à fait logique que le groupe en reprenne les grandes lignes aujourd’hui, via sept nouveaux morceaux de bile et de fiel, ces fameuses chansons de sang et de fange.
Songs Of Blood And Mire honore sa pochette et son titre. Il met en place un décorum funèbre mais grandiloquent, toujours à cheval entre tradition et minimalisme sonore. Très proche d’un Raw Black travaillé, ce quatrième long honore ses maîtres mais aussi ses propres idoles. On y sent la fraicheur du vent canadien, mais aussi l’air putride des parcs norvégiens, ceux qui servaient d’exutoire à la folie des premiers convertis. Cette façon de jouer le BM comme s’il n’avait pas évolué en trente ans a quelque chose de touchant et de marquant, et pourtant, impossible de taxer le quintet de trop passéiste ou statique.
Illusory (batterie), Patrick (guitare), Jonah (chant), Sam (basse/chœurs), et A.A. (guitare) en remettent donc une bonne couche de chaux par-dessus les excréments de l’existence. Cette fange dans laquelle ils aiment tant se rouler est épaisse, chaude, fumante et accueillante, osant parfois servir de théâtre de gestes pour guitares prestes. Les riffs estampillés Rock n’Thrash sont une fois encore bien présents, et font le lien avec les blasts d’avant-hier, qui constituent encore le plus gros de l’ossature. Mais avec un hymne de la trempe de « Aristocratic Suicidal Black Metal » (le premier single, bien choisi), SPECTRAL WOUND nous voit venir. Il sait qu’on ne résistera pas à ce groove occulte, et à cette préciosité satanique qui sont l’apanage des plus portés sur la luxure crasse et le vice d’immondices.
Et il a raison.
Mais cette petite astuce de single ne définit pas tout l’album, bien au contraire, elle n’en est qu’une exception. Le reste répond aux critères habituels de cruauté musicale, cette cruauté que l’on a déjà supportée pendant les années 90 sans moufter, ni se plaindre. En alternant le tempo, SPECTRAL WOUND joue une fois encore sur les nuances de noir et blanc, sature le spectre musical, remplit les cases et laisse peu de blancs. Cette masse sonore compacte évoque le meilleur de la misanthropie nordique, mais aussi l’approche tout aussi amère du nord de l’Amérique du Nord. Le Canada, qui lui aussi a accouché de monstres de légende qui ont passé leur temps à décrire un univers de froid et de nihilisme.
« The Horn Marauding » est peut-être le parangon de cette méthode d’alternance, avec ces idées imbriquées comme des actes de profanation, et cette gestuelle théâtrale mais persuasive. On se souvient de DARKTHRONE et IMMORTAL, mais aussi de FORTERESSE, NOCTURNAL DEPARTURE, MONARQUE et NIMBIFER. Avec quatre albums et une décennie d’existence, SPECTRAL WOUND fait maintenant partie du cénacle, et accueille les fidèles avec respect. Le respect du travail bien fait.
Outre cette régularité triennale, Songs Of Blood And Mire observe aussi un partage du temps très calibré. Chaque titre titille ou dépasse les six minutes, ce qui permet d’apprécier l’inspiration sans avoir à subir trop de sautes d’humeur. « Fevers and Suffering » est l’intro rêvée, avec sa sécheresse et son port de tête altier, mais « Less and Less Human, O Savage Spirit » incarne l’esprit ancien qui guide les pas à travers cette forêt de désespoir.
En revenant constamment sur ses pas sans changer ses options, ce quatrième long propose un voyage difficile, mal aiguillé, mais enrichissant. « A Coin upon the Tongue » se charge des légendes et mythes qu’on se raconte au coin d’un feu faiblard, et « Twelve Moons in Hell » regarde les cieux en tuant les étoiles des yeux.
Aussi incorruptible que malléable, ce nouveau matériau restaure les inclinaisons du Black Metal le plus solitaire, hivernal et menaçant. SPECTRAL WOUND n’a joué ni la surprise ni l’étonnement, et reste les dix pieds fermement campés sur ses propres terres. Des terres arides, un sol craquelé, mais un blason respecté par tous les gueux.
Qu’il fait froid au Canada. Mais c’est sans doute le prix à payer pour être dépaysé.
Titres de l’album:
01. Fevers and Suffering
02. At Wine-Dark Midnight in Mouldering Halls
03. Aristocratic Suicidal Black Metal
04. The Horn Marauding
05. Less and Less Human, O Savage Spirit
06. A Coin upon the Tongue
07. Twelve Moons in Hell
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Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)
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@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.
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