Verloren

Withered

18/06/2021

Season Of Mist Underground Activists

Déjà plus de quinze ans que les américains de WITHERED nous fanent les tympans de leur Death/Black assourdissant et terriblement hivernal. Depuis leur premier assaut en l’honneur de la mémoire des morts jusqu’à Grief Relief, qui proposait une alternative au deuil assez intéressante quoi que chaotique, le quatuor d’Atlanta en Géorgie donne du fil à retordre à la CDC, répandant son mal-être comme un virus létal condamnant la population à moyen terme. Admettons que le groupe soit le parfait reflet d’une époque trouble et gangrénée par le désespoir le plus sombre. Alors, son dernier pamphlet en date renvoie l’image d’une société à l’agonie, et d’un environnement qui n’attend plus que son enterrement de seconde classe pour laisser la place au silence le plus absolu.   

Verloren, distribué par Season of Mist Underground Activists est un nouveau concentré de haine poisseuse, de lucidité âcre, de résignation âpre et de colère larvée. Explosant au son d’une musique difficilement définissable, aux confins du Crust crade et du Black/Death le plus impénétrable, ce nouvel album nous expose les faits dans leur lumière la plus crue, ne travestissant aucune vérité pour séduire : en résulte un album capable de foutre la trouille aux fans de PRIMITIVE MAN, FULL OF HELL et autre PORTAL.

D’ailleurs, l’occasion faisant le larron, on retrouve la participation d’Ethan McCarthy de PRIMITIVE MAN sur le morceau « Passing Through… », expérimentation personnelle en enregistrement caché du guitariste/chanteur Mike Thompson durant un enterrement familial. Le propos n’est donc ni à la galéjade ni à la blague de fin de banquet, mais une fois de plus à la tristesse, à la douleur, au ressenti, et à l’attrition qui nous emmène sur le chemin de la repentance, pour peu qu’elle existe vraiment et qu’elle soit toujours possible.

Mike Thompson (guitare/chant, et seul membre d’origine), Beau Brandon (batterie), Rafay Nabeel (basse) et Dan Caycedo (guitare/chant), ne s’éloignent donc pas de leur chemin trop bien tracé, et on reconnaît une fois de plus la patte diabolique de Mike Thompson qui vitupère gravement comme un beau diable enfermé dans sa bulle de noirceur. Et avec une approche directe comme « By Tooth In Tongue » et ses huit minutes de terreur et de chaos, Mike n’a pas fait dans la dentelle ni dans la simplicité, replaçant les débats sur le terrain d’un Death très noirci, qui plus d’une fois nous rapproche de la scène bruitiste américaine actuelle de Boston et Brooklyn, avec une âpreté incroyable.

  

Lourd comme un Doom passé au prisme du BM américain, fulgurant comme une maladie vous étalant pour le compte en quelques semaines, Verloren n’est pas un album qu’on écoute par grand soleil lorsque l’humeur est badine. C’est un disque qu’on se passe lorsque le moral est dans les chaussettes, lorsqu’on vient de perdre un proche et que la vie n’est qu’un long tunnel sombre sans issue. Avec ses nuances dans la gravité, il explore toutes les pistes de l’underground le plus brutal, mais reste fidèle à la recette élaborée il y a de longues années : aller jusqu’au bout, provoquer, titiller, faire souffrir, et verser du vinaigre sur des plaies encore béantes. Parfaite bande-son d’un deuil débordant de colère suintante, Verloren profite d’une production sourde aux contours mal définis pour adopter la forme d’un monstre dans le placard, ou d’une ombre de cent tonnes vous écrasant les épaules. Parfois complètement chaotique et inquiétant, ce nouvel album franchit un palier de plus dans l’ignominie, et nous réserve des tranches de dépression virtuelle totalement infectes, à l’image de ce « Dissolve », qui transforme le Downward Spiral de NIN en comptine pour enfants sages.

Je ne cacherai pas que l’écoute de ce cinquième album est éprouvante. Mais il fallait bien ça pour briser les cinq années de silence le séparant de son aîné, qui nous avait laissé sur les rotules, mais qui n’avait pas connu de suite pour nous achever. C’est maintenant chose faite, et alors que tout le monde s’enthousiasme d’un retour à la normale et de la reprise des concerts, WITHERED préfère laisser pourrir la joie sur pied, et nourrir la terre du cadavre de nos illusions perdues.

Très habilement construit pour vous faire passer de la tristesse à l’envie suicidaire, truffé d’effets, d’interludes Ambient putrides (« Passing Through… », quand on sait d’où ça vient, on n’a pas vraiment envie d’y revenir), assumant tous les sentiments dérivés de la perte (« …The Long Hurt »), admettant parfois la nostalgie comme dérivatif (« Verloren » et sa mélodie Post tout de même flippante), avant d’asséner le coup de grâce (« From Ashen Shores », plus Black que n’importe quel cador norvégien ou suédois), Verloren est la retranscription du ressenti de bon nombre d’entre nous, qui avons souffert pendant plus d’un an, mais qui devons quand même supporter les atermoiements d’une classe politique plus concernée par les questions sécuritaires, l’immigration et les flux bancaires que par l’avenir d’une planète que les entreprises du CAC40 ruinent vitesse grand V de leur émanations.

WITHERED repousse encore les limites de la laideur, mais le fait avec une honnêteté sans failles. Remercions les pour cette douleur qui s’insinue sous les chairs, mais qui nous fait voir la réalité en face.  

 

 

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. By Tooth In Tongue

02. The Predation

03. Dissolve

04. Casting In Wait

05. Passing Through…

06. …The Long Hurt

07. Verloren

08. From Ashen Shores


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par mortne2001 le 14/02/2022 à 14:51
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