Quand on choisit ses albums de façon aléatoire, en fonction d’une inclinaison passagère ou de la séduction graphique d’une pochette plus aguicheuse que les autres, on prend le risque de se retrouver à écouter n’importe quoi. C’est une attitude qu’il faut assumer, mais qui entraîne parfois des découvertes sinon fondamentales, du moins intéressantes. Et c’est en regardant la cover du dernier LP des américains de GORLOCK que je me suis décidé à leur laisser une chance et leur offrir une tribune. Je l’avoue, je ne connaissais rien d’eux avant d’écouter leur musique sur ce troisième longue-durée, qui mérite parfaitement cette appellation. Constatant assez rapidement que le trio avait à ce point bourré les sillons numériques de son œuvre au point de lui faire atteindre la durée plus qu’excessive d’une heure et quarante minutes, je me posais alors cette question avant d’en avoir entendu la moindre note. Etait-ce bien utile de nous inonder de quatre-vingt-dix-neuf minutes de sons tournoyants pour faire passer leur message, déjà bien exposé sur les deux LP précédents ? Car l’approche de GORLOCK n’est pas des plus faciles d’accès, et leur style n’est pas des plus simples à définir. Si les auteurs se rangent dans la catégorie vaste et floue de l’Horror Metal, et si The Metal Archives se contente de les caser dans un créneau Black/Death, la réalité est plus complexe que les étiquettes. Tout au plus pouvons-nous affirmer que le trio US produit une musique étrange, parfois envoutante, souvent répétitive, presque en forme de mantra ou de Drone, une musique qui refuse toute contrainte ou contexte restrictif, et qui s’appréhende plus en forme de tout que de parties. Un rapide coup d’œil à la bio du groupe suffit à comprendre qu’ils ne sont pas adeptes de la concision et de la synthèse. Chacun de leur chapitre est long, très long, et Thorax Hallways se pose même en acmé de cette philosophie, avec ses treize titres dont deux dépassent les dix minutes, deux autres les neufs, le reste s’étalant entre cinq et huit, histoire de bien boucher les trous…Mais en définitive, tout ceci est-il utile ? Créatif ? Convaincant ? Pas totalement, même si l’ensemble à des airs de messe noire célébrée du plus profond des enfers.
Inutile de jouer les comparaisons, même si certains aspects de cette musique évoquent une sorte de Black atmosphérique, de Dark Ambient compressé, voire les deux à la fois lorsque les paramètres s’alignent parfaitement. Cette convergence ne se manifeste que par épisodes, notamment sur le pénétrant et mystique « Left in Years », qui se libère enfin du carcan bruitiste et grondant de quelques mélodies de chant bienvenues. Formé par les frères Adam et Eric Moore en 2006, GORLOCK est devenue une entité encore plus étrange dès l’adjonction de Buer aux textes et au chant. Depuis, le trio n’a eu de cesse de prôner un minimalisme créatif paradoxalement incarné par une densité temporelle, qui propose au public une idée fixe ou très peu modulable étirée à l’infinie. On pense à d’autres groupes du cru, qu’il est inutile de nommer, et qui eux aussi ont tenté de repousser les limites de l’abstraction, mais on se demande parfois si toute la problématique n’aurait pas pu être quelque peu résumée et ramenée à des proportions plus modestes. Car en effet, malgré les atmosphères travaillées, malgré l’envie d’utiliser le temps comme facteur de pression, la tactique ne marche que par intermittence, la plupart des morceaux étant beaucoup trop longs par eux-mêmes, et de facto, encore plus longs une fois assemblés et collés les uns aux autres. Individuellement, certains segments ne manquent pas de charme. La superposition de textures graves et ambiantes et d’un chant éthéré sortant de nulle part est plutôt une bonne idée, même si peu pérenne sur la distance. Thorax Hallways finalement, a de faux airs d’expérience ultime, de disque que l’on met en arrière-plan pour instaurer un climat de paranoïa et d’oppression, mais pas d’album stricto sensu dont chaque chanson peut s’apprécier individuellement. On songe parfois à un mélange d’ABRUPTUM et ENCOFFINATION, avec des strates d’arrangements atmosphériques à la ARCTURUS, mais on se demande sincèrement où veut en venir le groupe en étirant déraisonnablement ses titres au point de les rendre irritants et pénibles. Même les collaborations avec des participants extérieurs ne garantissent pas une ouverture de fond, sauf en termes d’exagération, ce que démontre le caverneux « The Roots of Woe », au-delà de la limite d’un Raw-Black extrême. Sauf que huit minutes pour laisser expirer le même riff dans un linceul de mélodies désincarnées d’arrière-plan n’est pas le meilleur moyen de convaincre les profanes du caractère artistique du concept. Mais cet aspect Black underground nuancé d’harmonies d’outre-tombe est certainement plus séduisant que les longues litanies inamovibles qui constellent ce troisième longue-durée, et qui sont beaucoup trop linéaires et interchangeables pour vraiment séduire…
On trouve sur Thorax Hallways des implications plus dodues, puisque le beau Phil Anselmo vient prêter main forte sur le titre « Lurking Birds Were Sparse, But Sored », l’un des plus intéressants du lot. Sortant un peu de leur zone d’inconfort, les trois musiciens osent enfin s’aventurer plus en avant sur les terres d’un BM âpre et méchamment bourrin, ce qui a le mérite de réveiller notre attention. Difficile alors de ne pas penser à une version encore plus alourdie d’un enfant illégitime entre INCANTATION et ENCOFFINATION, mais cette lourdeur oppressante est de loin le centre d’intérêt d’un album qui a la fâcheuse tendance à répéter les mêmes réflexes à outrance. Sauf qu’une fois passé ce morceau plus vif que les autres, il vous faudra encore encaisser une demi-heure de musique, demi-heure comblée par dix minutes d’Ambient vraiment glauque (« Beyond All Darkness », mais il y a de la beauté dans la laideur obscure), de lenteur processionnelle poussée à son paroxysme (« Ritual Ash », une redite sympathique au demeurant), et de treize minutes de conclusion cryptiques, multipliant les bourdonnements, les cassures atmosphériques, les chœurs sentencieux, pour un mantra infernal pas forcément susceptible de vous faire accéder à un stade de compréhension supérieur. Trop long, trop répétitif, ce troisième album des américains de GORLOCK est plus à prendre comme une curiosité pour amateurs d’extrême se voulant arty et glauque, ou comme une expérience qui aurait pu être fascinante en étant subtilement resserrée.
Titres de l’album :
01. Magister Dimensions
02. Withering Lines
03. Red August for Touch
04. Beyond the Hexagram Body
05. Nightmares a River of Cancer
06. Without Form in Color (Featuring Skidgore)
07. Left in Years
08. Funerals in Sound
09. The Roots of Woe (Featuring Zodiac)
10. Lurking Birds Were Sparse, But Sored (Featuring Philip Anselmo)
11. Beyond All Darkness
12. Ritual Ash
13. Throax Hallways
Excellent titre pour un putain d'album, que je ne saurais que trop conseiller à ceux qui sont passés à coté jusqu'à présent.
15/08/2022, 10:11
Extraordinaire album ! En tout point d'accord avec cette chronique. De mon côté l'influence de CHRISTIAN DEATH est plus que perceptible en effet.
15/08/2022, 10:00
Musicalement c'est plutôt bon mais qu'est-ce que le chant manque de puissance !
14/08/2022, 07:43
Hé hé hé...Dans ce genre d'attroupement, le back patch DISSECTION méritant le haut et court et pour le mieux le goudron et les plumes... ... ...
12/08/2022, 23:02
Fred, sale petite pute de balance, lâche de gauchiste. Fallait lui dire en face. Et ses convictions n'ont rien à voir avec la musique. Pauvre tocard.
12/08/2022, 15:40
Merci ! Et non pour la veste à patch ha ha ! On était déjà bien grillés en tant que frenchies (avec notre accent et... nos bouteilles de rouge !) je voulais pas en rajouter pour se faire remarquer
12/08/2022, 13:44
Non, non Jus de cadavre, tu as très bien fait de poster ce nouvel épisode.Même si je ne compte absolument pas aller à Seattle ou Vancouver un jour, c'est toujours très intéressant d'avoir une vision autre d'une ville, d'une r&eac(...)
12/08/2022, 13:08
Mouais...En même temps, des groupes qui font du playback dans un hangar en guise de clip, y'a pas que ces deux là hein... ... ...
12/08/2022, 12:56
Je confirme, le réalisateur est le même pour les 2 vidéos, et le créateur de Gaerea
12/08/2022, 11:43
C’est vrai que la plupart des artistes ont déjà tourné dans des festivals cet été en France . C’est pas la folie
12/08/2022, 09:06
Croisé une fois, ce mec est une sorte de connard fan de l'Action Française et nostalgique d'un temps révolu, dommage qu'il n'ait pas l'honnêteté d'en parler dans cet interview. Saoulant et gavant.
11/08/2022, 21:06
Merci pour ce très bon report (comme d'habitude) RBD.Nous avons encore et toujours la même vénération pour Suffocation, hé hé. Un groupe éternellement en immense forme sur scène. On se demande quand ils baisseront de r(...)
11/08/2022, 18:39
Je retiens MOOR et DEATH FILE RED avec LYMBOLIC SCYTHE dans un coin de la tête parce qu'il y a quelque chose je trouve dans cette démo...Merci Mortne2001 pour cette mise en lumière des suintantes abimes du Metal
11/08/2022, 08:20
@ Gargan : Pour le coup le réalisateur est apparemment un membre de Gaerea par ailleurs...
10/08/2022, 21:36