Un nom de plus sur la liste des traqueurs de nostalgie. Celui des américains de SKULLOVICH, entre Etats-Unis et Russie, pour un premier album un peu foutraque, mal équilibré, entre deux chaises et la raie exposée. Le genre de produit que la vague old-school brade au kilo lors des ventes de masses, et que les gens achètent dans un lot sans y prêter attention. Et qui un jour, émerge du panier comme un diablotin hors de sa boîte. Ce jour, c’est aujourd’hui, et la boîte à malice, c’est évidemment Internet qui refourgue la paille à la fourche pour alimenter les bestiaux que nous sommes.
SKULLOVICH est un groupe très récent, formé juste avant les années 2020, et qui a publié deux démos éponymes avant de se lancer dans le grand bain du longue-durée. Après deux morceaux révélés en avant-première, le reste du tracklisting a suivi, et nous voilà face à une œuvre complète, qui se situe dans une galaxie plus ou moins étrange.
The Age of Steel pouvait laisser craindre un nouveau pamphlet True Metal un peu trop sérieux, avec épées, maillots de peau, cuissardes et poils sur le torse. Heureusement pour nous, si la thématique héroïque est d’usage, le fond de l’air est un peu moins frais. Pas de MANOWAR à craindre, ni de RHAPSODY, mais plutôt une hybridation entre la Bay-Area et d’autres zones comme Boston ou la Louisiane, entre Heavy de guingois et Thrash qui ne laisse pas de bois.
Difficile dès lors de savoir à qui on a vraiment affaire. Des truands incapables de choisir un camp ? Des musiciens chafouins qui campent entre eux positions ? Si l’affaire nous est vendue sous l’étiquette Heavy Thrash, la réalité des faits est légèrement différente. Certes, l’agressivité dont fait preuve le quatuor (Chevy McQuaide Jr. - chant/guitare, Sean Folk - guitare, Jose Blanco - basse et Josh Schifris - batterie) peut éventuellement les affilier à l’instinct californien du début des eighties, mais leur tendance à tout rendre flou et trouble nous pousse à réfléchir quant à une affiliation précise.
Et comme le choix s’avère impossible, on laisse tomber les catégorisations, et on accepte d’être trimballé d’un monde de violence à un monde chevaleresque de démence.
Assez picaresque dans le fond, mais avec quatre escrocs à la place d’un seul anti-héros, The Age of Steel incarne l’âge de fer de notre civilisation, bien que certains instincts doivent remonter à l’âge de pierre. Rustre, mal éduqué, le groupe ne cherche pas les formules fines et les allusions divines, et prône des valeurs de courage et de résistance à la douleur, via un Metal assez primaire, à la technique sommaire.
Mais nier que cet album dégage un charme certain serait très injuste envers ces musiciens. Même si parfois la pilule est un peu dure à avaler (« Age of Steel » d’une lourdeur insistante pas forcément très inspirée), même si les parallèles avec le RUNNING WILD le plus pataud plombent les mouvements, on se plaît à penser à un groupe du passé ayant traversé le temps pour récupérer un peu d’argent, avec en bandoulière un répertoire d’époque. Quelque chose qui tergiverse, qui ne pose pas vraiment, et qui vole à contrecourant, en suivant la lumière reflétée par les lames aiguisées.
« Sword of the Grave » sent en effet très bon l’axe 1984/1985, « Skeletal Storm » et son intro énorme reproduit les recettes de la première moitié de la décennie, tout comme « Flames of Chaos », qui n’ose pas non plus faire tomber les BPM même si quelques contretemps s’y donnent joyeusement.
Beaucoup plus proche d’un Heavy joué par des musiciens de proto-Black que d’un véritable combo Heavy/Thrash, SKULLOVICH éructe, joue le graveleux, le mystérieux, mais reste un produit de plus à ranger sur l’étagère. On ne sait pas vraiment à quel saint se raccrocher, et on lutte pour trouver un point de focalisation, même si la guitare solo sait se montrer salace.
Il y a toujours un mais, vous vous en doutez. Ce mais est incarné par la doublette finale, formée par le malicieux et vicieux « Death Dealer » qui court et qui dévale, et surtout, par l’épilogue « Dungeon Crawler » longue suite de plus de huit minutes qui permet de voir l’album sous un autre angle, plus évolutif et envoutant.
Cette dernière composition est sans conteste le haut fait d’un disque qui en manquait justement, et qui délivre un message clair et simplissime : c’était mieux avant, et tout ce qui a été produit ensuite est le fruit des réflexions de poseurs qui se préoccupent plus de leur look que de leur art. Brume, mystique, sifflante, notes qui hurlent dans le lointain, batteur qui se souvient enfin de ses roulements, cet au-revoir est tonitruant, et nous laisse apaisés et contents.
On attendra à l’avenir plus d’ambitions, de concision, et de précision. En tant que brouillon The Age of Steel est très crédible, mais il est encore tendre et naïf. En 2024, même la nostalgique joue à la croche près. Et la concurrence est rude pour aller se frotter aux dragons.
Titres de l’album:
01. Skeletal Storm
02. Flames of Chaos
03. By This Axe I Rule
04. Keeper of Fate
05. Under A Spell
06. Age of Steel
07. Sword of the Grave
08. Death Dealer
09. Dungeon Crawler
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