En fait, je finis par me dire que les Grindcoreux sont de grands hyperactifs incapables de rester quinze secondes à ne rien faire. Entre les répètes, les tournées, les albums, les EP, les concerts hold-up organisés à l’arrache et le reste des turpitudes habituelles de leurs vies d’hommes, ces flingués trouvent toujours le moyen de consacrer une après-midi entre potes histoire de partager un split et quelques blasts.
Faudrait peut-être vous calmer les gars sinon votre discographie va finir par ressembler aux volumes de l’antique bibliothèque d’Alexandrie juste avant l’incendie…
Mais en fait, qui irait s’en plaindre ?
Pas les fans de Grind en tout cas, qui se repaissent de leurs exactions à intervalles très réguliers, et qui vont encore trouver matière à se réjouir en ce mois de juin ensoleillé.
Les héros du jour nous offrent un grand écart climatique en traçant une ligne droite entre les USA et la Suède, ou ont peut-être creusé un tunnel sous-marin entre le New Jersey et Växjö, mais peu importe le moyen, puisqu’ils ont réussi à se réunir virtuellement à l’occasion de deux faces partagées, et offertes sur un plateau rouillé par Horror Pain Gore Death productions, célèbre label activiste de Philadelphie.
Au menu ?
Deux factions aussi complémentaires que différentes, qui proposent deux concepts qui se rejoignent tout en évoluant en parallèle, pour deux plans de carrière assez opposés.
Le cas des suédois de BIRDFLESH est donc le premier abordé. J’ai connu ces tarés venus du froid à l’occasion de leur premier LP, Alive Autopsy, publié il y a une grosse quinzaine d’années, et j’avais même osé émettre une opinion sur leur art consommé du boucan gelé lors de la parution de Mongo Musicale, en 2006
Les originaires de Växjö sont donc les vétérans de l’étape et de l’épate, et proposent donc un Grind assez familial, pas vraiment symptomatique des us et coutumes locales et un brin paillard, mais toujours musical dans l’esprit. Ici, la débauche ne rime pas avec ébauche, et leurs morceaux, quoi que très courts sont peaufinés et bien décongelés, histoire de ne pas se faire chier avec la chaîne du froid. On pense même à leur écoute à un gros Powerviolence bien dosé, bien que les fréquentes accélérations démontrent que le Grind est quand même leur moyen de transport préféré. Mais en bénéficiant d’un son massif et clair, Smattro Ansjovis (batterie et chant), Achmed Abdulex (guitare et chant) et Panda Flamenco (basse et chant) se permettent de nous soigner au petit scalpel, avec une bordée de morceaux joyeux et entrainants, qui ne versent jamais dans le chaos d’un stockage de congélation instable. On sent évidemment que l’humour est toujours une composante importante de leur travail, mais au cas où la chose vous aurait échappé, des intitulés comme « Caligoulash », « The Lawn Mover » ou « Miss Complaint » se feront une joie de vous le rappeler.
Musicalement, tout ceci est évidemment très rapide et violent, mais sait rester bon enfant, et trousser des hymnes assez déments, que l’on reprend le cœur vaillant (« Trapped In Forcepower », hit improbable que l’on hurle de concert avec les déments).
L’emphase est mise sur des refrains vraiment fédérateurs et des riffs simples mais irrésistibles, empreints de Thrashcore brulant et de Hardcore fumant.
Efficaces, ludiques, les BIRDFLESH se proposent donc d’incarner le versant le plus abordable du Grind scandinave, dans une veine qui préfère la bonne humeur à l’agression de tueur. Un split qui ne fera pas tâche dans leur discographie pléthorique, qui en compte déjà un nombre assez conséquent, en sus de quatre LP. D’ailleurs, le dernier datant de 2008, il serait temps de vous remettre au boulot les gars, faut pas déconner.
Les originaires du New-Jersey d’ORGAN DEALER sont quant à eux beaucoup moins bavards, quoique leur carrière n’a débuté qu’en 2013. Depuis, Jeffrey Knoblauch, Scot Moriarty, Trevor Graham, Eric Schnee et
Thomas Maher nous ont proposé une livraison par an, sous la forme d’un rein, d’une rate ou d’un poumon, dans un sac pas vraiment hermétique. Une première démo en 2014, un LP l’année suivante (Visceral Infection), un single seulement en 2016, et cette promenade en compagnie des BIRDFLESH pour 2017.
Bilan donc assez maigre pour un groupe se vautrant dans le Grind à tendance Death bien débridé, et assez proche des THE KILL et autres INFEST dans l’esprit, privilégiant la noirceur et la puissance à la nuance et la pâleur.
C’est donc à neuf morceaux de corps que nous avons droit, pour une épaisseur moyenne d’une minute, et une attitude frondeuse et fonceuse qui ne donne ni dans la dentelle, ni dans l’opération à cœur ouvert. Ici, on charcute dans les grandes largeurs, et on ne s’emmerde même pas à recoudre après. C’est éminemment bourrin, mais aussi salement technique dans l’approche, avec des passages d’un tranchant exemplaire, qui permettent même de retenir quelques motifs au passage.
Mais le but du jeu n’étant pas de passer pour des chirurgiens consciencieux ni pour des bouchers prétentieux, tout fan de Grind gras mais digeste y trouvera de quoi remplir sa panse et soulager ses tympans, dans une exubérance toute américaine.
Nous nous voyons même gratifiés d’un final orgiaque qui ose agresser les cent-vingt-neuf secondes, en faisant preuve d’une variété de tempo et de riffs, chatouillant même la corde sensible NAPALM DEATH de sa gravité de circonstance.
Le reste est du même niveau, et reste dans une norme d’excellence Grind, donc, pas d’inquiétude. L’honneur est sauf et le greffon bien arrivé à la maison.
Un split qui se justifie donc de lui-même, et qui permet à l’arrière-garde de trôner aux côtés de la nouvelle génération. Une pluralité de bordel assez fascinante qui ne se contente pas d’un seul visage, mais offre plusieurs facettes, pour un split miroir qu’on dévore sur le pouce, sans assiette.
Et qui n’oblige même pas à rester couvert.
Voyage au centre de la scène : une rencontre avec Chris Palengat (MASSACRA)
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