Id

Jurassic Jade

09/12/2020

Bang The Head Records

Lorsqu’on parle de Metal japonais des années 80 en espérant des exemples, les yeux s’écarquillent, et les doigts grattent les crânes. Le nom de LOUDNESS vient évidemment assez facilement, celui d’EZO moins, et même en attendant un peu plus longtemps, on a rarement le droit à VOW WOW ou X-JAPAN. Mais si d’aventure, le sujet se précisait autour du Thrash nippon, les langues se lieraient immédiatement, et les expressions resteraient coites. Certes, on ne peut en vouloir à nos interlocuteurs de ne pas être capable de citer un seul nom, puisque les sorties extrêmes de l’époque étaient réservées au marché national. Pourtant, dans les années 80, le Japon a versé une large obole à la cause Thrash, notamment via ses deux représentants les plus nobles, OUTRAGE et DOOM. Les premiers se contentaient d’un formalisme californien de bon gout, tandis que les seconds s’autorisaient un psychédélisme à la VOÏVOD pour devenir le combo le plus culte du créneau au pays du soleil levant. D’autres acteurs s’agitaient dans l’underground, et certains sévissent toujours, dont les JURASSIC JADE qui nous avaient gratifiés en 1989 d’un Gore qui ne méritait pas son titre, et qui faisait l’apologie d’un Thrash assez diffus, pour le moins original. Comble de la distinction, le groupe pouvait s’enorgueillir à l’époque de laisser une femme tenir le micro, ce qui était chose plus que rare dans le Thrash, genre viril dominé par les hurleurs masculins. Mais avec la présence d’Hizumi au micro, les japonais se distinguaient clairement de leurs rivaux, et imprimaient leur nom au fer rouge dans les mémoires. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’ils aient été considérés pendant longtemps comme l’équivalent nippon des DETENTE, ce qui reste encore aujourd’hui une comparaison viable.

Et à l’image d’OUTRAGE qui continue de ruiner les scènes aujourd’hui, JURASSIC JADE n’a jamais rendu son sabre, et a terminé l’année 2020 en publiant son sixième album en 2020, six ans après son dernier EP Kiten paru en 2014. Même si le groupe a marqué quelques pauses dans son histoire, la dernière a clairement été la plus longue, à tel point qu’on commençait à le croire hors course. Mais fort heureusement, Id est venu effacer nos doutes de sa puissance, et incarne le retour en forme d’un des groupes les plus à part de la scène de l’est. Et ce qui est encore plus extraordinaire à leur propos, c’est que leur formation n’a que peu évolué depuis leurs débuts, puisqu’on retrouve au sein du line-up trois membres d’origine, Haya (batterie), Nob (guitare) et bien sûr Hizumi (chant), ensemble depuis 1985 et la genèse du combo, soutenus par la basse du petit dernier Watanabe, enrôlé en 2018. Belle longévité donc pour JURASSIC JADE, mais la durée n’étant rien sans la qualité, on attendait d’en savoir plus avant de louer leur comeback, qui peut aujourd’hui être entériné par la hargne et la violence de cet Id.

Première contestation, Hizumi grogne comme jamais, et rapproche même son groupe d’une formule boostée des légendaires HOLY MOSES. On le constate encore mieux sur un morceau comme « 黒く塗られた », d’une densité folle, et sur lequel tous les musiciens se lâchent comme une meute de chiens pendant une battue. Et si le quatuor a encore une fois mis l’emphase sur le volume et la brutalité, son originalité n’a pas été oubliée sur les étagères du temps, et cette approche délicatement sournoise, psychédélique et discordante persiste toujours en 2020, ce qui a pour effet de distinguer cette sortie de la masse des hommages old-school. Bien sûr, en jouant les avocats du diable, on notera un certain systématisme dans les attaques, mais le groupe parvient toujours à redresser la barre d’un break totalement impromptu et légèrement planant, pour se rapprocher de ses homologues de DOOM. Mais c’est par le tonitruant et direct « ないことあること » que le groupe commence son entreprise de démolition, via un brulot Thrash que Dawn Crosby et les siens n’auraient pas renié. Et c’est justement cette attitude Punk que l’on aime tant chez les JURASSIC JADE qui n’ont jamais eu peur de concevoir le Thrash comme un gigantesque cocktail de violence.

Difficile de croire en écoutant cet album que les japonais accusent trente-cinq ans de carrière, tant Id sonne frais, puissant et dispo. En alternant très intelligemment les compositions courtes et punchy et les longues digressions atmosphériques, le quatuor nous propose un album parfaitement équilibré, et lorsque les ténèbres de « ようこそDear Girl » s’abattent sur vous, il ne vous reste plus qu’à prier pour qu’elles ne vous engloutissent pas. Archétype du morceau à tiroir et à ambiance délicatement horrifique, ce morceau est assurément le point d’orgue de cette réalisation solide de bout ne bout, et contrebalance impeccablement des saillies plus viscérales comme « Cafe Baghdad Vice » qui sonne comme du TESTAMENT sous stéroïdes.

A l’inverse des plus grands représentants européens et américains du genre, les japonais n’ont jamais perdu la foi en cette singularité qui leur permet de proposer en 2020 des albums complexes, fouillés, qui refusent obstinément le rôle de copie-carbone de classiques des eighties. Et si le tout reste évidemment connoté par cette décennie, la production se veut moderne, mais évite l’impolitesse de ces fréquences nivelées, et de cette batterie surgonflée pour sonner plus puissante qu’elle ne l’est réellement.   

Avec quarante minutes à peine au compteur, Id frôle la perfection dans le style, grâce à des interventions nuancées et culottées (« Cold Sleeps » mystique et pénétrant à souhait) et des envies progressives prononcées (« 晴れた夏の朝 », limite alternatif avec cette basse roulante et ces cocottes de guitare). En maîtresse de cérémonie, Hizumi n’a rien perdu de sa hargne et de son talent de conteuse Thrash, et sous le maquillage se cache toujours l’une des vocalistes les plus volubiles, tous genres confondus. Loin du naufrage des derniers défenseurs de la cause 80, la nouvelle traversée des japonais de JURASSIC JADE nous emmène pour un voyage au long-cours perturbé par une gigantesque houle et des vagues de taille conséquente, dont on ressort lessivé, mais heureux de constater que le Thrash peut encore se montrer sinon original, du moins personnel.   

                     

Titres de l’album:

1. ないことあること

2. P K

3. Cold Sleeps

4. はじめてのLove Song

5. ようこそDear Girl

6. Never Child Mother Land

7. 黒く塗られた

8. 遼かなるペシャワール

9. Cafe Baghdad Vice –Missing Link part 2

10. 晴れた夏の朝 –Missing Link part 1

11. 22nd Hemiplegia


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par mortne2001 le 05/01/2021 à 14:47
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