Sons of Midwestern Darkness

Witch Taint

10/04/2020

Tee Pee Records

Si vous traînez sur les arcanes de la toile, vous avez obligatoirement entendu parler du concept WITCH TAINT, ne serait-ce que par leur clip abondamment partagé. Et si la vision de ces mecs grimés comme des zombies de Romero sur le tournage de son classique de 78 ne vous a pas fait pouffer, il y a de grandes chances que leur musique elle, vous ait enthousiasmé. Il est de notoriété publique que les albums de Comedy Music ne sont pas les plus simples à réaliser. En effet, dans la majeure partie des cas, les textes sont hilarants, mais la musique ne suit pas, ou l’inverse. Les bons projets sont rares, et notons TENACIOUS D (quoique leur appartenance au créneau soit discutable), STEEL PANTHER (même problématique), GWAR (??), NANOWAR OF STEEL, BAD NEWS, et quelques autres ayant souvent réussi à trouver le bon équilibre entre humour potache et chansons tenant la route. Le Black Metal, en dehors d’un morceau plus que discutable de SPINAL TAP (« Hell Hole ») pouvait s’appuyer sur les tarés de DARK LUPIN (mais pas forcément les plus solides musicalement), mais n’était pas un style propice au second-degré, ses acteurs principaux le tenant en trop haute estime pour supporter l’ironie. Alors, en découvrant les flingués de WITCH TAINT, l’inquiétude était de mise. Allions-nous encore avoir droit à une pantalonnade affligeante, à des gags à l’emporte-pièce sur fond de riffs réchauffés, ou bien à un vrai produit de qualité, apte à nous faire rire autant que headbanguer ? Après écoutes multiples de ce premier LP, la réponse est affirmative, et pas à moitié. Les héros fardés et bleutés sortant d’un rush oublié du Lac des Morts-Vivants de Rollin via Eurociné sont aussi drôles qu’ils ne sont pertinents musicalement, et Sons of Midwestern Darkness est un petit bijou, une franche réussite aussi amusante qu’entraînante, grâce à des compositions solides, aux refrains irrésistibles, aux textes malins, et aux gimmicks sereins.

Selon la légende, le groupe serait le duo le plus norvégien de Gary Indiana. Selon la même légende, ses deux membres fondateurs se cacheraient derrière des pseudos, ainsi, le terrifiant Lance the King of Black Metal serait en fait le comédien/musicien Dave Hill, tandis que le sobriquet Matthias Backwards cacherait quant à lui l’identité de Phil Costello, lui aussi musicien et comédien. Accompagnés de quatre autres bougres sur scène (le groupe a joué au SXSW, à Londres et à Oslo, avec Fenriz de DARKTHRONE au premier rang, ça en jette), les deux olibrius se vantent donc d’être le groupe le plus evil de la création, et une sorte de malaise Black Metal amplifié et encore plus affreux. Certes, le concept est assez  fun dans l’esprit, mais la réalité musicale est tout autre. Avec un corpsepaint cheap et fait main, une thématique diabolique, une pochette peinte par une classe de CM2 et des textes portés sur le malin et ses exactions, le groupe s’ancre en effet dans une réalité BM indéniable, mais le fond de leur art est quant à lui plus porté sur un Heavy Metal chantant et mélodique, rejoignant d’assez près les allusions de SPINAL TAP et TENACIOUS D, avec plus d’orchestrations, d’effets, et un sens aigu du refrain qui fait mouche quasiment à chaque fois. Et autant le dire, le concept fonctionne à plein régime, puisqu’il est construit sur des bases humoristiques solides, et des structures instrumentales éprouvées et conséquentes. Cautionné par certaines figures de légende de l’underground (VENOM, CARPATHIAN FOREST ou AUTOPSY, venus jouer les guests crédibles et compréhensifs), Sons of Midwestern Darkness est ce qu’on pourrait définir comme un véritable album de Heavy Metal aux aspirations lyriques et concrètes, qui défie d’ailleurs sur leur propre terrain des références beaucoup plus sérieuses au recul moins prononcé. Il est ainsi impossible de résister à des déferlements de violence cocasses comme « Viking Heaven », utilisant tous les codes en vigueur dans le Power Metal, le Viking Metal, et le Heavy Metal non pour les ridiculiser, mais pour les réhabiliter, après des années d’excès de sérieux de la part de musiciens un peu trop portés sur les épées et Tolkien.

Car ici, on rigole, mais on ne se moque pas. On respecte les genres qu’on aborde, et on respecte avant tout ses fans, qui d’une oreille complice comprendront vite que les personnalités impliquées dans le projet aiment autant le Heavy Metal qu’eux. Les pastiches sont savoureux, et les mélanges parfois très heureux, à l’image de l’irrésistible « Ready 4 Lvv », qui mixe la douceur d’une Pop classy n’love et les accès de colère Néo, pour accoucher d’une hybridation totalement craquante, comme si Barry WHITE flashait soudainement sur le cul de KING DIAMOND au détour d’une rue de Copenhague. Mais à vrai dire, les gus nous préviennent assez vite, ils sont nos nouveaux Dieux, et « We Are Your New Gods » d’incarner l’entrée en matière rêvée de RHAPSODY, avec son riff totalement redondant et ses vocaux écorchés typiques des eighties. Les chœurs impressionnants en arrière-plan annoncent à grand renfort de virilité un refrain parfaitement délicieux, et on comprend immédiatement que Dave et Phil ne sont pas là uniquement pour lâcher deux ou trois vannes faciles sur fond de Metal en plastique. D’ailleurs, ils en profitent pour poser sur la table des débats d’importance, et « Interlude: Black Metal vs Death Metal » de digresser sur la suprématie du Black Metal, la musique des Dieux, sur le Death Metal, qu’écoutent « des puceaux qui habitent encore chez leur mère ». Vous l’avez pigé, l’ambiance est à la déconne, mais la déconne prise au sérieux, et illustrée de vraies chansons, et pas de prétextes.

Alors, certes, le décalage entre le propos et son illustration pourra choquer. Les puristes ou les moins rompus à l’exercice du Comedy Rock seront sans doute déçus que le projet n’ait pas plus accentué la violence pour être en adéquation avec son propos. Ainsi, « Death to Death Metal », loin des exactions de Floride se veut Hard-Rock chatoyant et classique, avec refrain collégial et contagieux, tandis que « Sons of Satan » doit plus au Metal américain qu’au Heavy paillard anglais de VENOM. Mais avec ces inserts en conversations totalement pliantes (« Can One Be Grim and Extreme All of the Time? », une sorte de Beavis et Butthead en version Dead vs Luca Turilli), des délires opératiques à rendre vert de jalousie KING DIAMOND (« The Dark Way », une bonne flèche décochée dans le cul des Castafiore du Metal symphonique), mais surtout, des morceaux exubérants et parfois d’une violence cathartique (« Taint of the Witch », DIABLO SWING ORCHESTRA et CRADLE OF FILTH en goguette dans un cimetière imaginé par Dario Argento), Sons of Midwestern Darkness incarne une sorte de pinacle d’un genre qui ne supporte ni la médiocrité ni la timidité. En composant de vraies chansons, et en structurant leur album comme un conte délirant pour metalleux adeptes de l’ironie, WITCH TAINT réussit là où tant d’autres ont échoué en négligeant l’un ou l’autre des aspects les plus importants. Une vraie tranche de rigolade intelligente, mais surtout, un album qu’on réécoute facilement tant il est parfait et roublard à la fois. Tiens, même les deux bonus-tracks sont excellentes. C’est un signe qui ne trompe pas.           

                                                                                                 

Titres de l’album :

01. Introduction

02. We Are Your New Gods

03. Interlude: Black Metal vs Death Metal

04. Death to Death Metal

05. Sons of Satan

06. Interlude: Can One Be Grim and Extreme All of the Time?

07. Changes (a Little Less Time for Satan)

08. Viking Heaven

09. Ready 4 Lvv

10. Are You Ready (To Black Metal)

11. Interlude: On the Grimness of Noodles

12. Sons of Midwestern Darkness

13. The Dark Way

14. Taint of the Witch

15. Conclusion

16. Gods of the North (Bonus Track)

 17. In the Hall of the Witch (Bonus Track)


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par mortne2001 le 10/05/2020 à 18:35
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